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07/03/2013 | FRANCE | N°11LY02990

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 07 mars 2013, 11LY02990


Vu le recours, enregistré le 15 décembre 2011, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

La ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000748 en date du 29 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé, à la demande de la société Porteret Beaulieu Industrie (PBI), l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or en date du 26 janvier 2010 enjoignant à cette dernière de procéder à des prélèvements complé

mentaires portant sur dix substances ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le...

Vu le recours, enregistré le 15 décembre 2011, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

La ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000748 en date du 29 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé, à la demande de la société Porteret Beaulieu Industrie (PBI), l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or en date du 26 janvier 2010 enjoignant à cette dernière de procéder à des prélèvements complémentaires portant sur dix substances ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal par la société PBI ;

La ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement soutient que :

- le préfet qui pouvait se fonder sur les articles L. 212-1 et R. 211-11-1 du code de l'environnement, relatifs aux objectifs de qualité et de quantité, pour prescrire, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, des mesures complémentaires à l'arrêté du 2 juillet 2004, n'a commis aucune erreur de droit en appliquant la législation relative à la police de l'eau ;

- dès lors que les dix polluants qui ont fait l'objet de la demande de surveillance litigieuse sont identifiés comme caractéristiques de certaines activités de l'industrie papetière, que ces substances sont regardées comme " dangereuses prioritaires ", et que les analyses effectuées par la société, le 7 mai 2010 ont été réalisées de manière irrégulière, le préfet était en droit de demander à la société concernée de démontrer qu'elle ne présentait pas les dangers identifiés ;

- l'arrêté complémentaire du 26 janvier 2010, en mettant à la charge exclusive de l'exploitant, conformément au principe posé par les articles L. 514-8 et L. 512-11 du code de l'environnement, les dépenses relatives aux analyses et recherches qu'il prescrit, n'est entaché d'aucune illégalité ;

- les autres moyens présentés en première instance doivent être écartés, eu égard aux observations présentées par le préfet en première instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 28 mars 2012, présenté par la société PBI, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'administration ne caractérise pas le fondement légal de la charge de la preuve de l'innocuité des prélèvements litigieux qui reposerait sur l'exploitant ;

- le préfet a commis une erreur de droit en mettant à sa charge le coût d'une campagne de contrôle d'une durée de six mois ;

- le cas échéant, elle maintient l'intégralité des moyens présentés en première instance, et notamment celui tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

Vu la directive n° 2006/11/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté ;

Vu la directive n° 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu l'arrêté ministériel du 30 juin 2005 modifié pris en application du décret du 20 avril 2005 relatif au programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Garaud, substituant Me Charlopin, avocat de la société PBI ;

1. Considérant que par le présent recours, la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 29 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a, à la demande de la société PBI, annulé l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or en date du 26 janvier 2010 enjoignant à cette dernière de procéder à des prélèvements complémentaires portant sur dix substances ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral " ; qu'aux termes de l'article L. 214-7 du même code : " Les installations classées pour la protection de l'environnement définies à l'article L. 511-1 sont soumises aux dispositions des articles L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-11, L. 214-8, L. 216-6 et L. 216-13, ainsi qu'aux mesures prises en application des décrets prévus au 1° du II de l'article L. 211-3. Les mesures individuelles et réglementaires prises en application du titre Ier du livre V fixent les règles applicables aux installations classées ayant un impact sur le milieu aquatique, notamment en ce qui concerne leurs rejets et prélèvements " ; qu'aux termes de l'article R. 512-31 de ce code : " Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. L'exploitant peut se faire entendre et présenter ses observations dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article R. 512-25 et au premier alinéa de l'article R. 512-26 (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si les ouvrages et installations nécessaires à l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ayant un impact sur le milieu aquatique, ne sont soumis qu'aux règles de procédure instituées par la législation propre à ces installations classées, ils doivent en revanche respecter les règles de fond prévues par les dispositions précitées de l'article L. 211-1 et L. 212-1 du code de l'environnement relatifs aux objectifs de qualité et de quantité des eaux ; que, dans ces conditions, les objectifs visés par les dispositions des articles R. 211-11-1 à R. 211-11-3 du code l'environnement relatives au programme national contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses, sur le fondement desquelles a été pris l'arrêté litigieux, sont au nombre de ceux à prendre en compte au titre des prescriptions initiales et complémentaires applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'ainsi, par l'arrêté litigieux, le préfet de la Côte-d'Or a pu légalement prescrire à la société PBI, la réalisation mensuelle pendant six mois d'études visant à détecter la présence de dix substances chimiques dangereuses dans les effluents émanant de son usine afin de se conformer aux objectifs de qualité et de quantité des eaux fixés par les dispositions précitées du code de l'environnement ; que par suite, la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet avait commis une erreur de droit en prescrivant les analyses litigieuses en conformité avec des objectifs figurant au titre II du code de l'environnement ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 514-8 du code de l'environnement : " Les dépenses correspondant à l'exécution des analyses, expertises ou contrôles nécessaires pour l'application du présent titre sont à la charge de l'exploitant " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment d'un rapport établi par la société SOCOTEC en date du 7 mai 2010, que la campagne de prélèvements effectués le 30 mars 2010 n'a révélé aucune émission de substance listée dans l'arrêté litigieux ; que toutefois l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) chargé d'examiner ces résultats, a estimé que les analyses effectuées par la société PBI n'avaient pas été réalisées dans des conditions techniques convenables au regard du cahier des charges ; qu'ainsi, il ne peut être établi que l'unique campagne de prélèvements réalisée par la société PBI aurait permis de démontrer tant l'absence des dix substances dangereuses concernées que celle de risque de recomposition de ces substances à la suite notamment de phénomènes chimiques ; que, dans ces conditions et compte tenu de ce qui été dit précédemment, le préfet pouvait légalement ordonner, sur le fondement de ces dispositions, que les frais occasionnés par l'analyse critique prescrite, seraient mis à la charge de la société PBI ; que, par suite, la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté préfectoral litigieux au motif qu'il n'était pas établi que la société PBI serait source de pollution au sens des dispositions de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

6. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société PBI tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;

7. Considérant, en premier lieu, que pour justifier les prescriptions complémentaires consistant à effectuer des prélèvements aux points de rejets de ses effluents industriels, à raison d'une mesure par mois pendant six mois, afin de surveiller la présence de dix substances chimiques déterminées, le préfet de la Côte-d'Or s'est notamment fondé sur le courrier en date du 9 octobre 2009 qu'il avait adressé à la société PBI pour accompagner le projet d'arrêté litigieux et dont il reprend les motifs de faits indiquant notamment que l'évaluation qualitative et quantitative des rejets de substances dangereuses dans l'eau issus du fonctionnement de l'établissement nécessitait une surveillance périodique et que les substances dangereuses concernées comportaient des effets toxiques, persistants et bioaccumulables sur le milieu aquatique ; que, dans ces conditions, la société PBI n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux serait insuffisamment motivé en fait ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les prescriptions litigieuses visent à assurer la protection des intérêts fixés aux articles L. 211-1, L. 212-1 et L. 511-1 du code de l'environnement comprenant notamment la recherche et la réduction des rejets de substances dangereuses dans l'eau par les installations classées qui n'est pas assurée par les prescriptions initialement édictées, s'agissant des dix substances concernées ; que dans ces conditions, le préfet pouvait légalement édicter les prescriptions litigieuses, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article R. 512-31 du code de l'environnement ;

9. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment concernant la nature des intérêts à prendre en compte au titre des prescriptions initiales et complémentaires applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement, pour prendre l'arrêté litigieux, le préfet a pu légalement se fonder sur les dispositions de l'arrêté ministériel du 30 juin 2005 modifié pris en application du décret du 20 avril 2005 relatif au programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses, pour mettre à la charge de la société PBI les dépenses liées aux analyses litigieuses ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé, à la demande de la société PBI, l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or en date du 26 janvier 2010 enjoignant à cette dernière de procéder à des prélèvements complémentaires portant sur dix substances ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société PBI et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 1000748 du 29 septembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif par la société PBI est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société PBI tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la société PBI.

Délibéré après l'audience du 14 février 2013 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mars 2013.

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N° 11LY02990

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02990
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-02 Nature et environnement. Autres mesures protectrices de l'environnement. Lutte contre la pollution des eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : CHARLOPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-07;11ly02990 ?
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