LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Mme Aicha X...,
- Mme Samantha X..., parties civiles
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre spéciale des mineurs, en date du 2 décembre 2010, qui, dans la procédure suivie contre M. Ali Y..., M. Hicham Z... et M. Ahmed Z..., du chef de dégradation volontaire d'un bien par l'effet d'un incendie ayant entraîné une incapacité de travail temporaire totale supérieure à huit jours, s'est déclarée incompétente pour prononcer sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mars 2012 où étaient présents : M. Louvel président, M. Laurent conseiller rapporteur, MM. Pometan, Foulquié, Moignard, Castel, Raybaud, Mme Caron conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Lazerges, Carbonaro conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LAURENT, les observations de la société civile professionnelle BOULLOCHE, de la société civile professionnelle BLANC et ROUSSEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6 et 24 de l'ordonnance du 2 février 1945, 380-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel d'Amiens s'est déclarée incompétente pour connaître des appels formés contre l'arrêt rendu sur intérêts civils par la cour d'assises des mineurs de la Somme le 27 novembre 2009 ;
"aux motifs que si aucune des parties n'a formé de pourvoi à l'encontre de l'arrêt d'incompétence rendu le 5 mai 2010 par la chambre des appels correctionnels, il appartient à la chambre spéciale des mineurs d'examiner d'office sa compétence au regard des dispositions de l'article 380-5 du code de procédure pénale ; qu'il convient de retenir que les appels ont été formés sur les dispositions d'un arrêt rendu uniquement sur intérêts civils et qu'aucun article du code de procédure pénale n'a réservé, dans cette circonstance, la compétence exclusive de la chambre spéciale des mineurs, outre le fait que les dispositions de l'article 6, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoient que lorsqu'un ou plusieurs mineurs sont impliqués dans la même cause qu'un ou plusieurs majeurs, l'action civile contre tous les responsables peut être portée devant le tribunal correctionnel ou devant la cour d'assises compétente à l'égard des majeurs ; qu'en ce cas, les mineurs ne comparaissent pas à l'audience, mais seulement leurs représentants légaux ; qu'ainsi, il ne saurait être question du silence du législateur, celui-ci ayant expressément prévu que l'action civile pouvait être portée devant les juridictions correctionnelle ou cour d'assises compétentes à l'égard des majeurs en cas de pluralité d'auteurs, mineurs et majeurs ; qu'il y a lieu dès lors de constater l'incompétence de la chambre spéciale des mineurs ;
"1°) alors que l'appel formé par une partie contre le seul jugement rendu par une cour d'assises sur l'action civile est porté devant la chambre des appels correctionnels ; que lorsqu'un ou plusieurs mineurs sont impliqués dans la même cause qu'un ou plusieurs majeurs, l'action civile contre tous les responsables peut être portée devant la juridiction compétente à l'égard des majeurs ; qu'il s'agit là d'une simple faculté et la partie civile peut toujours porter son action devant la juridiction spécialisée pour mineurs ; que l'appel formé par une partie contre le jugement rendu par une cour d'assises des mineurs statuant sur l'action civile peut donc être porté devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ; qu'en se déclarant cependant incompétente, la chambre spéciale de la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que toute personne doit disposer d'un recours effectif au juge lui permettant de faire juger ses prétentions ; qu'en l'espèce, la chambre des appels correctionnels s'est déclarée incompétente pour statuer sur l'appel du jugement de la cour d'assises des mineurs, statuant sur l'action civile, aux motifs que seule la chambre spéciale des mineurs était compétente pour en connaître ; qu'en se déclarant cependant incompétente pour connaître de cet appel, la chambre spéciale des mineurs a méconnu le principe du droit d'accès au juge et les textes cités au moyen" ;
Vu l'article 1er de l'ordonnance du 2 février 1945, ensemble les articles 380-5 du code de procédure pénale et L. 312-6 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu qu'il se déduit de la combinaison de ces textes que l'appel formé contre le seul arrêt rendu sur l'action civile, par la cour d'assises des mineurs, est porté devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ;
Attendu que Mme Aicha X... et Mme Samantha X..., parties civiles, ont interjeté appel de l'arrêt civil rendu, le 27 novembre 2009, par la cour d'assises des mineurs de la Somme, faisant suite à l'arrêt de ladite cour, en date du 19 juin 2009, qui a déclaré M. Ahmed Z..., majeur, ainsi que M. Hicham Z... et M. Ali Y..., tous deux mineurs, coupables de dégradation volontaire d'un bien par l'effet d'un incendie ayant entraîné une incapacité de travail temporaire totale supérieure à huit jours ;
Attendu que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Amiens, s'est, par arrêt du 5 mai 2010, déclarée incompétente, au profit de la chambre spéciale des mineurs, au motif que, si l'article 380-5 du code de procédure pénale attribue compétence à la chambre des appels correctionnels pour connaître de l'appel formé contre le seul arrêt civil rendu par la cour d'assises, le législateur n'a pas entendu déroger aux règles spécifiques de compétence applicables aux procédures mettant en cause des accusés mineurs, lesquelles sont d'ordre public ;
Attendu que, pour écarter la compétence de la chambre spéciale des mineurs, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, les juges d'appel ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel d'Amiens, en date du 2 décembre 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en la chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Mme Aicha X... et de Mme Samantha X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;