LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 7111-3, alinéa 1er, et L. 7112-1 du code du travail ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que selon le second, "Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties" ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., soutenant avoir collaboré de façon continue de 1989 à 2008 avec la société Prisma presse en qualité de journaliste et se prévalant d'un contrat de travail abusivement rompu par celle-ci, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient qu'en sa qualité de journaliste pigiste, l'intéressée ne peut revendiquer le statut de journaliste professionnel bénéficiant comme tel de la présomption légale de salariat ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Prisma presse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Prisma presse à payer à Mme X... la somme de 100 euros ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Prisma presse à payer à la SCP Roger et Sevaux la somme de 2 400 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que Madame X... ne pouvait revendiquer le statut de journaliste professionnel et la présomption légale de salariat y étant associée, et de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
Aux motifs que si l'article R.7111-1 du Code du travail précise que la carte d'identité des journalistes est seulement délivrée aux journalistes professionnels au sens des dispositions de l'article L.7111-3 du même Code, sa détention est en elle-même insuffisante à établir que son titulaire possède bien la qualité de journaliste professionnel au sens du texte légal précité ; que le fait ainsi que Madame Anne X... produise une attestation du président de la commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, aux termes de laquelle celle-ci lui a été délivrée de 1992 à 2007 inclus, exception faite pour l'année 2004, ne permet donc pas de lui faire application par principe des dispositions de l'article L.7111-3 du Code du travail ; qu'il sera d'ailleurs observé que la commission précitée, dans une décision du 16 octobre 2008, a rejeté la demande de renouvellement de Madame Anne X... au titre de l'année 2008, au motif que n'apparaît pas établi la concernant « le caractère principal et régulier de l'exercice de la profession de journaliste », décision qu'elle n'a pas contestée devant la commission supérieure ; mais qu'indépendamment du traitement administratif donné à cette demande d'obtention de la carte de journaliste, le Code du travail donne une définition du « journaliste professionnel » (article L.7111-3), catégorie soumise aux dispositions dudit Code (article L.7111-1) sous réserve de l'application de règles particulières et comme telle relevant de la présomption de salariat (article L.7112-1) ; que l'article L.7113-3 alinéa 1er du Code du travail précise qu' « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses revenus » ; que l'article L.7112-1 du même Code indique que « toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention des parties » ; que c'est à l'entreprise de presses, à laquelle on oppose cette présomption légale de salariat et qui conteste la qualité de salarié d'un journaliste, et plus précisément d'un journaliste pigiste, de démontrer que celui-ci exerce ses fonctions en dehors de tout lien de subordination, soit en toute indépendance et en toute liberté, même dans la durée ; que des échanges de courriels et de correspondances entre les parties durant leur collaboration aux magasins Voici, Capital et Télé Loisirs, il ressort que Madame Anne X... ne recevait spécialement aucune directive ou instruction précise de la part de la SNC Prisma Presse qui rappelait le cadre de leur relation dans deux courriers adressés à l'appelante les 13 novembre 2006 (« l'irrégularité de la relation est inhérente au statut de journaliste pigiste, et la variation du rythme de celle-ci ne constitue pas en soi une cessation définitive, même si cette collaboration régulière à une époque devient irrégulière à une autre en connaissant quelques césures »), et 27 décembre 2006 (« ce n'est pas le rythme de la rubrique vos droits qui a évolué mais le nombre de courriers qui nous sont adressés par nos lecteurs dans ce domaine ») ; que dans l'exercice de son art, plus précisément orienté vers la diffusion d'informations à caractère juridique au sein de rubriques prévues à cet effet sous la forme, soit de réponses aux courriers des lecteurs (Capital), soit d'articles « leader » (Télé Loisirs), il apparaît bien que Madame Anne X... en contrôlait très largement le contenu ainsi que la périodicité, donnant de fait à sa collaboration au sein de cette entreprise de presse un caractère irrégulière même dans la durée ; que Madame Anne X... apportait ainsi à l'intimée des articles sur des sujets laissés pour une grande part à son initiative, sans avoir réellement reçu de cette dernière des commandes, des ordres ou de simples orientations générales, peu important son mode de rémunération et les conditions dans lesquelles lui avait été remise sa carte de journaliste professionnel ; que journaliste pigiste, elle ne peut, dès lors, revendiquer el statut de journaliste professionnel bénéficiant comme tel de la présomption légale de salariat, et la SNC Prisma Presse n'avait aucune obligation de lui assurer la parution et la rétribution d'un nombre d'articles déterminé dans un temps donné, de sorte que la baisse du nombre de piges puis leur arrêt après avril 2008 ne peut juridiquement s'analyser, d'une part, en une modification d'un contrat de travail et, d'autre part en un licenciement injustifié ;
Alors, de première part, qu'est journalise professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources, peu important le fait que, rémunérée à la pige, sa collaboration avec l'une de ces entreprises serait en tant que telle irrégulière ; qu'en affirmant que la qualité de journaliste pigiste de Madame X... l'exclurait de la qualité de journaliste professionnel, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.7111-3 et L.7112-1 du Code du travail ;
Alors, de deuxième part, que le seul fait que la collaboration de Madame X... à la société Prisma Presse soit irrégulière ne saurait suffire à exclure que son activité de journaliste soit son occupation principale, régulière et rétribuée et lui procure l'essentiel de ses revenus ; Madame X... ayant d'ailleurs souligné que la société Prisma Presse n'était pas la seule entreprise de presse à laquelle elle collaborait ; qu'en statuant à nouveau par un tel motif inopérant, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des motifs précités ;
Alors, de troisième part, que la Cour d'appel qui constate qu'une partie de l'activité de Madame X... consistait à répondre aux courriers des lecteurs qui lui étaient nécessairement adressés par la société Prisma Presse, ne pouvait simultanément affirmer, sans entacher son arrêt d'une contradiction de motifs et le priver par là même de toute motivation en violation de l'article 455 du Code de procédure civile, que Madame X... apportait à la société Prisma Presse des articles sur des sujets laissés à son initiative sans avoir reçu de celle-ci des commandes, des ordres ou de simples orientations générales ;
Et alors, en toute hypothèse, qu'en statuant de la sorte, sans analyser au moins succinctement les pièces produites par Madame X..., et notamment les mails échangés avec la rédaction de la revue Télé loisirs pour laquelle elle écrivait certains articles, attestant de ce que sa contribution résultait de commandes précises qui lui étaient adressées en fonction de ses propres propositions, commandes qui précisaient l'objet, le volume, la forme et la date de chacun des articles qui lui étaient demandés, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.7111-2 du Code du travail ;