LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., agriculteurs, ont constitué en 1989 un groupement agricole d'exploitation en commun dénommé GAEC de la Sebirerie ; que M. X... ayant souhaité se retirer du groupement, deux assemblées générales des 25 janvier et 1er mars 1999 et une convention du 27 mai 1999 ont fixé les conditions de son départ ; que par acte du 13 mai 2003, M. X... a fait assigner l'EARL de la Sebirerie, venant aux droits du GAEC, et M. Y... en annulation des actes conclus en 1999 pour vice du consentement et en remboursement de certaines sommes ; que l'EARL de la Sebirerie et M. Y... ont soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 27 novembre 2008 :
Attendu qu'aucun grief n'étant formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel le 27 novembre 2008, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 9 décembre 2010 :
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'action en nullité des assemblées générales des 25 janvier et 1er mars 1999, de l'acte du 27 mai 1999, et des engagements alors pris, est prescrite, alors, selon le moyen, que le juge est tenu de répondre aux conclusions opérantes des parties ; qu'au cas présent, M. X... faisait valoir que son consentement aux trois délégations de créances du 6 mars 1999 avait été vicié ; que, pour écarter cette demande, la cour d'appel s'est bornée à estimer que le prix de rachat des parts sociales avait été fixé dès les délibérations des 25 janvier et 1er mars 1999 et que l'action de ce chef était prescrite, sans répondre au moyen tendant à l'annulation, non de l'acte de rachat des parts, mais des actes de délégation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant déclaré prescrite l'action en nullité de l'assemblée générale du 25 janvier 1999 qui avait prévu la reprise par M. X... des emprunts ayant fait l'objet des actes de délégation de créance, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1844-14 du code civil ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande d'annulation de l'acte de rachat de parts du 27 mai 1999, l'arrêt constate que les deux assemblées générales des 25 janvier et 1er mars 1999 ont déterminé les conditions du départ de M. X... et précisé que les modalités de règlement de l'ensemble des sommes dues seraient fixées dans l'acte ultérieur de rachat des parts ; qu'il relève que l'acte du 27 mai 1999 a rappelé les modalités décidées lors de ces deux assemblées générales et arrêté le montant de la dette de M. X... au 1er mars 1999 ; qu'il relève encore que le chiffrage de cette somme ne constituait pas un élément nouveau puisque la valeur des parts avait été fixée lors de l'assemblée générale du 1er mars 1999 et que M. X... n'était pas sans connaître le montant débiteur de son compte courant ; qu'il retient que l'acte du 27 mai 1999, qui ne fait que reprendre les conditions fixées par les deux assemblées générales, fait corps avec ces dernières et ne peut être considéré isolément ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la demande d'annulation de l'acte de rachat de parts était fondée, non sur une irrégularité préexistante de la délibération ayant autorisé sa conclusion, mais sur un vice qui affectait l'acte lui-même, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 novembre 2008 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite la demande d'annulation de l'acte du 27 mai 1999, l'arrêt rendu le 9 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société La Sebirerie et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l' audience publique du vingt mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action de M. X... tendant à l'annulation de l'acte du 27 mai 1999 ;
Aux motifs que « Laurent Y... et l'EARL de la SEBIRERIE font valoir que les conventions dont Patrick X... demande la nullité résultent de deux assemblées générales du 25 janvier et du 1er mars 1999, et d'un acte du 27 mai 1999, que ce dernier n'est que l'application des assemblées générales, que la prescription pour cette action est donc celle de trois ans prévue par l'article 1844-14 du Code civil dans les dispositions de ce Code relatives aux sociétés ; qu'ils indiquent que le délai de prescription en matière de dol prévu par l'article 1304 du Code civil est de cinq ans mais uniquement « dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière » ; qu'ils poursuivent en précisant que c'est donc bien le délai de trois ans qui s'applique ; qu'ils soutiennent que le point de départ ne peut être, comme l'avance Patrick X..., le jour où il aurait découvert le vice soit le jour où le rapport d'expertise a été déposé, mais qu'il s'agit du jour où la nullité est encourue c'est-à-dire le jour de l'assemblée générale ; qu'ils soutiennent aussi que la prescription n'a pu être interrompue, que notamment le référé dont Patrick X... se prévaut à ce sujet a été engagé par l'EARL de la SEBIRERIE et qu'à cette occasion, dans sa demande reconventionnelle, il contestait la régularité de la comptabilité et n'invoquait pas la nullité des accords passés lors des assemblées générales ; que par les deux assemblées générales successives des 25 janvier et 1er mars 1999, suite au souhait exprimé par Patrick X... de quitter le GAEC, il a été décidé des modalités de ce départ dont la date a été fixée au 1er mars 1999, soit selon les précisions déjà citées, le rachat à Patrick X... de ses 7.000 parts pour le prix unitaire de 21 F, la reprise par lui du passif correspondant à deux emprunts Crédit Agricole pour un tracteur et une remorque, son engagement à faire effectuer pendant six ans par l'EARL nouvellement créée des travaux de battage et pressage ; qu'il était rappelé qu'il demeurait débiteur d'une somme inscrite à son compte courant au sein du Groupement, que les modalités de règlement pour l'ensemble seraient fixées dans l'acte ultérieur ; que l'acte du 27 mai 2009 contient le rappel de la situation passée du GAEC, les modifications intervenues à la suite des assemblées générales avec les modalités décidées, les statuts de l'EARL créée ; que dans cet acte, il est précisé qu'au 1er mars 1999, Patrick X... doit la somme de 168.576,71 F au GAEC (solde débiteur de son compte courant diminué du prix de rachat de ses parts) et qu'il devra régler cette créance au plus tard le 30 avril 2000, cette somme produisant des intérêts au taux légal si ce délai est dépassé ; mais que le chiffrage de cette somme ne constituait pas un élément nouveau puisque la valeur des parts avait été fixée lors de l'assemblée générale du 1er mars et que Patrick X..., comme cogérant du GAEC, n'était pas sans connaître le montant débiteur de son compte courant ; qu'ainsi que le font remarquer Laurent Y... et l'EARL, ce sont les deux assemblées générales qui ont fixé les conditions de la rupture, et que l'acte du 27 mai 1999, qui ne fait que reprendre ces conditions, fait corps avec ces deux assemblées et ne peut être considéré isolément ; que Patrick X... ne peut alors prétendre que son action est seulement fondée sur la mise en cause et la demande de nullité de cette convention du 27 mai 1999 ; qu'en ce qui concerne la prescription, c'est donc bien l'article 1844-14 du Code civil qui est applicable : « les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue » ; que le jugement dont appel, dans un motif évoquant le point de départ de la prescription, a fait état des pressions morales invoqués par Patrick X... « qui se seraient perpétrées jusqu'au 24 juin 2000 » ; que cependant, outre l'emploi d'un conditionnel, il apparaît que cette pression invoquée ne résulte que d'une lettre du 9 juillet 2000, adressée à l'EARL et dont Patrick X... est lui-même l'auteur, de sorte qu'elle ne peut faire preuve ; qu'au titre de l'action en référé, comme l'indiquent les intéressés, elle a été engagée par l'EARL DE LA SEBIRERIE et non par Patrick X... et que, lors de cette procédure, ce dernier a contesté le montant de la provision qui lui était réclamée tout en formant sa demande reconventionnelle d'expertise comptable, mais qu'il n'a pas contesté les décisions elles-mêmes prises dans le cadre des assemblées générales ; que le juge des référés notait d'ailleurs dans son ordonnance du 29 juin 2000 « qu'en l'état , l'intéressé n'a pas intenté d'action au principal pour obtenir la nullité de cette convention qui fait à ce jour la loi des parties » ; que, dans ces conditions, la demande reconventionnelle alors formée par Patrick X... n'avait aucunement le même objet que la demande en nullité ici poursuivie et ne peut en conséquence avoir l'effet interruptif de prescription qu'il invoque dans la présente cause ; que dans ces conditions et pour ces motifs, il apparaît que le délai de trois ans fixé par l'article 1844-14 du Code civil, qui avait commencé à courir lors des assemblées générales des 25 juin et 1er mars 1999, était écoulé lors de l'assignation du 13 mai 2003 en nullité de ces actes pour vice du consentement et qu'ainsi cette action est prescrite »(arrêt du 9 décembre 2010, p. 7-8) ;
1°) Alors que la prescription triennale de l'article 1844-14 du Code civil n'est applicable à l'action en annulation d'un contrat conclu par une société que si ladite action est fondée sur une irrégularité affectant la délibération ayant autorisé la conclusion dudit contrat ; qu'au cas présent, M. X... invoquait la nullité du contrat de rachat de parts sociales conclu le 27 mai 1999, non pas en ce que cette nullité serait la conséquence d'une irrégularité ayant affecté la délibération du 1er mars 1999 ayant autorisé le rachat, mais en ce que l'associé retrayant, M. X..., avait vu son consentement contraint par la violence exercée par son cocontractant ; qu'une telle action en nullité reposait donc sur un vice l'affectant en propre, et non sur la nullité préexistante de la délibération l'ayant autorisée ; qu'en considérant, pour retenir l'application de la prescription triennale de l'article 1844-14 du Code civil, que le contrat du 27 mai 1999 faisait « corps » avec les délibérations d'assemblée l'ayant autorisé, cependant que l'action en annulation était fondée sur un vice qui affectait l'acte lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1844-14 du Code civil ;
2°) Alors que la délibération de l'organe d'une société ne peut jamais avoir pour effet que de fixer le consentement de celle-ci ; que la délibération autorisant la conclusion d'une cession de parts sociales ne vaut pas conclusion dudit contrat ; que le contrat de cession de parts autorisé par la délibération n'est donc pas une pure réitération de la délibération l'ayant autorisé ; que, par suite, l'action en annulation du contrat, dès lors qu'elle n'est pas fondée sur une irrégularité préexistante de la délibération en ayant autorisé la conclusion, ne se confond pas avec l'action en annulation de ladite délibération et n'est, notamment, pas soumise au même délai de prescription ; qu'en considérant, pour retenir l'application de la prescription triennale de l'article 1844-14 du Code civil, que le contrat du 27 mai 1999 faisait « corps » avec les délibérations d'assemblée en ayant autorisé la conclusion, cependant que l'action en annulation était fondée sur un vice qui affectait l'acte lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1844-14 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'action de Patrick X... en nullité des assemblées générales des 25 janvier et 1er mars 1999 du GAEC de la SEBIRERIE et de l'acte du 27 mai 1999, et des engagements alors pris, est prescrite ;
Aux motifs que « par les deux assemblées générales successives des 25 janvier et 1er mars 1999, suite au souhait exprimé par Patrick X... de quitter le GAEC, il a été décidé des modalités de ce départ dont la date a été fixée au 1er mars 1999, soit selon les précisions déjà citées, le rachat à Patrick X... de ses 7.000 parts pour le prix unitaire de 21 F, la reprise par lui du passif correspondant à deux emprunts Crédit Agricole pour un tracteur et une remorque, son engagement à faire effectuer pendant six ans par l'EARL nouvellement créée des travaux de battage et pressage ; qu'il était rappelé qu'il demeurait débiteur d'une somme inscrite à son compte courant au sein du Groupement, que les modalités de règlement pour l'ensemble seraient fixées dans l'acte ultérieur ; que l'acte du 27 mai 2009 contient le rappel de la situation passée du GAEC, les modifications intervenues à la suite des assemblées générales avec les modalités décidées, les statuts de l'EARL créée ; que dans cet acte, il est précisé qu'au 1er mars 1999, Patrick X... doit la somme de 168.576,71 F au GAEC (solde débiteur de son compte courant diminué du prix de rachat de ses parts) et qu'il devra régler cette créance au plus tard le 30 avril 2000, cette somme produisant des intérêts au taux légal si ce délai est dépassé ; mais que le chiffrage de cette somme ne constituait pas un élément nouveau puisque la valeur des parts avait été fixée lors de l'assemblée générale du 1er mars et que Patrick X..., comme cogérant du GAEC, n'était pas sans connaître le montant débiteur de son compte courant ; qu'ainsi que le font remarquer Laurent Y... et l'EARL, ce sont les deux assemblées générales qui ont fixé les conditions de la rupture, et que l'acte du 27 mai 1999, qui ne fait que reprendre ces conditions, fait corps avec ces deux assemblées et ne peut être considéré isolément ; que Patrick X... ne peut alors prétendre que son action est seulement fondée sur la mise en cause et la demande de nullité de cette convention du 27 mai 1999 ; qu'en ce qui concerne la prescription, c'est donc bien l'article 1844-14 du Code civil qui est applicable : « les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue » ; que le jugement dont appel, dans un motif évoquant le point de départ de la prescription, a fait état des pressions morales invoqués par Patrick X... « qui se seraient perpétrées jusqu'au 24 juin 2000 » ; que cependant, outre l'emploi d'un conditionnel, il apparaît que cette pression invoquée ne résulte que d'une lettre du 9 juillet 2000, adressée à l'EARL et dont Patrick X... est lui-même l'auteur, de sorte qu'elle ne peut faire preuve ; qu'au titre de l'action en référé, comme l'indiquent les intéressés, elle a été engagée par l'EARL DE LA SEBIRERIE et non par Patrick X... et que, lors de cette procédure, ce dernier a contesté le montant de la provision qui lui était réclamée tout en formant sa demande reconventionnelle d'expertise comptable, mais qu'il n'a pas contesté les décisions elles-mêmes prises dans le cadre des assemblées générales ; que le juge des référés notait d'ailleurs dans son ordonnance du 29 juin 2000 « qu'en l'état , l'intéressé n'a pas intenté d'action au principal pour obtenir la nullité de cette convention qui fait à ce jour la loi des parties » ; que, dans ces conditions, la demande reconventionnelle alors formée par Patrick X... n'avait aucunement le même objet que la demande en nullité ici poursuivie et ne peut en conséquence avoir l'effet interruptif de prescription qu'il invoque dans la présente cause ; que dans ces conditions et pour ces motifs, il apparaît que le délai de trois ans fixé par l'article 1844-14 du Code civil, qui avait commencé à courir lors des assemblées générales des 25 juin et 1er mars 1999, était écoulé lors de l'assignation du 13 mai 2003 en nullité de ces actes pour vice du consentement et qu'ainsi cette action est prescrite » (arrêt du 9 décembre 2010, p. 7-8)
Alors que le juge est tenu de répondre aux conclusions opérantes des parties ; qu'au cas présent, M. X... faisait valoir que son consentement aux trois délégations de créances du 6 mars 1999 avait été vicié ; que, pour écarter cette demande, la cour d'appel s'est bornée à estimer que le prix de rachat des parts sociales avait été fixé dès les délibérations des 25 janvier et 1er mars 1999 et que l'action de ce chef était prescrite, sans répondre au moyen tendant à l'annulation, non de l'acte de rachat des parts, mais des actes de délégation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;