Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 septembre 2005), que la société civile immobilière Les Antilles (la SCI) a, le 20 décembre 1973, vendu à Mme X..., sa gérante, et aux époux Y..., beaux-parents de celle-ci, divers locaux lui appartenant dans un immeuble en copropriété ; que par acte en date des 18 et 25 février 1998, la SCI, prise en la personne de son liquidateur, a assigné Mme X... et Mme Y..., sa fille, ayant cause à titre particulier des époux Y..., en nullité de ces ventes ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'aucun texte ne déterminant sous quelle forme l'exposé des prétentions et moyens doit être fait, il suffit qu'il résulte, même succinctement, des énonciations de la décision ; que Mme Y... ayant exposé dans ses conclusions des moyens et des prétentions similaires à ceux figurant dans les conclusions de Mme X..., la cour d'appel, en exposant le contenu des secondes et en y répondant, a satisfait, en ce qui concerne les premières, aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... et Mme Y... font grief à l'arrêt d'accueillir l'action en nullité, alors, selon le moyen, que les actions en nullité d'actes ou de délibérations postérieurs à la constitution de la société se prescrivent par trois ans, de sorte qu'en faisant droit à la demande d'annulation de décisions de vente d'immeubles en date du 20 décembre 1973, dont le principe avait été décidé lors d'une assemblée générale des associés de la SCI du 21 janvier 1972, au motif erroné tiré de ce que la demande d'annulation était fondée sur l'existence d'une cause illicite, de sorte que la prescription trentenaire se trouvait applicable et que la demande présentée près de 25 ans après les actes en cause était recevable, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1844-14 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la demande de nullité visait des actes de vente conclus par la société sur le fondement de leur cause illicite ou immorale, la cour d'appel, qui n'était saisie ni d'une demande tendant à la nullité de la société ou d'actes ou de délibérations des organes de celle-ci, ni d'une action en annulation des actes de vente fondée sur l'irrégularité affectant la délibération les ayant autorisées, en a déduit à bon droit que la prescription prévue par l'article 1844-14 du code civil devait être écartée et que la prescription trentenaire était applicable ;
Sur le troisième et le quatrième moyens, réunis :
Attendu que Mme X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de prononcer l'annulation des ventes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en estimant que les contrat de vente du 20 décembre 1973 avaient une cause illicite imputable à Mme X..., tout en constatant que ces transactions avaient été autorisées par l'assemblée générale des associés de la SCI, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1131 et 1133 du code civil ;
2°/ qu'en estimant que les contrats de vente du 20 décembre 1973 avaient une cause illicite, au motif que Mme X... avait été "condamnée pour ses agissements frauduleux envers la SCI, la juridiction pénale ayant constaté par décision devenue définitive le caractère infidèle de sa gestion et la commission d'abus de confiance", sans expliquer en quoi la décision pénale considérée contraignait le juge civil à prononcer l'annulation des contrats de vente du 20 décembre 1973 sur le fondement de la cause illicite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1131, 1133 et 1351 du code civil ;
3°/ qu'en estimant que les contrats de vente du 20 décembre 1973 avaient une cause illicite, au motif que les immeubles avaient été vendus à un prix minoré, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément d'illicéité qu'elle retenait, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1133 du code civil ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme Y... faisait valoir qu'elle n'avait jamais contracté avec la SCI, qu'elle était tiers aux transactions intervenues et que les demandes d'annulation présentées à son encontre étaient irrecevables ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté qu'il résultait des arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 mars 1987 et du 14 juin 1995, condamnant Mme X... pour ses agissements frauduleux envers la SCI, et des expertises ordonnées au cours de l'instance pénale que les deux ventes avaient été consenties à des prix inférieurs à ceux pratiqués à l'époque et que si les époux Y... avaient versé à la SCI la somme de 100 000 francs correspondant au prix de vente, Mme X... avait aussitôt émis un chèque de 50 000 francs au profit de son père qui aurait prêté cette somme à la SCI et un autre chèque de 60 000 francs à son propre profit, sans payer le prix de vente des lots qu'elle avait acquis mais en débitant seulement son compte courant d'une somme correspondante, relevé que Mme X... ne pouvait se prévaloir de ce qu'elle avait été autorisée le 21 janvier 1972, soit près de deux ans avant, à passer ces actes par l'assemblée générale des associés, dès lors que les difficultés de trésorerie dénoncées provenaient des détournements qu'elle avait commis, et retenu que le motif déterminant des deux contrats de vente était la volonté de violer le pacte social de la SCI en consentant des ventes de biens appartenant à celle-ci à des prix largement minorés au profit de la gérante et de ses beaux-parents, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'illicéité de la cause des contrats, sans s'estimer liée par les décisions pénales, en a déduit à bon droit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que les ventes devaient être annulées et que les lots vendus devaient être réintégrés dans l'actif social de la SCI ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le cinquième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, Mme X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et de Mme Y... et les condamne, ensemble, à payer à la SCI Les Antilles la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille sept.