Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1989, Noël X... et son épouse commune en biens, Mme Y..., ont acquis un terrain sur la commune du Tignet afin d'y construire une maison d'habitation avec l'une de leur fille, Marlène, et leur gendre, M. Z..., destinée à devenir le logement des deux familles ; que, par acte notarié du 21 juillet 1997, les époux X... ont fait donation à Mme Z... de la nue-propriété de cet immeuble, s'en réservant l'usufruit ; que Noël X... est décédé le 3 août 2002 en laissant pour lui succéder, son épouse, Mme Y..., et leurs trois filles, Marlène, épouse Z..., Lise, épouse B..., et Colette, épouse D... ; que des difficultés sont nées pour la liquidation et le partage de la communauté des époux X... et de la succession de Noël X... ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que Mmes Z... et X... font grief à l'arrêt de dire que les différents travaux effectués dans la propriété du Tignet et payés par les époux X..., pour la période allant du 21 juillet 1997, date de la donation, jusqu'au 3 août 2002, date du décès de Noël X..., constituent des libéralités dont Mme Z... doit le rapport à la succession ;
Attendu que le moyen, qui se borne à se prévaloir de la violation de l'article 606 du code civil, est inopérant dès lors que la nature des travaux est indifférente à l'obligation au rapport de l'éventuelle plus-value des biens qui en ont fait l'objet ;
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur la première branche du premier moyen :
Vu l'article 843 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que, pour décider que le paiement par les époux X... des frais de l'acte de donation du 21 juillet 1997 constitue une libéralité rapportable à la succession, l'arrêt se borne à énoncer que le remboursement allégué n'est pas démontré ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater l'intention libérale des époux X... à l'égard de Mme Z..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et, encore, sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 843 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que, pour décider que l'hébergement de la famille Z... par les époux X... à compter du 1er septembre 1992 jusqu'en 2002 constitue une libéralité rapportable à la succession, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que l'hébergement gratuit est appréciable en argent dès lors que la reconnaissance de dette signée par les époux X... indemnisait les époux Z... de tous leurs apports en industrie, tandis que les donateurs se dépossédaient de leur usufruit et, par motifs propres, que la preuve n'est pas rapportée d'un paiement de loyers par les époux Z... aux époux X... et que si Mme Y... et Mme Z... versent un certain nombre de pièces bancaires attestant du paiement de frais divers, notamment de nourriture, elles ne justifient pas du règlement de loyers ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, nonobstant l'absence de paiement de loyers, le règlement par les époux Z... des dépenses alléguées ne constituait pas la contrepartie de leur hébergement, excluant ainsi toute libéralité, dont la reconnaissance exige, en outre, la preuve d'une intention libérale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et, aussi, sur la seconde branche du troisième moyen :
Vu l'article 843 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que l'arrêt décide que le financement, par les époux X..., des travaux réalisés sur l'immeuble du Tignet à compter du 21 juin 1997, date de la donation, jusqu'au 3 août 2002, date du décès de Noël X..., constitue une libéralité rapportable à la succession ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'intention des usufruitiers de gratifier la nue-propriétaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et, enfin, sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions prévues par l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 850 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, ensemble les articles 1438 et 1439 du même code ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que le rapport des dons et legs ne se fait qu'à la succession du donateur ; qu'il résulte des deux derniers que, sauf clause particulière, la donation d'un bien commun est rapportable par moitié à la succession de chacun des époux codonateurs ;
Attendu que l'arrêt ordonne le rapport de chacune des libéralités à la succession de Noël X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à supposer que le paiement par les époux X... des frais de la donation, l'hébergement par ceux-ci des époux Z... et le financement par eux des travaux réalisés sur l'immeuble du Tignet fussent de nature à constituer des libéralités sujettes à rapport, seule la moitié de ces libéralités eût été rapportable à la succession du défunt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que le paiement par les époux X... des frais de l'acte de donation du 21 juillet 1997, constitue une libéralité dont Mme Z... doit le rapport à la succession pour un montant de 3 243, 07 euros, que l'hébergement à titre gratuit de la famille Z... pour la période du 1er septembre 1992 jusqu'en 2002 constitue une libéralité dont Mme Z... doit le rapport à la succession pour un montant à calculer sur la base de la valeur locative déterminée, année par année, dans le rapport d'expertise de M. C..., et que les différents travaux effectués dans la propriété du Tignet et payés par les époux X..., pour la période allant du 21 juillet 1997, date de la donation, jusqu'au 3 août 2002, date du décès de Noël X..., constituent des libéralités dont Mme Z... doit le rapport à la succession, l'arrêt rendu le 20 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mmes B... et D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils pour Mmes X... et Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le paiement, par M. et Mme X... des frais de l'acte de donation du 21 juillet 1997 constitue une libéralité dont Mme Z... doit le rapport à la succession ;
AUX MOTIFS QUE les appelants ne démontrent pas le remboursement prétendu des frais d'acte ;
ALORS, 1°), QU'une libéralité n'existe qu'autant qu'on rencontre chez le donateur l'intention de gratifier ; qu'en décidant que le paiement par les époux X... des frais de l'acte du 21 juillet 1997 l'avait été à titre de libéralité envers les époux Z... sans relever l'intention libérale des prétendus donateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 893 et 894 du code civil ;
ALORS, 2°), QU'il appartient à l'héritier qui exige le rapport de prouver l'existence d'une libéralité ; qu'en retenant, pour faire droit à la demande de rapport à la succession du paiement par les époux X... des frais de l'acte du 21 juillet 1997, que les époux Z... ne rapportaient pas la preuve du remboursement desdits frais, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que l'hébergement à titre gratuit de la famille Z... pour la période du 1er septembre 1992 jusqu'en 2002 constitue une libéralité dont Mme Z... doit le rapport à la succession ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'hébergement gratuit est un avantage appréciable dès lors que la reconnaissance de dette indemnisait les époux Z... de tous leurs apports en industrie tandis que les donateurs se dépossédaient de leur usufruit ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la preuve n'est pas rapportée aux débats d'un paiement de loyers par les époux Z... aux époux X... ; que les défenderesses versent un certain nombre de pièces bancaires attestant du paiement de frais divers, nourriture, courses … mais non d'un règlement de loyers ;
ALORS, 1°), QU'une libéralité n'existe qu'autant qu'on rencontre chez le donateur l'intention de gratifier ; que l'intention libérale ne peut être déduite du seul déséquilibre constaté entre les engagements respectifs des parties ; qu'en retenant, pour juger que l'hébergement de la famille Z... par les époux X... l'avait été à titre de libéralité, que, tandis que les époux X... se dépossédaient de leur usufruit, les époux Z... payaient des frais de course et de nourriture, sans relever l'intention libérale des prétendus donateurs et sans rechercher si l'existence d'une contrepartie pécuniaire, dont elle constatait l'existence, permettait d'exclure toute intention libérale de la part de ces derniers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 893 et 894 du code civil ;
ALORS, 2°), QU'il appartient à l'héritier qui exige le rapport de prouver l'existence d'une libéralité ; qu'en retenant, pour faire droit à la demande de rapport à la succession de l'hébergement de la famille Z... par les époux X..., que les époux Z... ne rapportaient pas la preuve d'un paiement de loyers, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les différents travaux effectués dans la propriété du Tignet et payés par les époux X..., pour la période allant du 21 juillet 1997, date de la donation, jusqu'au 3 août 2002, date du décès de M. X..., constituent des libéralités dont Mme Z... doit le rapport à la succession ;
AUX MOTIFS QUE les travaux financés par les époux X..., usufruitiers, entre 1997 et 2002, correspondent à des finitions indispensables, le géomètre Sery ayant constaté en août 1996 l'état brut des sols et murs en aggloméré au rez-de-chaussée et à l'étage, ainsi que le caractère provisoire des installations électriques et plomberies ; qu'en 2005, il a rappelé l'absence d'aménagements extérieurs à l'état de « terrassement » ; qu'il s'agit incontestablement de grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, et non pas de simples dépenses d'entretien à la charge de l'usufruitier ;
ALORS, 1°), QUE les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier ; que toutes les autres réparations sont d'entretien ; qu'en qualifiant de grosses réparations des travaux dont elle constatait qu'ils visaient à remédier à l'état brut des sols et murs en aggloméré, au caractère provisoire des installations électriques et plomberies et à l'absence d'aménagements extérieurs et qu'ils constituaient des « finitions », la cour d'appel a violé l'article 606 du code civil ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QU'une libéralité n'existe qu'autant qu'on rencontre chez le donateur l'intention de gratifier ; qu'en décidant que le paiement par les époux X... des différents travaux l'avait été à titre de libéralité envers les époux Z..., sans relever l'intention libérale des prétendus donateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 893 et 894 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que, pour apprécier s'il y a lieu à réduction de la donation de la propriété du Tignet à la quotité disponible et au rapport de l'excédent à la succession par Mme Z... en vue de reconstituer la réserve, le notaire devra tenir compte de la valeur du bien immobilier estimé à la somme de 320. 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE le premier juge a chiffré la valeur du bien immobilier à 320. 000 euros pour le calcul de la réserve et d'une éventuelle réduction de la donation ; que les intimées concluent à la valeur retenue par l'expert judiciaire Gaillard soit 430. 000 euros ; que le premier juge a évalué l'immeuble à 320. 000 euros en tenant compte de ce que la date à prendre en considération pour son évaluation est celle du décès du donateur, soit en 2002 et non celle de l'expertise judiciaire ; que ce raisonnement est d'autant plus pertinent que c'est l'immeuble dans son état au moment de la donation qui doit servir de base à l'évaluation ; qu'il a été déjà relevé le caractère d'inachèvement du bâtiment en 1997 et la nature et l'importance des travaux réalisés postérieurement, dont la valeur à l'ouverture de la succession a été correctement fixée par le premier juge ;
ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel (pp. 28, in fine et 29), Mmes Z... et Y... contestaient l'estimation du bien immobilier faite par les premiers juges pour un montant de 320. 000 euros, en soutenant que le montant retenu était « critiquable, car encore nettement surévalué » et en demandant à la cour d'appel de « ramener l'évaluation de la propriété à la somme de 106. 714, 32 euros » et ainsi de « réform er de ce chef le jugement entrepris » ; qu'en retenant cependant, pour confirmer sur ce point le jugement entrepris, que Mmes Z... et Y... auraient « approuvé » l'estimation du bien immobilier faite par les premiers juges (arrêt attaqué, p. 4, in fine), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de leurs conclusions et a violé l'article 4 du code de procédure civile.