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22/11/2012 | FRANCE | N°10VE03850

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 novembre 2012, 10VE03850


Vu le recours, enregistré le 2 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0511303 du 29 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles, ainsi que des pénalités

y afférentes, auxquelles la SA Peugeot a été assujettie au titre d...

Vu le recours, enregistré le 2 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0511303 du 29 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles la SA Peugeot a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 pour un montant de 3 037 297 euros et, d'autre part, a accordé à la société la restitution d'une somme de 787 943 euros ;

2°) de remettre à la charge de la SA Peugeot les impositions susmentionnées et les pénalités y afférentes et de condamner la SA Peugeot au remboursement de la somme de 787 943 euros ;

3°) d'ordonner le reversement, par la SA Peugeot, de la somme obtenue en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le mécanisme, constitutif d'un abus de droit, élaboré par la société sur deux exercices consécutifs s'attache essentiellement à contourner les conséquences fiscales des dispositions du 5ème alinéa de l'article 223 D du code général des impôts ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la procédure de répression des abus de droit n'exige pas, pour sa mise en oeuvre, que l'application littérale des textes dont le contribuable recherche le bénéfice à l'encontre de la volonté de ses auteurs se limite à une unique disposition, parfaitement détachable du contexte législatif ou réglementaire dans lequel elle s'inscrit ; qu'au contraire, s'agissant particulièrement de la fiscalité des groupes intégrés, l'économie générale de ce régime, seule à même de révéler l'intention du législateur, ne peut être appréhendée que par la combinaison des différents articles ;

- que l'objectif du montage mis en place par la SA Peugeot consiste, par application littérale, en 2001, des dispositions de l'article 223 F du code général des impôts, combinées à celles de l'article 223 D en 2000, à obtenir l'exonération de la reprise sur provision pour dépréciation des titres de la société Geparcia normalement imposable au titre de 2000 dans le cadre d'une dissolution par confusion de patrimoine ; qu'il ne peut être soutenu, ainsi qu'il ressort de l'exposé des motifs de l'article 53 du projet de loi de finances pour 1988, que le législateur aurait souhaité, ou même prévu, qu'il puisse être fait obstacle au régime de droit commun d'imposition des plus ou moins values à long terme, prévu aux articles 219-I-a et 39 quindecies du code général des impôts, par la mise en oeuvre des dispositions de l'article 223 F du code général des impôts ; qu'ainsi le Tribunal ne pouvait juger que l'abus de droit n'était pas établi ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de M. Moquay, pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 novembre 2012, présentée pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ;

1. Considérant que, le 30 novembre 2000, la société anonyme Peugeot (PSA), tête du groupe fiscalement intégré du même nom, a cédé la participation à 100 % qu'elle détenait dans le capital social de la société anonyme (SA) Geparcia, filiale membre du groupe, à la SA Financière Pergolèse, autre filiale membre du groupe, pour un montant de 206 999 379 francs, soit 31 556 852 euros euros ; que les titres cédés figuraient au bilan de la société PSA depuis plus de deux ans pour une valeur de 82 565 258 euros ; que cette opération a donc dégagé pour cette dernière, au titre de l'exercice clos en 2000, une moins-value de cession d'un montant de 51 008 406 euros, soumise au régime des plus ou moins-values à long terme prévu par les dispositions de l'article 219-I du code général des impôts ; que la cession ayant été réalisée entre deux sociétés du même groupe fiscal, cette moins-value a été neutralisée pour la détermination du résultat d'ensemble à long terme en application de l'article 223 F du code général des impôts ; qu'il a en a été de même, en application de l'article 223 D du même code, de la reprise sur provision pour dépréciation des titres en cause, comptabilisée pour un montant de 30 565 213 par la société PSA ; que, par traité de fusion approuvé le 20 décembre 2001, la société Financière Pergolèse a absorbé la société anonyme (SA) Geparcia avec effet rétroactif au 1er janvier 2001 dans le cadre d'une fusion simplifiée à 100 % ; que la dissolution de la SA Geparcia ayant entraîné sa sortie du groupe fiscal intégré au titre de l'exercice clos en 2001, la société PSA a procédé, en tant que tête de groupe, à la déneutralisation de la moins-value de cession des titres, laquelle avait été, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, neutralisée au titre de l'exercice clos en 2000 ;

2. Considérant que, du 23 octobre 2002 au 17 novembre 2003, la SA Peugeot a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'imputation de la moins-value à long terme sur le résultat à long terme d'ensemble déclaré par la société requérante au titre de l'exercice clos en 2001 ; que l'administration fiscale a en effet considéré que le recours a une cession intermédiaire, telle que celle réalisée entre la SA Peugeot et la société Financière Pergolèse, était motivée par la seule intention de neutraliser la reprise sur provision, une telle opération ayant été impossible à réaliser si, au lieu de procéder à ladite cession, la SA Peugeot avait décidé, dès l'exercice clos en 2000, de faire disparaître la société Geparcia ; que le service a donc remis en cause l'imputation de la moins-value à long terme d'un montant de 51 008 406 euros au titre de l'exercice clos en 2001 et accordé l'imputation d'une moins value à long terme d'un montant limité à 20 443 193 euros au titre de l'exercice clos en 2000 ; que la société a contesté les impositions supplémentaires en résultant devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que, par jugement du 29 juillet 2010 dont le ministre relève appel, le tribunal a déchargé la SA Peugeot des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 pour un montant de 3 037 297 euros, et accordé à la société la restitution d'une somme de 787 943 euros ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

4. Considérant que le ministre soutient que la cession de la société Geparcia par la SA Peugeot au profit de la société Financière Pergolèse au cours de l'exercice 2000, suivie de l'absorption de la société Geparcia par son acquéreur au cours de l'exercice 2001, n'a pu être inspirée par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que la SA Peugeot, si elle n'avait pas réalisé l'opération dans les conditions dans lesquelles elle l'avait fait, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; que s'il ne peut être sérieusement contesté que la réalisation de ces opérations sur le cours de deux exercices successifs a eu notamment pour objectif d'atténuer les charges fiscales de la SA Peugeot au titre du second de ces exercices, elles ont répondu également, pour cette dernière société et pour l'ensemble du groupe, à d'autres intérêts économiques et financiers ; qu'à cet égard, la SA Peugeot fait valoir, sans être contredite, qu'elle devait avant la fin de l'année 2000 ou au début de l'année 2001 anticiper un fort besoin de trésorerie, estimé à 1 400 millions d'euros, lié à l'acquisition des activités d'équipement automobile du groupe Sommer-Allibert, alors qu'elle ne disposait alors que de 304 898 034 euros de disponibilités ; que la cession immédiate des titres de la société Geparcia lui a donc été utile pour limiter son recours à l'endettement tout en faisant disparaître de son bilan les titres d'une société fortement dépréciée ; que le ministre fait valoir que les mêmes objectifs de renforcement de la trésorerie et de lisibilité du bilan auraient pu être atteints par la SA Peugeot en absorbant directement la société Geparcia, en ce que cela lui aurait permis de recueillir les disponibilités de cette dernière et d'annuler ses titres ; que toutefois la SA Peugeot n'était pas tenue d'adopter cette solution alternative, fiscalement plus onéreuse, sans intérêt particulier par rapport à la première et, en tout état de cause, contraire à sa vocation, laquelle était de détenir et de gérer uniquement des titres de sociétés elles-mêmes têtes de sous-groupe, alors que celle de la Financière Pergolèse était de détenir et de gérer au mieux des intérêts du groupe des filiales sans activité ou en sommeil comme l'était alors la société Geparcia ; qu'il résulte en outre de l'instruction que les opérations en litige n'ont été ni dissimulées ni réalisées en méconnaissance d'aucune des dispositions applicables aux cessions de titres et aux absorptions de sociétés ; qu'il n'est notamment pas soutenu par l'administration fiscale que les sociétés concernées auraient été exclusivement créées dans le but de favoriser une telle dissimulation ou de contrevenir aux intentions du législateur ; que, dans ces conditions, et alors même que la moins-value nette en litige aurait été inférieure si la cession de la société Geparcia avait été effectuée à une société non-membre de l'intégration, ou si la société Geparcia avait fait l'objet d'une absorption simplifiée par la SA Peugeot, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe dès lors qu'elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, que la réalisation combinée de la cession et de l'absorption susdécrites aurait été exclusivement inspirée par le motif d'éluder ou d'atténuer l'impôt ; que, dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner si les opérations en cause traduisaient la recherche du bénéfice d'une application littérale des dispositions applicables à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, l'administration n'était pas fondée à procéder aux redressements contestés selon la procédure de répression des abus de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se référer aux éléments contenus dans le mémoire de la société enregistré le 2 novembre 2012, que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge de l'imposition ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SA Peugeot, le recours doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la SA Peugeot et non compris dans les dépens ; que, dans ces mêmes circonstances, les conclusions du ministre tendant au reversement, par la SA Peugeot, de la somme obtenue en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SA Peugeot une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10VE03850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03850
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-11-22;10ve03850 ?
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