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13/12/2011 | FRANCE | N°10VE02379

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 13 décembre 2011, 10VE02379


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Claire A, demeurant ..., par Me Lavolé, avocat à la Cour ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702853 en date du 15 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 28 décembre 2006, soit la somme de 47 185 euros ;

2°) de prononcer la restitution sollici

tée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au tit...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Claire A, demeurant ..., par Me Lavolé, avocat à la Cour ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702853 en date du 15 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 28 décembre 2006, soit la somme de 47 185 euros ;

2°) de prononcer la restitution sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, les actes de chiropraxie qu'elle accomplit doivent être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 13 A de la 6ème directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ; que si la Cour estime qu'il appartient à chaque Etat de définir dans son propre droit interne, les professions médicales et paramédicales dans le cadre desquelles l'exercice des soins à la personne est exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée, elle précise toutefois que ce pouvoir d'appréciation des Etats membres n'est pas illimité ; que les Etats doivent respecter les objectifs poursuivis par la directive ; que l'article 13 de cette directive vise à garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins qui présentent un niveau de qualité suffisant, compte-tenu de la formation professionnelle des prestataires ; que le principe de neutralité fiscale s'oppose à ce que des prestations de services semblables, qui se trouvent en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en droit interne, la reconnaissance des chiropraticiens est acquise du fait de la rédaction même de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 ; que les soins qu'elle a dispensés constituent bien des soins à la personne ; que les actes de chiropraxie sont des actes médicaux en vertu de l'arrêté du 6 janvier 1962 ; que, sur le plan des compétences acquises, elle est titulaire du diplôme de chiropraticien délivré par l'Institut franco-européen de Chiropractie (IFEC) ; qu'il existe une seule et même formation au niveau mondial, dispensée dans plusieurs collèges qui font tous l'objet de procédures de contrôle très sévères ; qu'un rapport établi en 2005 indique que l'IFEC délivre une formation correspondant, par le niveau des étudiants ainsi que par la durée et le contenu des études, à une formation supérieure du même type que celle des professions médicales ; qu'ainsi, elle se trouve dans une situation qui lui permet de répondre aux exigences énoncées par la Cour de justice, tant par la qualification que par la nature des actes qu'elle pratique ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie ;

Vu le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;

Vu l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2011 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, qui exerce l'activité de chiropracteur, a demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a spontanément acquittée à raison des recettes perçues au titre de cette activité pour la période allant du 1er janvier 2004 au 28 décembre 2006 ; qu'elle fait appel du jugement du 15 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions aux fins de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations, qu'à la condition d'en établir le mal fondé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13 A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres, la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que toutefois, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13 A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier si les personnes pratiquant des actes de chiropraxie et n'appartenant pas à une profession médicale et paramédicale réglementée disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ; qu'à cet effet, il peut notamment tenir compte des critères de formation à la profession de chiropracteur ou d'expérience professionnelle, désormais définis pour la délivrance de l'autorisation d'user du titre professionnel de chiropracteur, par l'article 23 du décret du 7 janvier 2011 susvisé, les articles 10 et 11 du décret du 20 septembre 2011 et l'arrêté du 20 septembre 2011 pris en application de ces décrets ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, Mme A a suivi à compter de 1987 une formation en chiropraxie à l'Institut français de chiropractie, validée par la délivrance d'un diplôme en 1992 ; que, contrairement à ce que soutient le ministre chargé du budget, les pièces produites en appel par la contribuable justifient du contenu de la formation suivie par l'intéressée préalablement à l'obtention de son diplôme ; qu'à cet égard, il résulte de l'attestation établie le 5 avril 2011 par le directeur des études de l'Institut franco-européen de Chiropratique, anciennement Institut français de chiropractie, et des pièces qui y sont annexées, que Mme A a suivi une formation d'un volume horaire de 5 500 heures, comprenant près de 1 200 heures de stages d'observation clinique en centres de soins privés ou en centres hospitaliers, et a effectué un stage clinique de quinze mois dans un centre de soins affilié à l'Institut français de chiropractie ; que, tant dans sa durée que dans son contenu, cette formation apparaît équivalente à celle désormais requise par les dispositions réglementaires susmentionnées ; que, d'autre part, le ministre ne conteste pas que Mme A exerce la profession de chiropracteur depuis 1993 ; que, dans ces conditions, au regard tant de sa formation que de son expérience professionnelle, Mme A doit être regardée comme établissant qu'elle disposait, au cours des périodes d'imposition en litige, de qualifications professionnelles aptes à assurer aux prestations de chiropraxie qu'elle a fournies un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ; qu'il suit de là que Mme A est fondée à soutenir qu'en vertu du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, elle était en droit de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du du 1er janvier 2004 au 28 décembre 2006 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0702853 en date du 15 juin 2010 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Il est accordé à Mme A la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 28 décembre 2006.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N°10VE02379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02379
Date de la décision : 13/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : LAVOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-12-13;10ve02379 ?
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