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26/04/2011 | FRANCE | N°10VE00477

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 26 avril 2011, 10VE00477


Vu la requête, enregistrée le 16 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par la SCP Nataf et Planchat, avocats à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702270 du 7 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'

Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi...

Vu la requête, enregistrée le 16 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par la SCP Nataf et Planchat, avocats à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702270 du 7 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en premier lieu, que si la sixième directive renvoie au droit national s'agissant de la définition des professions médicales et paramédicales dont les prestations sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a rappelé que les Etats membres doivent respecter, d'une part, l'objectif poursuivi par cette directive qui est de garantir que l'exonération s'applique aux prestations fournies par des personnes possédant les qualifications professionnelles requises et, d'autre part, le principe de neutralité fiscale dont il résulte que le critère de la qualité du soin doit être évalué au regard de la formation professionnelle des prestataires et non de l'appartenance à une profession de santé ; que le juge national est tenu d'appliquer la réponse du juge communautaire sauf à renvoyer la question à ce dernier ; que s'agissant des actes d'ostéopathie, l'exonération de TVA doit s'appliquer aux non professionnels de santé dès lors que leur qualification en ostéopathie est équivalente à celle d'un professionnel de santé ; que l'article 75 de la loi du 2 mars 2002 réglemente la profession d'ostéopathe ; que le décret du 25 mars 2007 prévoit que l'autorisation d'user d'un titre d'ostéopathe est délivrée aux ostéopathes en exercice si les conditions de formation sont équivalentes à celles prévues par les nouveaux textes ; qu'un praticien ayant obtenu cette autorisation a une formation spécifique en ostéopathie équivalente à 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques, soit une formation supérieure à celle suivie par un médecin titulaire d'un diplôme interuniversitaire ; qu'il en résulte que la formation en ostéopathie de ces praticiens doit être considérée comme équivalente au sens de la jurisprudence de la CJCE dès lors que le titre d'ostéopathe leur a été délivré et que, par suite, ils doivent bénéficier de l'exonération de TVA nonobstant le fait qu'ils ne soient ni médecins, ni kinésithérapeutes ; que tel est le cas de l'exposant, qui a suivi un cursus en ostéopathie à l'Ecole CEESO, établissement de formation agréé, pendant une durée de sept années correspondant à 7 652 heures de formation, a été diplômé en juin 2003 et a obtenu, en 2008, l'autorisation définitive d'user du titre d'ostéopathe par la préfecture de région ; qu'il s'en suit qu'il peut faire état, pour la période des années 2005 à 2006, d'une formation équivalente à celle prévue par l'article 2 du décret du 27 mars 2007 ; que les actes qu'il a délivrés doivent donc être considérés comme d'un niveau équivalent à celui des médecins ou masseurs-kinésithérapeutes ; en second lieu, que le régime de preuve objective qui a été retenu par le Conseil d'Etat en la matière doit s'appliquer même si le praticien a souscrit des déclarations de TVA dès lors que l'article R*. 194-1 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable lorsque les déclarations ont été souscrites sur injonction expresse de l'administration ; que compte tenu de la doctrine de l'administration selon laquelle un ostéopathe était assujetti à la TVA entre le 1er janvier 1986 et le 27 décembre 2007, le praticien n'avait d'autre choix, eu égard aux majorations encourues, que de souscrire des déclarations ; que, dès lors, le tribunal administratif a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ; qu'il ne pouvait, en outre, considérer que l'exposant n'avait produit aucun élément de nature à établir la nature des actes réalisés sous la dénomination d'actes d'ostéopathie dès lors qu'il a fourni, dans les dossiers déposés à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales pour l'obtention du titre d'ostéopathe, un descriptif détaillé de son activité professionnelle ; que l'analyse de cette activité a été faite par le préfet du région après avis d'une commission ; qu'en lui délivrant le titre d'ostéopathe, le préfet a estimé que cette activité était conforme à la loi du 4 mars 2002 et à ses décrets d'application de mars 2007 ; que l'administration n'a produit aucun élément de nature à établir que l'exposant aurait modifié son activité au cours des années 2005 à 2006 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie ;

Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2011 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dhers, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, pour M. A ;

Considérant que M. A, qui exerce l'activité d'ostéopathe, fait appel du jugement du 7 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que toutefois, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il a suivi une formation en ostéopathie pendant une durée de sept années correspondant à 7 652 heures de formation à l'Ecole CEESO (Centre européen d'enseignement supérieur de l'ostéopathie) dont il a été diplômé en juin 2003, et soutient, sans être sérieusement contesté par l'administration fiscale, que cette formation est équivalente à celle désormais prévue par l'article 2 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation pour l'obtention du diplôme d'ostéopathe ; que l'intéressé a, d'ailleurs, obtenu du préfet de la région Ile-de-France, le 20 mai 2008, l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe, laquelle est, aux termes du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, accordée aux praticiens en exercice à la date de publication de ce décret dont les conditions de formation sont équivalentes à celles prévues à l'article 2 du décret susvisé n° 2007-437, qui pose l'exigence d'une formation d'au moins 2 660 heures ou trois années comportant 1 435 heures d'enseignements théoriques des sciences fondamentales et de biologie et 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie ; que, dans ces conditions, et alors que la circonstance que le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 est postérieur à la période d'imposition en litige ne fait pas obstacle à ce que le juge de l'impôt prenne, notamment, en compte les critères fixés par ce texte pour apprécier la qualité des prestations dispensées par un ostéopathe à titre exclusif, M. A doit être regardé comme établissant qu'il disposait, au cours des périodes d'imposition en litige, de qualifications professionnelles aptes à assurer aux prestations d'ostéopathie qu'il a fournies un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ; que la circonstance, invoquée par l'administration, tirée de ce que la profession d'ostéopathe ne constitue pas une profession médicale et paramédicale réglementée au sens du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts est, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, sans aucune incidence à cet égard ; qu'il suit de là que M. A est fondé à soutenir qu'en vertu du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, il était en droit de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ; qu'il ne saurait, en revanche, demander la restitution de celles des cotisations à la taxe sur la valeur ajoutée qu'il n'a pas effectivement acquittées au titre de ladite période, comme le fait valoir à bon droit l'administration fiscale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris par les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 07VE02270 du 7 janvier 2010 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée effectivement acquittés par M. A au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 lui seront restitués.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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N° 10VE00477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00477
Date de la décision : 26/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-04-26;10ve00477 ?
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