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29/12/2011 | FRANCE | N°10VE00275

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 décembre 2011, 10VE00275


Vu I) la requête, enregistrée le 12 avril 2007 sous le n° 07VE00869 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SCI SAINT MARTIN, dont le siège est ZAC de la Fontaine aux Prêtes, 11 rue Marcel Cerdan à Garges-lès-Gonesse (95140) et la société CLENET dont le siège est ZAC de la Fontaine aux Prêtres, 11 rue Marcel Cerdan à Garges-lès-Gonesse (95140), par Me Bosque, avocat ; la SCI SAINT MARTIN et la société CLENET demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0602338 en date du 8 février 2007 par lequel le Tribunal administrati

f de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Garges-lès-Gonesse à verser à ...

Vu I) la requête, enregistrée le 12 avril 2007 sous le n° 07VE00869 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SCI SAINT MARTIN, dont le siège est ZAC de la Fontaine aux Prêtes, 11 rue Marcel Cerdan à Garges-lès-Gonesse (95140) et la société CLENET dont le siège est ZAC de la Fontaine aux Prêtres, 11 rue Marcel Cerdan à Garges-lès-Gonesse (95140), par Me Bosque, avocat ; la SCI SAINT MARTIN et la société CLENET demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0602338 en date du 8 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Garges-lès-Gonesse à verser à la SCI SAINT MARTIN la somme de 516 500 euros, si mieux n'aime, aux lieu et place du paiement de cette somme, à réaliser les travaux de réfection du réseau de stockage des eaux pluviales ;

2°) de condamner la commune de Garges-lès-Gonesse à verser 1 215 000 euros à la SCI SAINT MARTIN et 193 811,77 euros à la société CLENET au titre du préjudice subi du fait des inondations ;

Elles soutiennent que le préjudice a été insuffisamment évalué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 22 mai 2007, présenté pour la SCI SAINT MARTIN et la société CLENET tendant aux mêmes fins que la requête et en outre à ce que soit mise à la charge de la commune de Garges-lès-Gonesse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elles soutiennent que le rapport d'expertise indique que les inondations survenues en 1996, 1999 et 2001 sur le terrain situé 11 rue Marcel Cerdan trouvent leur origine dans une défaillance de la commune de Garges-lès-Gonesse dans le système d'évacuation des eaux pluviales ; qu'il s'agit d'un système de responsabilité sans faute et que le caractère anormal du dommage est démontré par l'expertise ; que l'immeuble est invendable en l'état et que le préjudice doit donc être évalué à hauteur de la valeur de l'immeuble ; que la société CLENET a perdu la clientèle de Rover et dû entrer dans un autre réseau commercial en versant 11900 euros ; qu'elle a dû effectuer des travaux et subi une franchise sur la perte d'exploitation qu'elle a subie ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu II) la requête, enregistrée le 12 avril 2007 sous le n° 07VE00841 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE, demeurant Hôtel de Ville 8, place de l'hôtel de ville à Garges-lès-Gonesse (95140), par Me Beaulac, avocat ; la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602338 en date du 8 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à la SCI Saint Martin la somme de 516 500 euros, si mieux n'aime, aux lieu et place du paiement de cette somme, à réaliser les travaux de réfection du réseau de stockage des eaux pluviales ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Saint Martin et de la société Clenet ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de viser la note en délibéré produite par son conseil le 19 janvier 2007 ; que les préjudices allégués ne sont pas justifiés et que le Tribunal n'a pas motivé son évaluation desdits préjudices ; que la commune fait valoir qu'elle a engagé des opérations d'amélioration de son réseau d'évacuation des eaux pluviales ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 17 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles en date du 15 janvier 2009 annulant le jugement en date du 8 février 2007 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et condamnant la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE à verser à la SCI SAINT MARTIN la somme de 516 000 euros et rejetant le surplus des conclusions de la SCI SAINT MARTIN et de la société CLENET et renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Vu le mémoire enregistré le 14 décembre 2011 présenté pour la commune de Garges les Gonesse tendant aux mêmes fins que précédemment ; elle soutient en outre que le régime de responsabilité sans faute appliqué par les premiers juges n'est pas identifié ; que l'existence d'un dommage anormal et spécial n'est pas justifiée ; que la perte de valeur vénale est hypothétique ; que les travaux de réfection du réseau des eaux pluviales ont été réalisés ;

Vu le mémoire enregistré le 15 décembre 2011 présenté pour la SCI Saint-Martin et la société Clenet tendant aux mêmes fins que précédemment ; elles font valoir en outre que le terrain en cause présente une vulnérabilité particulière aux inondations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2011 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bosque, Me Beaulac et Me Israël ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a, dès lors, lieu de les joindre afin de statuer par un seul jugement ;

Sur la recevabilité de la requête n° 10VE00275 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requête n° 10VE00275 présentée pour la SCI SAINT MARTIN et la société CLENET a été enregistrée le 12 avril 2007 dans le délai de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative à compter de la notification du jugement en date du 8 février 2007 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; qu'ainsi la fin de non-recevoir pour tardiveté de la requête soulevée par la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE doit être écartée ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 731-3 du code de justice administrative : Postérieurement au prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré. ;

Considérant qu'en vertu des règles générales de procédure devant les juridictions administratives relatives aux productions postérieures à la clôture de l'instruction, il appartenait au tribunal administratif, saisi postérieurement à l'audience d'une note en délibéré, d'en prendre connaissance et, s'il estimait que cette note n'apportait pas d'éléments nouveaux de nature à justifier la réouverture de l'instruction, de la viser sans l'analyser ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'audience du 11 janvier 2007 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise à laquelle a été examinée la demande de la SCI SAINT-MARTIN et de la société CLENET, celles-ci ont produit une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal le 22 janvier 2007 ; que le jugement attaqué, en date du 8 février 2007, n'a pas visé cette note ; qu'ainsi, ledit jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI SAINT MARTIN et la société CLENET devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

En ce qui concerne la responsabilité de la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE :

Considérant que la SCI SAINT MARTIN et la société CLENET demandent réparation des préjudices qu'elles ont subis en raison d'inondations répétées, survenues en mai 1993, en juin 1996, en mai 1999 et le 7 juillet 2001, qui ont affecté les locaux appartenant à la première de ces sociétés et loués par la seconde afin d'y exploiter un garage automobile ; qu'à la suite de la dernière de ces inondations, l'expert nommé par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, dans son rapport déposé au greffe de ce tribunal le 13 septembre 2004, conclu que la cause fondamentale des inondations résidait dans un dysfonctionnement du système de collecte des eaux pluviales de ce secteur de la commune, dont les capacités ne suffisaient pas à contenir le flux des eaux de pluie ; que, si ces dommages n'ont pas exclusivement affecté les sociétés requérantes, leur importance a excédé les désagréments subis par d'autres constructions de la zone d'aménagement concerté de la Fontaine aux Prêtres, où l'immeuble est situé, dans la mesure où celui-ci se trouve au point bas de cette zone ; que, dès lors, la SCI SAINT MARTIN et la société CLENET sont fondées à soutenir qu'elles subissent, en leur qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public, un préjudice anormal et spécial qui engage la responsabilité de la commune, même en l'absence de faute, du fait du mauvais fonctionnement du système de collecte des eaux pluviales ;

En ce qui concerne le préjudice de la société SCI SAINT MARTIN :

Considérant que la SCI SAINT MARTIN, propriétaire de l'immeuble, demande que lui soit versée la somme de 1 215 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi ; que cette somme correspond, selon elle, au prix estimé de son immeuble, dont elle soutient devoir être intégralement indemnisée en raison de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve, en raison des inondations qui l'affectent, de le vendre ; que, toutefois, elle produit une évaluation réalisée par un cabinet de conseil en immobilier aux termes de laquelle la valeur de l'immeuble après application d'un coefficient de vétusté est estimée à 1 033 000 euros dont il convient de retrancher la moitié pour tenir compte des risques d'inondation ; que la SCI SAINT MARTIN ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité totale de vendre l'immeuble en cause ; que, si la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE soutient que l'estimation du bien présente un caractère succinct, elle n'apporte aucun élément précis de nature à démontrer son caractère erroné ; qu'ainsi, il y a lieu de condamner la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE à verser à la SCI SAINT MARTIN une somme de 516 000 euros au titre du préjudice subi par elle du fait de la dépréciation de son bien si mieux n'aime de réaliser les travaux de réfection du système de stockage et d'évacuation des eaux pluviales pour mettre fin au préjudice subi par la requérante dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt ;

En ce qui concerne le préjudice de la société CLENET :

Considérant que la société CLENET demande le remboursement des honoraires d'expert d'assuré qu'elle a été amenée à débourser, soit les sommes de 14 040,01 euros et 4 567,00 euros ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ces sommes ont été directement réglées par la compagnie d'assurance Azur à la société d'expertises Reda ; que la société CLENET ne justifie à aucun moment avoir dû débourser de telles sommes ; qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande sur ce point ;

Considérant que, si la société CLENET soutient que les inondations dont elle a été victime ont conduit à son exclusion du réseau de vente de la marque Rover, cette circonstance n'est pas démontrée par les pièces du dossier; que la requérante ne conteste d'ailleurs pas l'affirmation de la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE aux termes de laquelle cette exclusion serait intervenue à la date de fermeture de l'ensemble des concessions Rover en France ; que la société CLENET n'est donc pas fondée à demander le remboursement de ses frais d'adhésion à un nouveau réseau de ventes d'automobiles ;

Considérant que le lien entre les travaux de maçonnerie et d'installation d'un panneau dont la société CLENET demande le remboursement et les inondations en cause n'est pas établi par l'instruction ;

Considérant que la société CLENET justifie d'une franchise de 8 458 euros dans le remboursement de ses pertes d'exploitation ; qu'il y a lieu de lui allouer cette somme au titre du préjudice subi du fait des inondations en cause ;

Considérant, enfin, que le préjudice commercial allégué à hauteur d'une somme de 150 000 euros n'est justifié par aucun des éléments versés au dossier ;

Sur l'appel en garantie formé par la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE :

Considérant qu'au soutien de sa demande tendant à ce que le département de la Seine-Saint-Denis soit amené à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle en réparation des désordres litigieux, la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE fait valoir que le dysfonctionnement de son système de stockage des eaux pluviales n'est pas la cause exclusive des dommages subis par les sociétés requérantes ; qu'elle soutient que ceux-ci sont également imputables aux travaux commencés dès 1999 par le département de la Seine-Saint-Denis pour la réalisation du parc départemental de la Courneuve qui se trouve à proximité immédiate de la zone d'aménagement concerté de la Fontaine aux prêtres et qui, selon elle, ne se sont pas accompagnés de la réalisation d'un système d'assainissement suffisant sur le versant du parc départemental donnant vers cette zone ; qu'il résulte toutefois du rapport de l'expert que l'apport d'eaux de ruissellement en provenance de ce parc le 7 juillet 2001, lors de l'inondation spectaculaire qui a affecté le garage CLENET, peut être considéré comme parasite et d'un effet très limité et tout à fait secondaire ; que s'agissant des inondations survenues au cours de l'année 2003, l'expert souligne qu'elles se seraient produites sans l'apport des eaux du parc de la Courneuve ; que, selon ce même rapport, la cause unique de ces dommages réside donc dans les dysfonctionnements du réseau communal d'évacuation des eaux de pluie ; que, dès lors, la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE n'est pas fondée à demander que le département de la Seine-Saint-Denis soit condamné à la garantir, même partiellement, des condamnations qu'il y a lieu de prononcer à son encontre au titre de ces désordres ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE le versement d'une somme de 2 000 euros à la SCI SAINT-MARTIN et d'une autre somme de 2 000 euros à la société CLENET au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0602338 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE est condamnée à verser à la SCI SAINT MARTIN la somme de 516 500 euros, si mieux n'aime, aux lieu et place du paiement de cette somme, à réaliser les travaux de réfection du réseau de stockage des eaux pluviales dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE est condamnée à verser à la société CLENET la somme de 8 458 euros sous déduction de la provision déjà perçue en application de l'ordonnance du 30 août 2005 du juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 4 : La COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE versera à la SCI SAINT MARTIN et à la société CLENET une somme de 2 000 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 10VE00275-10VE00276 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00275
Date de la décision : 29/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : BOSQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-12-29;10ve00275 ?
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