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22/09/2011 | FRANCE | N°10PA03557

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 septembre 2011, 10PA03557


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2010, présentée pour la SOCIETE D'EDITIONS ET DE PROTECTION ROUTE (SEPR), dont le siège est 3 rue de Liège à Paris Cedex 09 (75441), par Me Herren ; la SEPR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0720707/3-1 en date du 5 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 920 606 euros, en réparation du préjudice subi à raison des dispositions de l'article L. 321-1-3 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 93-1313 du 2

0 décembre 1993 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 920...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2010, présentée pour la SOCIETE D'EDITIONS ET DE PROTECTION ROUTE (SEPR), dont le siège est 3 rue de Liège à Paris Cedex 09 (75441), par Me Herren ; la SEPR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0720707/3-1 en date du 5 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 920 606 euros, en réparation du préjudice subi à raison des dispositions de l'article L. 321-1-3 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 920 606 euros, assortie des intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Herren, pour la SEPR ;

Considérant que la SEPR a consulté une société d'avocats pour connaître la procédure à suivre en vue de mettre en oeuvre un changement envisagé dans les conditions d'emploi de ses représentants ; que, par une note du 18 mars 1996, cette dernière société l'a informée que s'agissant d'une modification substantielle du contrat de travail des VRP touchant à leur mode de rémunération, il fallait procéder à un licenciement pour motif économique ; que la SEPR a adressé au mois de mai de la même année à la centaine de salariés concernés une proposition de modification de leur contrat de travail ; que quatorze salariés ont refusé celle-ci ; que la SEPR a soumis un plan social au comité d'entreprise à sa réunion du 28 juin de la même année ; qu'elle a procédé en août 1996 au licenciement pour motif économique des salariés concernés ; que certains de ces salariés ont contesté leur licenciement devant les juridictions prud'homales ; que la procédure de licenciement a été déclarée nulle par plusieurs décisions de cours d'appel statuant sur renvoi de la Cour de Cassation, au motif que ladite société avait notifié une proposition de modification du contrat de travail à au moins dix de ses salariés sans avoir préalablement établi un plan social ; que la SEPR a été condamnée à verser aux salariés concernés une somme totale de 920 606 euros ; qu'elle a recherché la responsabilité de l'Etat devant le Tribunal administratif de Paris en raison du manque de clarté des dispositions de l'article L. 321-1-3 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, en invoquant, d'une part, le régime de la responsabilité du fait des lois et, d'autre part, la responsabilité pour faute de l'Etat en ce qu'il a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que du droit à un procès équitable ; que par jugement du 5 mai 2010 dont la SEPR relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée " ;

Considérant que si l'exemplaire du jugement reçu par la société requérante ne comporte pas l'analyse des mémoires des parties, cette analyse figure au dossier de première instance dans un document joint à la minute dudit jugement ; que, de même, les particularités de l'instruction, telles que la lettre informant les parties que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, y sont mentionnées ; qu'enfin aucune disposition ne prévoit que le jugement mentionne que l'affaire, d'abord inscrite au rôle d'une audience, a été renvoyée à une autre ; que ledit jugement comporte donc les mentions exigées par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en second lieu, que le Tribunal administratif de Paris, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la SEPR à l'appui de ses moyens, ni aux moyens inopérants, a répondu de façon suffisamment motivée et sans omission à statuer ; qu'en outre les premiers juges ont estimé que la société requérante ne pouvait mettre en cause, sur le fondement de la faute, la rédaction adoptée par le législateur alors que la responsabilité de l'Etat du fait des lois ne peut être recherchée que pour réparer des préjudices résultant de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France ; que, de même, s'agissant du moyen tiré de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, les premiers juges ont estimé que les dispositions de l'article L. 321-1-3 du code du travail créaient des sujétions pour l'ensemble des employeurs en matière de licenciement et qu'elles ne faisaient porter sur la SEPR aucune charge particulière ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit, par suite, être écarté ;

Au fond :

Considérant que la responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi, à la condition que cette loi n'ait pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés, d'autre part, en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France ;

Considérant, en premier lieu, que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, s'agissant de la responsabilité de l'Etat du fait des lois, la condition de spécialité du préjudice n'était, en l'espèce, pas remplie dès lors qu'en tout état de cause tous les employeurs se trouvant dans la même situation que la société requérante étaient exposés comme elle aux aléas de l'interprétation juridictionnelle des dispositions législatives en cause ;

Considérant, en second lieu, que si la SEPR invoque la méconnaissance des engagements internationaux de la France et en particulier des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que, par voie de conséquence, du droit à un procès équitable prévu par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, c'est sur le terrain de la faute, sur lequel elle ne peut utilement mettre en cause la rédaction adoptée par le législateur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SEPR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'ambiguïté de la rédaction des dispositions de l'article L. 321-1-3 du code du travail ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SEPR doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE D'EDITIONS ET DE PROTECTION ROUTE est rejetée.

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N° 10PA03855

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10PA03557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03557
Date de la décision : 22/09/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : HERREN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-09-22;10pa03557 ?
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