Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2010, présentée pour la société SOGEFI SPA, dont le siège est à Mantoue (46100), Italie, par Me Milhac ;
la société SOGEFI SPA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0614121-0614122-0314125 du 22 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant au remboursement, sous déduction de la retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant aux dividendes qui lui ont été distribués par les sociétés " Sogefi Filtration ", " Allevard Rejna Autosuspensions " et " Filtrauto " au titre de l'année 2004 ;
2°) de lui accorder les remboursements demandés ;
3°) d'ordonner, le cas échéant, la restitution par l'État des sommes acquittées augmentées des intérêts moratoires au taux légal en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2012 :
- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de Me Bailleul, pour la société SOGEFI SPA ;
Considérant que les sociétés de droit français " Sogefi Filtration ", " Allevard Rejna Autosuspensions " et " Filtrauto " ont versé respectivement à la société de droit italien SOGEFI S.P.A, qui contrôlait plus de 99 % de leur capital, à titre de dividendes, la somme de
1 597 600 euros le 22 avril 2004, la somme de 9 997 817 euros le 30 avril 2004 et la somme de 9 602 790 euros le 5 mai 2004 ; que la société SOGEFI SPA a demandé le 3 août 2005 à l'administration des impôts le remboursement, sous déduction de la retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant à chacun de ces dividendes ; que ces demandes ayant été rejetées en juillet 2006, la société SOGEFI SPA relève appel du jugement du 22 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté les trois demandes dont elle l'avait saisi le 22 septembre 2006 en vue d'obtenir les remboursements susmentionnés ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la société SOGEFI S.P.A, a répondu au moyen tiré par celle-ci de ce qu'elle remplissait les conditions posées par les stipulations du b) du 3. de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne susvisée pour bénéficier du remboursement par le Trésor français de la moitié de l'avoir fiscal, minoré de la retenue à la source de 5 % ; que, par ailleurs, le tribunal a suffisamment exposé les raisons pour lesquelles il a considéré que la société requérante ne pouvait utilement se prévaloir des instructions administratives qu'elle invoquait ; qu'enfin, si la société requérante soutient que le tribunal " a retenu des motifs erronés ", cette critique du bien-fondé du jugement attaqué est en tout état de cause sans incidence sur sa régularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, que, par le 1° du A du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003, le législateur a notamment abrogé, tout d'abord, l'article 158 bis du code général des impôts, selon lequel les personnes percevant des dividendes distribués par des sociétés françaises disposaient à ce titre d'un revenu constitué par les sommes reçues de la société et par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor, ensuite, l'article 209 bis, qui rendait applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France les dispositions des articles 158 bis et 158 ter, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés, et qui disposait que le crédit d'impôt était reçu en paiement de cet impôt, et, enfin, l'article 242 quater, selon lequel le bénéfice de l'avoir fiscal pouvait être accordé aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions ; qu'il résulte du D du I de l'article 93 de la même loi que l'abrogation de ces différentes dispositions est applicable, pour les personnes physiques, aux revenus distribués ou répartis qu'elles ont perçus à compter du 1er janvier 2005 et, pour les personnes autres que les personnes physiques, aux crédits d'impôt utilisables à compter du 1er janvier 2005 ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-italienne susvisée du 5 octobre 1989 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un État à un résident de l'autre État sont imposables dans cet autre État. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'État dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés qui a détenu directement ou indirectement, pendant une période d'au moins douze mois précédant la date de la décision de distribution des dividendes, au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes (...) Les dispositions du présent paragraphe n'affectent pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. 3. (...) b. Une société résidente d'Italie, visée au paragraphe 2-a), ou relevant de la législation italienne applicable aux sociétés mères, qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un " avoir fiscal " s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet " avoir fiscal " diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2. (...) " ;
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
S'agissant de la loi fiscale nationale :
Considérant qu'il est constant que la société requérante a présenté le 3 août 2005 ses demandes de remboursement, sous déduction de la retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant aux dividendes qui lui avaient été distribués par les sociétés de droit français " Sogefi Filtration ", " Allevard Rejna Autosuspensions " et " Filtrauto " au titre de l'année 2004 ; que, toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 93 de la loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003 que les personnes autres que les personnes physiques ne pouvaient plus utiliser, à compter du 1er janvier 2005, les crédits d'impôt résultant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués en 2004 ; qu'il s'ensuit que l'administration était fondée à refuser d'accorder à la société requérante les remboursements qu'elle sollicitait, au motif que l'utilisation de l'avoir fiscal n'était plus possible en vertu de la loi fiscale nationale au-delà du
31 décembre 2004 ;
S'agissant du moyen tiré de la convention fiscale franco-italienne :
Considérant que la convention fiscale franco-italienne susvisée ne comporte aucune stipulation qui ferait obstacle à l'application des dispositions précitées du D du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003, dès lors que les stipulations du b) du 3. de l'article 10 de cette convention doivent être regardées comme ne conférant à une société mère italienne un droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de l'avoir fiscal, diminuée de la retenue à la source, que pour autant qu'un droit à l'avoir fiscal existe en vertu de la législation nationale pour un résident de France placé dans une situation comparable ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte de la loi fiscale nationale qu'un résident de France qui, comme la société SOGEFI SPA, n'est pas une personne physique, ne pouvait plus utiliser, à compter du 1er janvier 2005, les crédits d'impôt résultant de l'avoir fiscal ;
Considérant, il est vrai, que la société requérante fait valoir, d'une part, que l'article 95 de la loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003 autorisait les sociétés mères françaises à imputer après le 1er janvier 2005 sur le prélèvement exceptionnel de 25 % exigible au titre des distributions réalisées en 2005 les avoirs fiscaux attachés aux dividendes reçus en 2004 et, d'autre part, que ces sociétés ont également pu imputer après le 1er janvier 2005 ces avoirs fiscaux sur le précompte dû au titre des distributions de dividendes auxquelles elles avaient procédé en 2004 ; que, toutefois, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, du fait de ces exceptions transitoires au principe de la suppression de la possibilité d'utiliser l'avoir fiscal à compter du 1er janvier 2005, les personnes morales ayant le statut de résident de France avaient encore droit, après cette date, au bénéfice de l'avoir fiscal, tel qu'il résultait des dispositions combinées des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts ; que, par ailleurs, la société requérante n'était pas dans une situation comparable aux sociétés mères françaises dès lors, d'une part, qu'elle n'était pas assujettie au prélèvement exceptionnel de 25 % exigible au titre des distributions réalisées en 2005 et, d'autre part, qu'elle n'a pas redistribué sous forme de dividendes mis en paiement avant le 1er janvier 2005, les produits de participation reçus au cours de l'année 2004 ;
S'agissant des moyens tirés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens de ces stipulations ;
Considérant qu'en décidant que les personnes morales ne pourraient plus utiliser en 2005 les crédits d'impôt résultant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués en 2004, le législateur a entendu mettre fin, pour l'avenir, au dispositif en vigueur ; qu'ainsi, dès le
1er janvier 2004, date d'entrée en vigueur du 1° du A du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004 du 30 décembre 2003, la société SOGEFI SPA ne pouvait plus se prévaloir de l'espérance légitime de bénéficier, en 2005, des crédits d'impôt attachés au régime de l'avoir fiscal, à raison des dividendes qui lui seraient servis en 2004 ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le D du I de l'article 93 de la loi du 30 décembre 2003 aurait porté atteinte au droit au respect de ses biens, en méconnaissance des stipulations précitées ; que la société requérante ne pouvant se prévaloir d'un droit protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne saurait invoquer les stipulations de l'article 14 de la même convention prohibant les discriminations dans la jouissance des droits et libertés que cette convention reconnaît ;
En ce qui concerne l'interprétation donnée à la loi fiscale par l'administration :
Considérant, en premier lieu, que la société SOGEFI SPA ne saurait utilement se prévaloir de l'instruction administrative 4 J-2-99 du 8 novembre 1999 qui concerne le dispositif même de l'avoir fiscal et non les dispositions transitoires afférentes à sa suppression ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que les demandes de remboursement présentées par la société SOGEFI SPA ont été rejetées à bon droit en application de la loi fiscale ; que cette société n'est en tout état de cause pas fondée à demander, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'instruction 4-J-2-05 du 28 avril 2005, dont elle ne remplit pas les conditions faute de satisfaire aux prescriptions du paragraphe 13 de cette instruction, qui prévoit que, pour bénéficier du transfert du demi avoir fiscal, les sociétés mères italiennes devront notamment avoir redistribué sous forme de dividendes mis en paiement avant le 1er janvier 2005 les produits de participation reçus au cours de l'année 2004 ; que la société requérante ne peut utilement exciper, à l'appui de ses conclusions tendant à obtenir le remboursement qu'elle demande sur le fondement de cette instruction, de l'illégalité de cette instruction au motif que les prescriptions de celle-ci seraient discriminatoires en ce qu'elles prévoient un traitement identique pour des contribuables qui ne se trouvent pas placés dans la même situation au regard de l'impôt exigible en France ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SOGEFI SPA n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, sa demande de restitution par l'État des sommes acquittées augmentées des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doit, en tout état de cause, être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse une somme à la société SOGEFI SPA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SOGEFI S.P.A. est rejetée.
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N° 11PA02611