Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2010, présentée pour M. Jean-Paul A, ... par Me Paté ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803902 du 11 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail de la 3ème section de la Moselle du 11 juillet 2008 autorisant son licenciement pour motif économique ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que la note en délibéré du directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle enregistrée le 3 mai 2010 ne lui a pas été communiquée ;
- la procédure préalable au licenciement n'a pas été respectée, dès lors que la convocation du comité d'entreprise a eu lieu avant la tenue de l'entretien préalable à son licenciement ; l'employeur ne lui a pas laissé un délai suffisant entre l'entretien préalable et la consultation du comité d'entreprise pour préparer son audition devant cette instance et que, le comité d'entreprise ayant refusé d'émettre un avis, la consultation de ce dernier n'était pas terminée ;
- l'inspectrice du travail s'est à tort abstenue de contrôler la régularité de la procédure de licenciement économique ;
- l'irrégularité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique devait entraîner le refus d'autorisation de licenciement, la consultation des représentants du personnel sur la procédure de licenciement collectif n'ayant pas été menée à son terme ;
- la demande d'autorisation de licenciement ne repose sur aucune cause économique réelle et sérieuse, dès lors que la fermeture d'un établissement par décision de l'autorité de tutelle ne constitue pas un motif économique ;
- la cessation d'activité ne saurait être reconnue comme motif économique du licenciement dès lors qu'elle est due à une faute de gestion ou à une légèreté blâmable de l'employeur et qu'une réorganisation complète de l'institution aurait contribué à maintenir l'emploi du personnel ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2010, présenté pour l'association Oeuvre de Guénange-Richemont, représentée par son commissaire à la liquidation, par Me Wulveryck, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu, en date du 24 novembre 2010, l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 31 décembre 2010 à 16 heures ;
Vu, enregistré le 24 janvier 2011, le mémoire présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2011 :
- le rapport de M. Vincent, président de chambre,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Paté, avocat de M. A, et de Me Harir pour le cabinet Actance, avocat de l'association Oeuvre de Guénange-Richemont ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du dossier de première instance que, par mémoire enregistré le 3 mai 2010 au greffe du tribunal, le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a entendu répondre au mémoire complémentaire présenté par le requérant le 16 avril 2010 ; qu'en ne communiquant pas ce mémoire, parvenu après l'audience, le Tribunal administratif de Strasbourg, qui était toutefois tenu de le viser, comme il l'a fait, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité dès lors que l'administration défenderesse n'y énonçait aucun élément de droit ou de fait susceptible d'influer sur le jugement à intervenir ;
Considérant, en deuxième lieu que, contrairement à ce que soutient le requérant, le Tribunal administratif de Strasbourg a répondu, par le paragraphe qu'il cite d'ailleurs, à son moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise en ce qui concerne le projet de licenciement des salariés autres que ceux investis de fonctions représentatives ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de la procédure préalable à l'autorisation litigieuse :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. (...) et qu'aux termes de l'article R. 2421-8 du même code : L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise faite en application de l'article L. 2421-3. (...) ;
Considérant que les dispositions précitées n'interdisent pas, à peine d'irrégularité de la procédure, que la convocation des membres du comité d'entreprise leur soit adressée antérieurement à l'entretien préalable au licenciement du salarié protégé ; que si M. A fait valoir que la finalité de l'entretien préalable serait ainsi méconnue en tant que le fait pour l'employeur de convoquer le comité d'entreprise signifierait que sa décision serait d'ores et déjà arrêtée, il résulte des dispositions précitées que l'employeur ne saurait être regardé comme ayant d'ores et déjà arrêté sa décision lorsqu'il convoque le comité d'entreprise ; que le requérant ne saurait enfin utilement invoquer les termes d'une circulaire ministérielle, dépourvue de caractère impératif, recommandant que le comité d'entreprise ne soit convoqué que postérieurement à l'entretien préalable ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A fait valoir l'irrégularité de la procédure préalable au licenciement en tant qu'il n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour préparer son audition devant le comité d'entreprise, dès lors que la réunion de celui-ci, en application des dispositions précitées de l'article L. 2421-3 du code du travail, s'est tenue l'après-midi du 25 juin 2008 consécutivement à l'entretien préalable, qui a eu lieu le matin du même jour ; que, toutefois, le comité d'entreprise, qui s'est par ailleurs réuni sur les lieux mêmes où s'est tenu l'entretien préalable, a eu à émettre un avis sur le projet de licenciement de l'ensemble des salariés protégés du centre éducatif et de formation professionnelle de Guénange concernés, au même titre que les autres salariés, par la décision du préfet de prononcer la fermeture totale et définitive de cet établissement ; que le requérant, qui avait déjà été informé des motifs économiques de son licenciement au cours d'un premier entretien en date du 18 avril 2008 n'établit pas ni même n'allègue soit que des circonstances propres à sa situation personnelle auraient dû conduire à le faire bénéficier d'un délai de réflexion supplémentaire consécutivement à l'entretien du 25 juin 2008, soit que ce dernier entretien, rendu nécessaire par la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure de licenciement à la suite du refus d'autorisation opposé par l'inspectrice du travail le 29 mai 2008, aurait comporté des informations différentes de celles déjà portées à sa connaissance lors du premier entretien préalable ; qu'ainsi le moyen tiré par M. A de ce qu'il n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour préparer son audition devant le comité d'entreprise doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le comité d'entreprise, régulièrement saisi par l'employeur le 25 juin 2008 afin de se prononcer sur le projet de licenciement des salariés protégés, a refusé d'émettre un avis, ne saurait faire obstacle à la saisine de l'inspecteur du travail par l'employeur aux fins de solliciter l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ; qu'il n'appartenait par ailleurs ni à l'inspecteur du travail ni au tribunal d'examiner le bien-fondé des motifs d'un tel refus ;
Considérant, en dernier lieu, que les représentants du personnel inclus dans un licenciement collectif pour motif économique envisagé par l'employeur ne peuvent être licenciés sans qu'aient été obtenus, d'une part l'avis du comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif en application des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail et, d'autre part, l'autorisation de l'inspecteur du travail exigée par l'article L. 2421-3 précité ; que ces deux procédures sont distinctes et soumises à des règles différentes, dès lors notamment que la décision de l'inspecteur du travail intervient après une consultation spécifique du comité d'entreprise sur les mesures de licenciement envisagées à l'encontre des salariés protégés ; que, par suite, la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif prévue par l'article L. 1233-28 du code du travail ne faisant pas partie des éléments de la procédure sur lesquels l'inspecteur du travail doit faire porter son contrôle, la circonstance, à la supposer établie, que le comité d'entreprise n'aurait pas été régulièrement consulté à ce dernier titre est sans influence sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail au titre de la protection exceptionnelle prévue pour les salariés légalement investis de fonctions représentatives ;
En ce qui concerne la réalité du motif économique invoqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ;
Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, le préfet de la Moselle a, en raison de carences graves dans la gestion de l'établissement exposant les adolescents accueillis à un risque de maltraitance et compromettant durablement la qualité de leur prise en charge, prononcé la fermeture totale et définitive du centre éducatif et de formation professionnelle de Guénange ; qu'ainsi, l'association Oeuvre de Guénange-Richemont était tenue de mettre un terme aux activités de cet établissement ; que, par suite, la réalité du motif économique invoqué par l'employeur est établie ; que, dès lors, l'inspectrice du travail a pu légalement autoriser le licenciement du requérant pour ce motif ;
Considérant, en second lieu, que si M. A fait valoir que l'employeur aurait commis une faute de gestion et qu'il aurait fait preuve d'une légèreté blâmable dans la gestion de l'établissement, de telles circonstances, à les supposer établies, sont sans incidence sur le caractère économique du licenciement et la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 juillet 2008 par laquelle l'inspectrice du travail du 3ème secteur de la Moselle a autorisé son employeur à le licencier pour motif économique ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'intéressé la somme que demande l'association Œuvre de Guénange-Richemont au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'association Œuvre de Guénange-Richemont tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Paul A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à Me Andrez, commissaire à la liquidation amiable de l'association Œuvre de Guénange-Richemont.
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N° 10NC00978