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05/05/2011 | FRANCE | N°10NC00624

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 mai 2011, 10NC00624


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2010, présentée pour Mme Fabienne A, ..., par Me Welzer ;

Mme A demande à la Cour de :

1°) réformer le jugement n° 0701601 du 2 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal à lui verser la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'un retard de diagnostic ;

2°) condamner in solidum le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal et l'Office nati

onal d'indemnisation des accidents médicaux à lui verser la somme globale de 846 ...

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2010, présentée pour Mme Fabienne A, ..., par Me Welzer ;

Mme A demande à la Cour de :

1°) réformer le jugement n° 0701601 du 2 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal à lui verser la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'un retard de diagnostic ;

2°) condamner in solidum le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à lui verser la somme globale de 846 720 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) condamner in solidum le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des frais d'avocat exposés devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux ;

4°) mettre à la charge in solidum du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux les dépens et la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle sollicite la confirmation du jugement en tant qu'il a reconnu la faute du centre hospitalier ;

- le tribunal administratif ne justifie pas pourquoi il convient d'exclure l'avis de l'expert Berthelot ;

- un retard de diagnostic de près de deux mois a entraîné une dégradation supplémentaire de son état de santé ;

- en l'absence d'erreur de la part du centre hospitalier sa guérison totale était possible ;

- le législateur n'a pas prévu de distinction entre la procédure de règlement amiable et l'indemnisation au titre de la solidarité nationale de sorte qu'elle est en droit de solliciter l'indemnisation de son préjudice par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux ;

- il convient de confirmer l'indemnisation de 6 000 euros accordée par le tribunal administratif au titre des souffrances endurées par elle entre le 15 mai et le 3 juillet 2003 ;

- ses pertes de salaires pendant 31 mois seront réparées à hauteur de 47 120 euros ;

- l'indemnité qui doit lui être allouée au titre du recours à une tierce personne sera de 386 100 euros ;

- son préjudice professionnel correspond à 57 400 euros au titre de l'impossibilité de vendre son fonds de commerce, 85 500 euros au titre des pertes de salaires et 50 000 euros au titre de la perte sur retraite ;

- le déficit fonctionnel temporaire doit être réparée à hauteur de 18 600 euros ;

- les souffrances endurées par elle doivent être réparées à hauteur de 32 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être réparé à hauteur de 80 000 euros ;

- son préjudice d'agrément doit être réparé à hauteur de 50 000 euros ;

- son préjudice esthétique doit être réparé à hauteur de 30 000 euros

- son préjudice sexuel doit être réparé à hauteur de 10 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2010, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges par Me Fort, qui conclut à :

1°) la condamnation du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal à lui verser la somme de 10 386,53 euros en remboursement de ses débours ;

2°) la condamnation du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal à lui verser la somme de 966 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) la mise à la charge du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal de la somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que 25 % des prestations sont imputables au fait dommageable et qu' ainsi les pertes de revenus et les dépenses de santé actuelles doivent lui être remboursées dans cette proportion ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2011, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux par Me Welsch, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la responsabilité au titre de la solidarité nationale est exclusive de celle pour faute d'un établissement de santé ;

- les conditions permettant une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies dès lors que la responsabilité du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal est engagée et que le préjudice subi par la requérante n'est pas anormal au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2011, présenté pour le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête et des prétentions de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ;

Il soutient que :

- l'existence d'une faute est discutable dès lors que le diagnostic présentait des difficultés particulières ;

- la requérante n'a pas perdu une chance d'échapper aux complications neurologiques qui ne sont pas dues à un retard de diagnostic d'un mois ;

- l'estimation de l'expert Berthelot qui évalue la perte de chance au début des signes cliniques, soit avant la consultation au centre hospitalier, est viciée à la base ;

- les préjudices dont la requérante demande l'indemnisation ne sont fondés ni dans leur principe, ni dans leur montant dès lors qu'ils sont uniquement en rapport avec l'évolution prévisible de la pathologie ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2011, présenté pour Mme A, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges tendant aux mêmes fins que précédemment et à ce que la somme réclamée au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion soit portée à 980 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2011, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- si la Cour considère que la requérante a droit à une indemnisation, l'inaptitude professionnelle n'est pas imputable à un accident médical non fautif ;

- les frais d'assistance par une tierce personne n'excéderont pas la somme de 142 024 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 12 400 euros ;

- les souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 10 500 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent sera indemnisé à hauteur de 35 000 euros ;

- le préjudice d'agrément sera indemnisé à hauteur de 5 500 euros ;

- le préjudice esthétique sera indemnisé à hauteur de 7 000 euros ;

- le préjudice sexuel sera indemnisé à hauteur de 5 000 euros ;

Vu l'ordonnance en date du 14 février 2011 fixant la clôture d'instruction au 11 mars 2011 à 16 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2011 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Mme A ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort tant du rapport de l'expert désigné le 22 mai 2006 par le président du Tribunal de grande instance que des deux expertises diligentées en 2007 et 2008 par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine que le fait pour le médecin, spécialiste en neurologie, du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal de ne pas avoir, le 15 mai 2003, diagnostiqué ou poursuivi des investigations permettant de dépister la compression médullaire dont souffrait Mme A en raison d'un méningiome implanté en T5 constitue un manquement compte tenu des troubles décrits et de leur évolution ; que ce retard de diagnostic constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier qui ne conclut pas à la réformation du jugement attaqué ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique le régime d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins peut être celui de la responsabilité pour faute d'un professionnel ou d'un établissement de santé ou, en l'absence de faute et lorsque les conditions énumérées au II de cet article sont remplies, celui de la responsabilité au titre de la solidarité nationale dont la charge de l'indemnisation incombe alors à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), établissement public à caractère administratif de l'Etat créé par l'article L. 1142-22 du code ; que, si, dans l'avis qu'elle rend en application de l'article L. 1142-8 du même code, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation estime qu'une faute est à l'origine du dommage, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission, adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d'indemnisation ; qu'en cas de silence ou de refus de l'assureur de faire une offre, l'ONIAM est substitué à l'assureur ; que, si la commission estime que le dommage est indemnisable au titre de la solidarité nationale, l'ONIAM adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d'indemnisation ; que la victime ou ses ayants droit disposent, aux termes des articles L. 1142-14 et L. 1142-20 du même code, du droit d'agir en justice contre l'assureur ou contre l'office devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite ; qu'il en résulte que, alors même que, dans le cadre de la procédure amiable, l'ONIAM se substitue à l'assureur du centre hospitalier qui a refusé de faire une offre d'indemnisation, lorsque le fait générateur du dommage est une faute commise par l'établissement de santé, l'action en justice doit être introduite exclusivement contre l'établissement de santé ou son assureur ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la responsabilité du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal est engagée à raison d'une faute ; que, par suite, Mme A ne peut en tout état de cause demander la condamnation in solidum de cet établissement et de l'ONIAM qui doit, par suite, être mis hors de cause ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il ressort notamment du rapport d'expertise du 7 novembre 2007 que, compte tenu de la croissance très lente sur plusieurs années du méningiome, de sa taille volumineuse, de son incrustation profonde dans la moelle épinière de la requérante, de son positionnement ainsi que des risques et des conséquences de son ablation, le retard subi entre le 15 mai 2003, date de la consultation au centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal, et le 5 juillet 2003, date de l'ablation de la tumeur au centre hospitalier universitaire de Nancy, n'a pas compromis les chances de Mme A d'obtenir une récupération totale de ses facultés ; que, contrairement à l'estimation du dernier expert désigné par le président de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine, l'incidence du retard de diagnostic d'un mois et demi ne peut en tout état de cause être évaluée au quart du délai écoulé entre l'apparition des premiers symptômes, au début de l'année 2003, et le 3 juillet 2003, date à laquelle le bon diagnostic a été posé, dès lors que, comme il vient d'être dit, le méningiome s'était développé bien avant que n'apparaissent les premiers symptômes ;

Considérant que la requérante sollicite le maintien de l'indemnisation, à hauteur de 6 000 euros, de son préjudice moral et des souffrances endurées par elle entre le 15 mai et le 3 juillet 2003 ; qu'en revanche, les autres préjudices dont elle demande la réparation, y compris les frais d'avocat qu'elle a dû exposer devant l'ONIAM, ne sont pas imputables au retard de diagnostic ; qu'il en est de même des débours, y compris l'indemnité forfaitaire de gestion, dont la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges demande le remboursement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A et la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant au versement d'indemnités à la suite de la faute commise par le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal et de l'ONIAM, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés tant par Mme A que par la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fabienne A, au centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges.

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