La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2011 | FRANCE | N°10MA03107

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2011, 10MA03107


Vu la requête, enregistrée le 4 aout 2010, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES dont le siège est Avenue du Maréchal Juin à Hyères (83407), par Me Pontier, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706062 en date du 2 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) la somme de 84 090 euros en réparation des préjudices subis par M. et son fils consécutifs au décès de leur compagne et mère ;

2°) de rejeter la requê

te de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au ...

Vu la requête, enregistrée le 4 aout 2010, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES dont le siège est Avenue du Maréchal Juin à Hyères (83407), par Me Pontier, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706062 en date du 2 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) la somme de 84 090 euros en réparation des préjudices subis par M. et son fils consécutifs au décès de leur compagne et mère ;

2°) de rejeter la requête de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre des frais d'instance ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2011,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public ;

- et les observations de Me Riciotti du Cabinet Abeille pour le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES et de Me Ganet substituant Me Coutelier pour M. ;

Considérant que Mlle , admise au CENTRE HOSPITALIER D'HYERES le 22 juin 2003 pour y accoucher, est décédée dans cet établissement le 27 juin suivant à l'âge de 29 ans ; que M. , son compagnon, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur laquelle a émis, le 29 septembre 2005, l'avis que le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES était responsable, en raison des fautes commises dans la prise en charge de la patiente, du décès de Mlle , à charge de cet établissement d'indemniser les préjudices subis constitués par les troubles de toutes natures dans les conditions d'existence de la victime du 22 au 27 juin 2003, les souffrances endurées par cette dernière, le préjudice moral de son conjoint et de son fils, les frais funéraires ainsi que la perte de revenus liée au décès ; qu'en l'absence de proposition d'indemnisation par l'assureur du CENTRE HOSPITALIER D'HYERES, en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), substitué à l'établissement hospitalier défaillant, a formulé une offre d'indemnisation à M. d'un montant de 20 000 euros au titre du préjudice moral subi consécutivement au décès de sa compagne ainsi qu'une offre d'indemnisation à M. , en qualité de représentant légal de son fils mineur, unique ayant droit de sa mère décédée, d'un montant de 21 090 euros dont 20 000 euros au titre du préjudice moral subi consécutivement au décès de sa mère, respectivement 90 euros et 1 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et des souffrances endurées par la défunte ; que l'ONIAM a saisi le tribunal administratif de Toulon en vue d'obtenir la condamnation du CENTRE HOSPITALIER D'HYERES à lui rembourser la somme de 20 000 euros versée à M. à titre d'indemnité transactionnelle en réparation du préjudice moral lié à la perte de sa compagne, la somme de 900 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 3 000 euros correspondant au montant de la pénalité de 15 % du montant des sommes mises à sa charge ainsi que la somme de 61 090 euros versée à M. au titre de l'indemnisation du préjudice subi par son fils mineur en raison du décès de sa mère en application du jugement n° 0704427 rendu le 17 décembre 2009 ; que le tribunal, par jugement n° 0706062 du 2 juin 2010, après avoir jugé que le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES était entièrement responsable du décès de Mlle , l'a condamné à verser à l'ONIAM la somme de 84 090 euros en réparation des divers préjudices subis par M. et son fils mineur outre la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance ; que le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES relève appel de ce jugement en faisant valoir qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans la prise en charge de Mlle ; que l'ONIAM demande le rejet de la requête de l'appelant et la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique (...) Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; qu'aux termes de l'article L. 1142-15 du même code : En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur (...) Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'ONIAM s'est substitué à la personne responsable du dommage et que la victime a accepté son offre d'indemnisation, il est subrogé dans les droits de la victime à concurrence des sommes versées et est ainsi investi, dans cette limite, de tous les droits et actions que le subrogeant pouvait exercer ; que si l'offre ainsi acceptée vaut transaction opposable au responsable du dommage ou à son assureur, ces derniers disposent de la faculté de contester devant le juge tant le principe que le montant des indemnités allouées à la victime et que le juge n'est pas lié, lorsqu'il reconnaît que la responsabilité de l'établissement de soins est engagée, par la détermination et l'évaluation du préjudice auxquelles a procédé l'ONIAM ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER D'HYERES :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise contradictoire diligentée devant le tribunal administratif de Nice par un expert spécialisé en pneumo-phtisiologie, que Mlle était porteuse, outre d'une polyarthrite rhumatoïde sévère congénitale traitée par des corticoïdes, d'une pathologie broncho-pulmonaire également traitée ; que si les suites de son accouchement par césarienne ont été simples, il résulte de ce rapport que deux jours après l'accouchement, la patiente a présenté un encombrement bronchique qui s'est aggravé les jours suivants malgré l'administration de corticoïdes et de bronchodilatateurs ; qu'après la réalisation d'une fibroscopie, l'intéressée a été transférée en réanimation le 27 juin 2003 à 15 heures où a été mise en place une antibiothérapie à large spectre associée à une corticothérapie ; que son état de santé s'est aggravé dans la soirée et Mlle est décédée à 23 heures 30 ; qu'il ressort des conclusions de l'expert que la patiente était fragilisée sur le plan physiologique et clinique par la pathologie dont elle souffrait et par les traitements qu'elle suivait et que les complications respiratoires pouvaient présenter un lien avec sa maladie rhumatismale ; que ce même expert, citant les conclusions du sapiteur qu'il s'était adjoint, conclut à une appréciation erronée de la part de l'équipe soignante de l'expansion volumique à la survenue de l'arrêt cardio-respiratoire ainsi qu'à une absence de protocole concernant la pratique de l'intubation pratiquée peu avant son décès et de manière tardive ; que, par ailleurs, il résulte des conclusions de l'expertise réalisée devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur, que les moyens diagnostiques mis en oeuvre par l'équipe médicale du CENTRE HOSPITALIER D'HYERES ont été insuffisants et inadaptés à la situation clinique de Mlle au regard des données de la science à la date des faits et qu'un transfert plus précoce de la patiente immunodéprimée dans un service autre que celui, chirurgical, dans lequel elle a été maintenue, aurait permis d'établir un diagnostic plus sûr, en soulignant toutefois l'absence de certitude qu'une autre stratégie médicale aurait permis d'empêcher la survenue du décès ; qu'ainsi, et sans qu'il soit utile de recourir à une nouvelle expertise, si la mort de Mlle , dont les causes exactes ne sont pas établies avec certitude, ne peut être directement imputée à une insuffisance de moyens diagnostiques et à la pratique d'une intubation notamment tardive, celles-ci ont été directement à l'origine d'une perte de chance d'éviter ce décès ; que le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES ne peut donc soutenir que ces fautes ne sont pas de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, eu égard à ce qui précède et notamment à l'importance de la fragilité de l'état de santé physiologique et clinique de Mlle , il y a lieu d'évaluer l'ampleur de cette perte de chance à 30 % ;

Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, que l'indemnisation du préjudice moral de M. consécutif au décès de sa compagne a été justement évaluée par l'ONIAM, dans le cadre d'un protocole d'accord, à la somme de 20 000 euros que l'intéressé a acceptée et que l'office lui a versée ; que, toutefois, compte tenu de l'ampleur de la perte de chance d'éviter la survenue du décès de Mlle ci-dessus fixée à 30 %, le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES ne peut être tenu pour responsable qu'à hauteur de la somme de 6 000 euros ; qu'aux termes de l'article L.1142-15 précité du code de la santé publique, en cas de silence de la part de l'assureur de faire une offre, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue ; qu'il y a lieu, en l'espèce, en raison de l'absence d'offre de la part de l'assureur, de fixer le pourcentage prévu à cet article à 15 % ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES versera, à ce titre, à l'ONIAM la somme de 900 euros en application de ces dispositions ;

Considérant, d'autre part, que par arrêt n° 10MA00099 en date de ce jour, la Cour a réformé l'article 1er du jugement n° 0704427 du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Toulon et a réduit à 11 000 euros la somme de 61 090 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. , en qualité de représentant légal de son fils mineur en réparation du préjudice économique qu'il a subi consécutivement au décès de sa mère, cette somme de 11 000 euros venant en complément de celle de 21 090 euros allouée au titre du protocole transactionnel provisionnel relatif à l'indemnisation du préjudice moral subi par son enfant du fait de la perte de sa mère ainsi qu'à l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence et les souffrances endurées par la défunte ; que, par suite, la somme que le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES doit être condamné à verser à l'ONIAM au titre de ce poste de préjudice s'établit à 11 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulon l'a condamné à verser à l'ONIAM une somme supérieure à 17 900 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER D'HYERES le versement à l'ONIAM de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, ni de faire droit aux conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES au titre des dispositions de cet article ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le CENTRE HOSPITALIER D'HYERES est condamné à verser à l'ONIAM par l'article 1er du jugement n° 0706062 du 2 juin 2010 du tribunal administratif de Toulon est ramenée à 17 900 euros.

Article 2 : Le jugement n° 0706062 du 2 juin 2010 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER D'HYERES et les conclusions présentées par l'ONIAM sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER D'HYERES, à l'ONIAM et à M. .

''

''

''

''

2

N° 10MA03107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03107
Date de la décision : 17/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : ABEILLE et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-10-17;10ma03107 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award