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09/02/2012 | FRANCE | N°10MA00995

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 09 février 2012, 10MA00995


Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2010, présentée pour Mme Nathalie A, élisant domicile ...), par Me Coque ; Mme Nathalie A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de 294 000 euros en réparation des préjudices résultant de la promesse non tenue par la commune de rendre la parcelle B 1932 constructible, d'autre part, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de

30 000 euros en réparation des dommages permanents de travaux publics c...

Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2010, présentée pour Mme Nathalie A, élisant domicile ...), par Me Coque ; Mme Nathalie A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de 294 000 euros en réparation des préjudices résultant de la promesse non tenue par la commune de rendre la parcelle B 1932 constructible, d'autre part, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des dommages permanents de travaux publics consécutifs à la présence d'un stade et de vestiaires à proximité de sa propriété, enfin, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de 21 600 euros en réparation des préjudices résultant de l'empiètement d'un ouvrage public sur sa propriété ainsi que la somme de 5 000 euros du fait de l'existence d'une canalisation traversant de part en part sa parcelle sans autorisation ;

2°) de condamner la commune de Bonnieux à lui verser, d'une part, la somme de

66 050,37 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 23 novembre 2008 en réparation des préjudices résultant de la promesse non tenue par la commune de rendre la parcelle B 1932 constructible, d'autre part, la somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 23 novembre 2008 en réparation des dommages permanents de travaux publics consécutifs à la présence d'un stade et de vestiaires à proximité de sa propriété, enfin, la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bonnieux la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 :

- le rapport de M. Massin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

- les observations de Me Coque pour Mme A ;

- et les observations de Me Robert pour la commune de Bonnieux ;

Considérant que par un jugement du 14 janvier 2010, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme Nathalie A tendant, d'une part, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de 294 000 euros en réparation des préjudices résultant de la promesse non tenue par la commune de rendre la parcelle B 1932 constructible, d'autre part, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des dommages permanents de travaux publics consécutifs à la présence d'un stade et de vestiaires à proximité de sa propriété, enfin, à ce que la commune de Bonnieux soit condamnée à lui verser la somme de 21 600 euros en réparation des préjudices résultant de l'empiètement d'un ouvrage public sur sa propriété ainsi que la somme de 5 000 euros du fait de l'existence d'une canalisation traversant de part en part sa parcelle sans autorisation ; que Mme Nathalie A interjette appel de ce jugement ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

Considérant que M. Jean Castel et Mme Solange Castel, divorcée Heckenroth, frère et soeur, ont vendu le 26 juin 1993 à la commune de Bonnieux deux parcelles respectivement cadastrées B1439 et B1933 situées au lieu-dit La font du Claux , en vue de permettre la création d'un équipement sportif ; que l'acte de vente contient une condition particulière aux termes de laquelle : A titre de condition résolutoire, Monsieur le maire de Bonnieux, ès-qualités, s'engage à ce que dans le nouveau plan d'occupation des sols de la commune, la parcelle B1932 de la contenance de 38a 20ca, restant la propriété des vendeurs, soit située dans une zone autorisant la construction d'une maison individuelle à usage d'habitation. ; qu'à la suite du décès de Mme Solange Castel le 27 avril 2000, ses trois enfants, Hélène, Michel et Nathalie A, devenus propriétaires indivis avec leur oncle, M. Jean Castel, de la parcelle B 1932, en ont sollicité le partage judiciaire ; que par un jugement du 18 janvier 2005, le tribunal de grande instance de Marseille a ordonné le partage judiciaire de la parcelle B1932 et en a fixé la mise à prix à 2 000 euros avec faculté de baisse de moitié en cas de carence d'enchères ; que le cahier des charges de vente sur licitation établi à cet effet le 18 janvier 2005 mentionne la vente d'un terrain non constructible et totalement inculte ; que le 10 novembre 2005, Mme Nathalie A a donné pouvoir à Me Donneaud, avocat, pour enchérir jusqu'à la somme de 66 000 euros ; que le 24 novembre 2005, le terrain non constructible, cadastré B1932 d'une contenance de 38a 20ca, est mis à prix à 35 200 euros ; que par un jugement du même jour, le tribunal de grande instance de Marseille a adjugé à Me Donneaud un terrain non constructible, cadastré B1932, au prix principal, en sus des charges, de 66 000 euros et liquide les frais de poursuite de vente taxés à la somme de 3 758,20 euros ;

Considérant, en premier lieu, que le maire de la commune de Bonnieux ne pouvait légalement s'engager, au nom de la commune, à modifier la réglementation d'urbanisme dans le sens de stipulations contractuelles conclues avec un particulier ; que, dès lors, en concluant le 26 juin 1993 un acte de vente comportant une clause résolutoire selon laquelle le maire s'engageait à ce que dans le nouveau plan d'occupation des sols de la commune, la parcelle B1932 soit située dans une zone autorisant la construction d'une maison individuelle à usage d'habitation, la commune de Bonnieux a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, en revanche, que la réitération de la promesse fautive par la lettre du 8 janvier 2006, postérieure à l'acquisition par la requérante, le 24 novembre 2005, du terrain en litige, est sans lien de causalité avec le préjudice dont Mme Nathalie A demande à être indemnisée, et ne peut, en tout état de cause, engager la responsabilité de la commune de Bonnieux ;

Considérant, en deuxième lieu, que les chefs de préjudice dont Mme Nathalie A demande à être indemnisée en raison de la faute commise par la commune de Bonnieux sont, d'une part, le préjudice financier tenant à avoir payé le terrain en litige au prix d'un terrain constructible, et d'autre part des souffrances morales endurées ;

Considérant qu'il est constant que la parcelle B1932 n'est pas constructible ; qu'il résulte de l'instruction que si la commune de Bonnieux n'avait pas pris le 26 juin 1993 l'engagement illégal de rendre constructible la parcelle B1932, Mme Nathalie A, qui, en sa qualité de fille de Mme Solange Castel, divorcée Heckenroth avait connaissance de cet engagement, et qui par ailleurs connaissait la valeur de cette parcelle à l'état inconstructible, n'aurait pas enchéri à hauteur de 66 000 euros pour l'acquérir ; que, dès lors, il existe un lien de causalité direct et certain entre la faute de la commune de Bonnieux et les préjudices subis par la requérante ; que, toutefois, à supposer même que Mme Nathalie A n'ait pas été avertie des procédures administratives et des règles de droit applicables en urbanisme, cette dernière, en donnant foi à un tel accord manifestement illégal et en enchérissant à 66 000 euros, alors que la mise à prix était de 35 200 euros et qu'il ne résulte pas de l'instruction que d'autres enchères aient été faites, a commis une imprudence de nature à atténuer des trois quarts la responsabilité de la commune de Bonnieux ;

Considérant que Mme Nathalie A produit quatre estimations de la valeur du terrain en litige en son état inconstructible, réalisées par des professionnels de la transaction immobilière, allant de 4 000 euros à 7 600 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité, il sera fait une juste évaluation du préjudice financier subi par la requérante, en lien direct et certain avec la faute de la commune de Bonnieux, en le fixant à la somme de 15 000 euros ;

Considérant que Mme Nathalie A, qui produit notamment le certificat d'un médecin psychiatre mentionnant un état dépressif sévère réactionnel, justifie d'un préjudice moral en lien direct et certain avec la faute de la commune de Bonnieux ; que, compte tenu du partage de responsabilité, il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 1 000 euros ;

Considérant, par ailleurs, que Mme Nathalie A se fonde sur le terrain des dommages permanents de travaux publics pour demander à être indemnisée de préjudices que lui causerait la présence d'un stade et de vestiaires sur la parcelle contiguë à la parcelle B1932 ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la requérante a acquis le terrain en litige postérieurement à la construction par la commune de Bonnieux d'un stade et de vestiaires sur une parcelle contiguë ; qu'elle avait avant de procéder à cette acquisition une connaissance exacte de la configuration des lieux et de l'implantation des ouvrages ; qu'elle ne peut donc se plaindre après l'acquisition du terrain d'un empiètement d'un bâtiment sur sa propriété et de l'existence d'une canalisation non autorisée pour demander à être indemnisée ; que ces empiètements, à les supposer établis, sont présumés avoir été pris en compte dans l'évaluation de la mise à prix ;

Considérant, en second lieu, que si Mme Nathalie A subit, du fait de la présence des installations municipales, des nuisances sonores dues aux tondeuses à gazon et aux activités sportives, ainsi que des jets de détritus en provenance du toit terrasse du vestiaire, elle ne pouvait ignorer, à la date d'achat de la parcelle en litige, l'existence de ces installations ; que, dès lors, les nuisances qu'elle subit, même si on peut les déplorer, pouvaient être raisonnablement déduites de la présence d'un stade et de ses conditions normales d'exploitation ; que Mme Nathalie A n'est pas, en tout état de cause, fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Bonnieux sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme Nathalie A en l'évaluant à la somme de 16 000 euros ; que cette somme doit être augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 23 novembre 2008 ; que, par suite, Mme Nathalie A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme Nathalie A, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la commune de Bonnieux au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bonnieux une somme de 2 000 euros à payer à Mme Nathalie A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 14 janvier 2010 est annulé.

Article 2 : La commune de Bonnieux est condamnée à verser à Mme Nathalie A la somme de 16 000 (seize mille) euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2008.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Bonnieux tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La commune de Bonnieux versera à Mme Nathalie A une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Nathalie nomA est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nathalie A et à la commune de Bonnieux.

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N° 10MA009952

SC


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00995
Date de la décision : 09/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Promesses.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. LAMBERT
Rapporteur ?: M. Olivier MASSIN
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : COQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-02-09;10ma00995 ?
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