Vu la requête, enregistrée le 15 février 2010, présentée pour M. Stéphane A élisant domicile à ..., par Me Coutelier, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704432 en date du 17 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme de 271 909,08 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de sa compagne ;
2°) de condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 271 909,08 euros en réparation des préjudices économique et d'agrément qu'il a subis consécutivement au décès de sa compagne ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM, outre les dépens, la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2011,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public ;
- et les observations de Me Ganet substituant Me Coutelier pour M. A et de Me Riciotti du Cabinet Abeille pour le centre hospitalier d'Hyères ;
Considérant que Mlle B, admise au centre hospitalier d'Hyères le 22 juin 2003 pour y accoucher, est décédée dans cet établissement le 27 juin suivant à l'âge de 29 ans ; que M. A, son compagnon, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur laquelle a émis, le 29 septembre 2005, l'avis que le centre hospitalier d'Hyères était responsable, en raison des fautes commises dans la prise en charge de la patiente, du décès de Mlle B, à charge de cet établissement d'indemniser les préjudices subis constitués par les troubles de toutes natures dans les conditions d'existence de la victime du 22 au 27 juin 2003, les souffrances endurées par cette dernière, le préjudice moral de son conjoint et de son fils, les frais funéraires ainsi que la perte de revenus liée au décès ; qu'en l'absence de proposition d'indemnisation par l'assureur du centre hospitalier, en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'ONIAM, substitué à l'établissement hospitalier défaillant, a formulé une offre d'indemnisation à M. A d'un montant de 20 000 euros au titre du préjudice moral subi consécutivement au décès de sa compagne qu'il a acceptée le 15 septembre 2006 ; que M. A relève appel du jugement n° 0704432 en date du 17 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande du 17 août 2007 tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme de 271 909,08 euros en réparation des préjudices d'agrément et économique consécutifs au décès de sa compagne au motif qu'il n'était plus recevable, depuis l'acceptation de l'offre de l'ONIAM, à demander au juge de condamner l'office à compléter les indemnités précédemment allouées ou à indemniser le surplus des demandes qui lui avait été adressé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique : Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un établissement de santé, (...) l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ( ...) une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis (...) ; qu'aux termes de l'article L. 1142-15 du même code : En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre (...), l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur. Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis. ; qu'aux termes de l'article L. 1142-20 du code de la santé publique : La victime, ou ses ayants droit, dispose du droit d'action en justice contre l'office si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. / L'action en indemnisation est intentée devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage. ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2044 du code civil : La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître et de celles de l'article 2049 de ce code : Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifestée leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. ;
Considérant que s'il est constant que M. A a renvoyé à l'ONIAM un document intitulé protocole d'indemnité transactionnelle provisionnelle qu'il a signé le 15 septembre 2006 relatif à l'indemnisation du préjudice moral qu'il a subi du fait de la perte de sa concubine à titre de provision à valoir sur le règlement du dossier , il résulte de l'instruction et notamment des courriers échangés entre son conseil et l'ONIAM au début de l'année 2007, que l'intéressé n'a jamais entendu renoncer à solliciter la réparation de ses préjudices économique et d'agrément, en vue desquels il a saisi le tribunal administratif de Toulon ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux termes équivoques dans lesquels le document que l'ONIAM a soumis à la signature de M. A était rédigé, le litige en tant qu'il concerne les postes de préjudices économique et d'agrément ne peut être regardé comme ayant été réglé par ledit protocole ; que, par conséquent, ce dernier, n'empêchait pas M. A d'en saisir le juge en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-20 du code de la santé publique et ne rendait pas sans objet ses conclusions présentées à l'encontre de l'ONIAM qui n'étaient pas mal dirigées contrairement à ce que soutient ce dernier dès lors que la victime ou ses ayants droit disposent, aux termes des articles L. 1142-14 et L. 1142-20 sus-rappelés du droit d'agir contre ledit office devant le juridiction compétente si aucune offre ne leur a été présentée ou si l'offre qui a été faite n'a pas été acceptée ; que, par suite, le jugement en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur lesdites conclusions est entaché d'irrégularité et doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. A à l'encontre de l'ONIAM relatives à l'indemnisation de ses préjudices économique et d'agrément ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Hyères :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique (...) Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise contradictoire diligentée devant le tribunal administratif de Nice par un expert spécialisé en pneumo-phtisiologie, que Mlle B était porteuse, outre d'une polyarthrite rhumatoïde sévère congénitale traitée par des corticoïdes, d'une pathologie broncho-pulmonaire également traitée ; que si les suites de son accouchement par césarienne ont été simples, il résulte de ce rapport que deux jours après l'accouchement, la patiente a présenté un encombrement bronchique qui s'est aggravé les jours suivants malgré l'administration de corticoïdes et de bronchodilatateurs ; qu'après la réalisation d'une fibroscopie, l'intéressée a été transférée en réanimation le 27 juin 2003 à 15 heures où a été mise en place une antibiothérapie à large spectre associée à une corticothérapie ; que son état de santé s'est aggravé dans la soirée et Mlle B est décédée à 23 heures 30 ; qu'il ressort des conclusions de l'expert que la patiente était fragilisée sur le plan physiologique et clinique par la pathologie dont elle souffrait et par les traitements qu'elle suivait et que les complications respiratoires pouvaient présenter un lien avec sa maladie rhumatismale ; que ce même expert, citant les conclusions du sapiteur qu'il s'était adjoint, a conclu à une appréciation erronée de la part de l'équipe soignante de l'expansion volumique à la survenue de l'arrêt cardio-respiratoire ainsi qu'à une absence de protocole concernant la pratique de l'intubation pratiquée peu avant son décès et de manière tardive ; que, par ailleurs, il résulte des conclusions de l'expertise réalisée devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur, que les moyens diagnostiques mis en oeuvre par l'équipe médicale du centre hospitalier d'Hyères ont été insuffisants et inadaptés à la situation clinique de Mlle B au regard des données de la science à la date des faits et qu'un transfert plus précoce de la patiente immunodéprimée dans un service autre que celui, chirurgical, dans lequel elle a été maintenue, aurait permis d'établir un diagnostic plus sûr, en soulignant toutefois l'absence de certitude qu'une autre stratégie médicale aurait permis d'empêcher la survenue du décès ; qu'ainsi, et sans qu'il soit utile de recourir à une nouvelle expertise, si la mort de Mlle B, dont les causes exactes ne sont pas établies avec certitude, ne peut être directement imputée à une insuffisance de moyens diagnostiques et à la pratique d'une intubation notamment tardive, celles-ci ont été directement à l'origine d'une perte de chance d'éviter ce décès ; que le centre hospitalier d'Hyères ne peut donc soutenir que ces fautes ne sont pas de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; que, dans ces conditions, eu égard à ce qui précède et notamment à l'importance de la fragilité de l'état de santé physiologique et clinique de Mlle B, il y a lieu d'évaluer l'ampleur de cette perte de chance à 30 % ;
Sur les préjudices :
Considérant, en premier lieu, qu'en se bornant à soutenir qu'il a été contraint d'arrêter toute activité aéronautique pour justifier de la somme de 10 000 euros qu'il demande au titre du préjudice d'agrément qu'il subit du fait du décès de sa compagne, M. A n'établit pas l'existence de ce poste de préjudice ; que, dès lors, cette demande doit être écartée ;
Considérant, en second lieu, que M. A demande réparation de son préjudice économique en soutenant, d'une part, avoir été contraint d'abandonner l'activité professionnelle qu'il exerçait pour s'occuper de l'entretien et de l'éducation de son fils pendant les trois premières années qui ont suivies le décès de sa compagne et, d'autre part, que vivant seul avec son enfant, il se trouve désormais dans l'obligation d'exercer un travail de substitution le privant ainsi de toute perspective de recherche d'emploi ; que, cependant, les seuls avis d'impositions des années 2004, 2005 et 2006 versés au dossier ne permettent pas à eux seuls d'établir la réalité du préjudice économique tel qu'invoqué ;
Considérant toutefois, qu'en demandant la somme de 261 909,08 euros en vue de compenser, sur une période de vingt-deux ans, la perte de revenus subie pour l'ensemble du foyer consécutivement au décès de sa compagne, M. A doit être regardé comme sollicitant la réparation du préjudice économique qu'il subit du fait du décès de Mlle B constitué par la perte de revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus avant le dommage ayant entraîné le décès ; qu'il résulte de l'instruction que Mlle B était, à la date des faits, sans emploi ; que la circonstance que l'intéressée était diplômée d'un DEUG en psychologie ne permet pas, à elle seule, d'établir qu'elle avait une chance sérieuse d'entreprendre une activité rémunérée et de percevoir à l'avenir des revenus en l'absence d'éléments au dossier tels une recherche active d'emploi ou le bénéfice d'une offre d'embauche ferme ; qu'il résulte de l'instruction que Mlle B percevait mensuellement une allocation aux adultes handicapés de l'ordre de 600 euros à la date de son décès ; que ni l'allocation pour jeune enfant, ni l'allocation logement ni même l'allocation mensuelle versée par le conseil général du Var, ne sauraient être regardées comme constituant un revenu de son bénéficiaire qui puisse être compris, à son décès, dans les éléments du préjudice économique de ses ayants droit indemnisable ; que, la fraction des revenus de la victime consacrée à l'entretien du conjoint survivant peut être estimée à 35 % ; que, dès lors, le préjudice économique subi par M. A du fait du décès de sa compagne sera justement évalué, en tenant compte de la réévaluation du montant de l'allocation des adultes handicapés sur une période de vingt-deux années ainsi qu'il le demande et de la fraction de 30 % correspond à l'ampleur de la chance perdue, à la somme de 22 000 euros ; qu'il s'ensuit, que la somme de 22 000 euros doit être mise à la charge de l'ONIAM substitué au centre hospitalier d'Hyères ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux le versement à M. A de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante, le versement à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier d'Hyères au titre des dispositions de cet article ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1 du jugement n° 0704432 en date du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : L'ONIAM versera à M. A la somme de 22 000 euros en complément de la somme de 20 000 euros déjà allouée au titre du protocole d'accord provisionnel.
Article 3 : L'ONIAM versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et des conclusions d'appel de M. A, les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et celles présentées par le centre hospitalier d'Hyères sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Stéphane A, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), au centre hospitalier d'Hyères et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
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N° 10MA00625