Vu la requête enregistrée le 25 février 2010, présentée pour la SOCIETE LYON PARC AUTO dont le siège est 2 place des Cordeliers, boite postale 2105 à Lyon cedex 02 (69226) ;
La SOCIETE LYON PARC AUTO demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704559 du 8 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 180 865 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2007 en indemnisation des dommages matériels et de la perte d'exploitation qu'elle a subis en tant qu'exploitant du parking Saint-Antoine à la suite des opérations de déséchouage du bateau Saôna ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 180 865 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2007 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE LYON PARC AUTO soutient que l'Etat est responsable des désordres résultant de l'opération de secours sur la Saône, cours d'eau domanial, en sa qualité de gestionnaire du domaine public fluvial ; que cette compétence recouvre la conservation de la dépendance et les opérations de protection afin de maintenir un usage conforme à sa destination ; que telle est la finalité du déséchouage du Saôna qui devait permettre d'enlever un obstacle à la navigation fluviale en période de crue ; qu'à supposer que cette opération soit qualifiée d'opération de secours, l'Etat devrait également en répondre, en vertu de l'article 17 de la loi du 13 août 2004 qui place sous la responsabilité du préfet l'organisation des secours qui excèdent les capacités des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ; qu'il ressort de l'expertise que le Sdis du Rhône ne disposait pas des compétences pour réaliser l'intervention ; que le service navigation Rhône-Saône, service de l'Etat, s'est effectivement substitué aux collectivités territoriales et a mobilisé les services de Voies Navigables de France ; que si cette intervention ne relevait pas de l'article 17 de la loi du 13 août 2004, l'Etat engagerait sa responsabilité, en vertu de l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales, pour s'être substitué de fait à l'autorité de police municipale ; que l'instruction révèle les nombreuses fautes des services de l'Etat qui ont fait appel à des agents inexpérimentés, ont utilisé une embarcation inadaptée à l'accident et un matériel mal entretenu ; que les chefs de préjudice et leur montant sont établis par l'instruction et ne sont pas contestés par l'Etat ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 15 juillet 2010 par lequel le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer conclut au rejet de la requête ;
Le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer soutient que l'intervention du service navigation Rhône-Saône ne relevait pas de la police de la conservation du domaine public fluvial, compétence assumée par Voies Navigables de France ; que le service navigation n'assume que les missions de police de la navigation, de l'eau et de la pêche ; qu'il ne dispose d'aucune compétence en matière de secours d'urgence ; que l'échouage du bateau contre une pile de pont en période de crue de la Saône représentait un risque pour la sécurité publique au sens de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; qu'à ce titre, les pouvoirs de police relèvent du maire, y compris sur le domaine public fluvial, et ne pouvaient relever du préfet que si la mesure avait dépassé les limites du territoire communal ; qu'au cas d'espèce, l'Etat ne s'est pas substitué au maire, l'opération ayant été conduite par le Sdis, placé sous l'autorité du maire en vertu de l'article L. 1424-3 du code général des collectivités territoriales ; que le service navigation est intervenu à la demande et sous la direction du Sdis pour effectuer l'opération ; que la seconde expertise de M. Saunier ne s'étant pas déroulée au contradictoire de l'Etat, ses conclusions ne lui sont pas opposables ; qu'aucune faute n'est imputable aux services de l'Etat ; que la configuration des berges rendait impossible l'emploi de moyens terrestres ; que dans la première expertise, l'expert n'a pas tenu compte des éléments techniques établissant que le bâtiment utilisé pour les secours était adapté et disposait d'une puissance suffisante ; que l'instruction n'a révélé aucun défaut du câble de remorquage ; que sa rupture est due aux manoeuvres du bateau remorqué ; que les agents disposaient de la capacité pour effectuer l'opération de secours ; que les dommages subis par la société requérante sont imputables aux fautes du pilote du Saôna ; que son échouage est la conséquence d'un changement de gouverne mal réalisé non agréé par l'autorité ayant délivré le certificat de navigation ; que le pilote n'a pas informé les services de secours des causes véritables de la défaillance de sa gouverne, les induisant en erreur sur la manoeuvrabilité du bateau ; que la rupture du câble a été provoquée par sa brusque remise en tension, elle-même provoquée par la remise en marche du moteur du Saôna en violation du protocole de secours ;
Vu le mémoire enregistré le 20 juin 2011 par lequel la SOCIETE LYON PARC AUTO conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2011 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;
- les observations de Me Nguyen, représentant la SOCIETE LYON PARC AUTO ;
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Nguyen ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'alors qu'elle traversait Lyon le 29 octobre 2004 sur la Saône en crue, la péniche Saôna , chargée de 1 350 tonnes de marchandises, a subi une avarie de gouvernail et a dérivé jusqu'à venir s'appuyer sur la pile droite du pont Maréchal Juin ; que, lors de la manoeuvre de secours effectuée à l'aide du pousseur Le Rhodanien, le câble de remorquage s'est rompu ; que la Saôna , emportée par le courant, est allée heurter le mur du parking Saint-Antoine, situé rive gauche de la Saône ; que la SOCIÉTÉ LYON PARC AUTO, exploitante du parking endommagé, relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis du fait de cet accident ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ; qu'aux termes de l'article L. 1424-3 du même code : Les services d'incendie et de secours sont placés pour emploi sous l'autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2211-1 du même code : Le maire concourt par son pouvoir de police à l'exercice des missions de sécurité publique, sauf application des dispositions des articles 17 à 22 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ; qu'aux termes du 5° de l'article L. 2212-2 du même code qui, en vertu de l'article L. 2214-4, demeure applicable sur le territoire des communes dont la police est étatisée, la police municipale comprend : Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; qu'aux termes de l'article L. 2215-1 du même code : La police municipale est assurée par le maire, toutefois : (...) 3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune (...) ; qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile susvisée, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits : I. - La direction des opérations de secours relève de l'autorité de police compétente en application des dispositions des articles L. 2211-1, L. 2212-2 et L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, sauf application des dispositions prévues par les articles 17 à 22 de la présente loi (...) ; qu'il résulte des articles 17 à 22 du même texte que le représentant de l'Etat dirige les secours en cas d'accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d'une commune ou d'un département, affecter plusieurs départements relevant de zones de défense distinctes, s'être déroulé en mer ou avoir une ampleur nationale ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la loi du 22 juillet 1983 susvisée dans sa version en vigueur au jour de l'accident : L'Etat est responsable (...) pour tous les cours d'eau (...) domaniaux de la police de la conservation du domaine public fluvial, de la police de la navigation et de la police des eaux et des règles de sécurité (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que le soin de remédier aux risques que fait peser sur la sécurité publique l'échouage d'une péniche contre la pile d'un pont routier ouvert à la circulation relève des pouvoirs de police générale du maire de la commune, alors même que la police y est étatisée et sans égard au statut du cours d'eau sur lequel s'est produit l'accident ; que l'opération ne peut relever des pouvoirs de police générale du préfet intervenant au nom de l'Etat que si les conséquences de l'accident excèdent les limites du territoire communal ; que pour accomplir ses missions de secours aux personnes et aux biens, le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) est placé sous l'autorité du maire ; que, d'autre part, l'Etat n'est investi sur les cours d'eau domaniaux que de la compétence d'édicter les règles de sécurité et de conservation des dépendances du domaine public fluvial, et d'en contrôler le respect ; qu'en revanche, ses représentants ne détiennent aucun pouvoir de police spéciale les habilitant à organiser les secours en cas d'accidents de la navigation ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'échouage de la péniche Saôna ait excédé les limites du territoire de la ville de Lyon où est survenu l'accident ; que l'organisation des secours relevait, en conséquence, des pouvoirs de police générale du maire de Lyon ; que si le Sdis du Rhône, placé sous l'autorité du maire, a fait le choix de s'adjoindre le concours du service de la navigation Rhône-Saône, cette circonstance n'a pas eu pour effet de transférer aux préposés de ce service de l'Etat, la responsabilité de l'opération ni de placer sous l'autorité du représentant de l'Etat le déroulement des opérations ;
Considérant, toutefois, qu'en cause d'appel la SOCIETE LYON PARC AUTO se prévaut des fautes imputables aux agents du service de la navigation Rhône-Saône commises à l'occasion d'une opération de police municipale ; qu'aux termes de l'article L. 2216-1 du code général des collectivités territoriales : La commune voit sa responsabilité supprimée ou atténuée lorsqu'une autorité relevant de l'Etat s'est substituée, dans des hypothèses ou selon des modalités non prévues par la loi, au maire pour mettre en oeuvre des mesures de police ; qu'aux termes de l'article L. 2216-2 du même code : Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2216-1, les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. / La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. S'il n'en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage ;
Considérant que la dérive de la Saôna sur les parements du parking Saint-Antoine résulte, d'une part, de la rupture du câble de tractage, d'autre part, de la perte de contrôle de la péniche libérée de son amarre ; qu'il ne ressort pas de l'instruction, notamment des déclarations des témoins de l'accident consignées au rapport d'expertise, que la rupture du câble survenue après le déséchouage de la Saôna et pendant son remorquage vers le chenal de navigation, ait été imputable aux agents du service navigation, alors que ni la conception ni l'exécution des opérations n'ont révélé de manquements aux règles de sécurité ou l'emploi de matériels inadéquats ou mal entretenus ; qu'enfin la perte de contrôle du bateau, à l'origine de son pivotement dans le sens du courant, a été provoquée par l'avarie définitive de la gouverne due à l'absence de remontage de la crapaudine après une opération de maintenance dont la réalisation défectueuse n'avait pas été portée à la connaissance des services de secours ;
Considérant que les dommages qu'elle a subis ne résultant pas, même partiellement, d'une faute du service de la navigation Rhône-Saône, service de l'Etat ayant prêté son concours à l'opération de secours réalisée dans le cadre des compétences de police générale du maire de Lyon, la SOCIETE LYON PARC AUTO n'est pas fondée à demander à être indemnisée par l'Etat ; que sa requête doit, dès lors, être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE LYON PARC AUTO doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE LYON PARC AUTO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LYON PARC AUTO et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2011 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Arbarétaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2011.
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N° 10LY00446
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