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20/11/2012 | FRANCE | N°10-25081

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 novembre 2012, 10-25081


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) dénommé le GAEC de Loumpre (le GAEC), a été constitué entre M. Marc X... et son frère Hervé X... ; que ce dernier, souhaitant se retirer du GAEC, a cédé à son frère ses parts sociales, ainsi que deux parcelles de terre ; qu'après que cette cession eut été déclarée parfaite par arrêt du 9 mars 2004, M. Hervé X... a, par acte du 21 mars 2007, fait assigner M. Marc X... et le GAEC afin, notamment, que soit const

atée, à cette date, la dissolution de ce dernier pour extinction de son ob...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) dénommé le GAEC de Loumpre (le GAEC), a été constitué entre M. Marc X... et son frère Hervé X... ; que ce dernier, souhaitant se retirer du GAEC, a cédé à son frère ses parts sociales, ainsi que deux parcelles de terre ; qu'après que cette cession eut été déclarée parfaite par arrêt du 9 mars 2004, M. Hervé X... a, par acte du 21 mars 2007, fait assigner M. Marc X... et le GAEC afin, notamment, que soit constatée, à cette date, la dissolution de ce dernier pour extinction de son objet et qu'il soit procédé à sa liquidation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1844-7, 2° du code civil, ensemble les articles L. 323-1 et L. 323-4 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir énoncé que le travail en commun ne constitue pas un moyen de mise en oeuvre de l'objet social, ou un objet déterminant l'obtention du statut particulier octroyé par décision administrative, mais bien, du fait des dispositions de la loi, l'objet social du GAEC et que, dès lors, la disparition du travail en commun entraîne la disparition de l'objet social et, partant, la dissolution de la société, relève qu'à tout le moins à compter de l'arrêt du 9 mars 2004, M. Marc X... était devenu le seul associé du GAEC ; qu'il en déduit que l'objet social de travail en commun avait disparu et que la dissolution de la société ne peut, dès lors, qu'être constatée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le GAEC avait pour objet l'exploitation des biens agricoles apportés ou mis à sa disposition par les associés, achetés ou pris à bail par lui, et généralement toutes activités se rattachant à cet objet pourvu qu'elles ne modifient pas le caractère civil du groupement et soient conformes aux textes régissant les GAEC, ce dont il résultait que la perte de sa qualité d'associé par M. Hervé X... ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que l'activité constituant l'objet du GAEC fût réalisée par le travail en commun de plusieurs associés, de sorte qu'elle n'avait pas pour conséquence l'extinction de cet objet et n'impliquait donc pas la dissolution de la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 1844-7, 2° du code civil, ensemble les articles L. 323-1, L. 323-3 et L. 323-12 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore
que la reconnaissance du GAEC par le comité départemental ou régional
est l'une des deux conditions posées par l'article L. 323-11 du code rural à l'attribution et au maintien de la personnalité morale de la société civile qui entend bénéficier de l'application des dispositions du chapitre du code rural relatif au GAEC mais ne suffit pas, l'autre condition étant le respect des dispositions de ce même chapitre ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'inobservation des dispositions auxquelles est subordonnée la reconnaissance d'une société civile comme constituant effectivement un GAEC, telle celle relative à la réalisation d'un travail en commun, n'est pas par elle-même une cause de dissolution de cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente par M. Hervé X... à M. Marc X... des deux parcelles sises à Laméac, cadastrées section B n° 217 pour une contenance de 50 a 70 ca et n° 183, pour une contenance de 49 a 95 ca, l'arrêt rendu entre les parties, le 30 juin 2010, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau, autrement composée ;

Condamne M. Hervé X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour M. X... et la société De Loumpre

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, constaté la dissolution du Groupement agricole d'exploitation en commun du LOUMPRE et dit qu'il sera procédé à sa liquidation, M. Y...étant désigné en qualité de liquidateur afin de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage,

AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article 1834 du code civil demeurent applicables à toutes les sociétés civiles, sauf lorsqu'elles ne sont pas compatibles avec les dispositions particulières des lois spéciales, relatives à leur forme et à leur objet ; que selon l'article L. 323-3 du Code rural, l'objet des GAEC est de permettre la réalisation d'un travail en commun dans les conditions comparables à celles existant dans des exploitations de caractère familial, en application des dispositions prévues à l'article L. 312-6 ; que cet objet de travail en commun est d'ailleurs rappelé dans les statuts du GAEC du LOUMPRE ; que la reconnaissance du GAEC par le Comité départemental est une des deux conditions posées par l'article L. 323-11 du code rural, à l'attribution et au maintien de la personnalité morale de la société civile qui entend bénéficier de l'application des dispositions du chapitre du code rural relatif au GAEC, mais ne suffit pas, l'autre condition étant le respect des dispositions de ce même chapitre ; que le délai que peut accorder ce Comité en application de l'article L. 323-12 du code rural, est prévu en cas de modification et non de disparition de l'objet ; que le travail en commun ne constitue donc pas un moyen de mise en oeuvre de l'objet social, ou un objet déterminant l'obtention du statut particulier octroyé par décision administrative, mais bien du fait des dispositions de la loi, l'objet social du GAEC ; par application des dispositions de l'article 1844-7 du Code civil, la société prend fin par la réalisation ou l'extinction de son objet ; que dès lors la disparition du travail en commun entraîne bien la disparition de l'objet social, et partant la dissolution de la société ; que M. Marc X... ne pouvait, à compter de l'arrêt de la Cour d'appel de PAU en date du 9 mars 2004, prétendre ignorer la réunion entre ses seules mains de l'intégralité des parts sociales du GAEC de LOUMPRE ; que M. Marc X... étant devenu de ce fait le seul associé du GAEC et le seul à travailler, l'objet social en commun disparaissait ; qu'il importe peu que la disparition de l'objet social soit liée au retrait unilatéral d'Hervé X..., ce qui n'est au demeurant pas le cas, puisque le retrait résulte d'un accord commun des associés, et a été précédé d'une dispense de travail ; que les dispositions de l'article 1844-5 du Code civil prévoyant que la réunion de parts sociales en une seule main ne peut entraîner à elle seule la dissolution de la société, sont sans intérêt en l'espèce puisque ce n'est pas elle qui cause la dissolution de la société, mais la disparition de l'objet social ; que la dissolution de la société ne peut dès lors qu'être constatée par application de l'article 1844-8-2° du code civil, aucune possibilité n'étant prévue dans ce cas, et la transformation du GAEC en EARL étant sans effet ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les GAEC ont pour objet de permettre la réalisation d'un travail en commun dans des conditions comparables à celles existant dans les exploitations de caractère familial et en application des dispositions prévues à l'article L. 311-1 ; que la volonté de l'un ou plusieurs des associés de n'être plus dans la société ne met pas fin au groupement ; qu'en l'espèce, le groupement d'exploitation en commun de LOUMPRE, régulièrement agréé, avait pour objet l'exploitation agricole de biens apportés ou pris à bail par lui, et généralement toutes activités se rattachant à cet objet, pourvu qu'elles ne modifient pas le caractère civil du groupement et soient conformes aux textes régissant les GAEC ; que dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la disparition du travail en commun entraînait bien la disparition de l'objet social et partant la dissolution de la société, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1844-7 du code civil et L. 311-1, L. 323-3 et L. 323-4 du Code rural et de la pêche maritime ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la réunion des parts sociales en une seule main ne peut entraîner la dissolution de plein droit de la société ; que dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que ces dispositions visées à l'article 1844-5 du code civil, auxquelles renvoie l'article L. 323-1 du code rural étaient inapplicables en l'espèce, la Cour d'appel a procédé d'une violation de ces textes ;

ALORS, EN OUTRE, QUE les sociétés qui, par suite d'une modification de leur objet, de leurs statuts ou du fait des conditions de leur fonctionnement, ne peuvent être regardées comme des groupements agricoles d'exploitation en commun, encourent le retrait de la reconnaissance qu'elles ont obtenue ; que cependant le comité départemental d'agrément peut pour une durée maximale d'un an renouvelable, maintenir l'agrément selon les conditions qu'il détermine au vu du dossier ; qu'ainsi la sanction encourue pour défaut d'exploitation en commun est non pas la dissolution, mais le retrait d'agrément ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1844-7-2° du code civil et L. 323-12 du code rural et de la pêche maritime ;

ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse, si tout associé peut demander la dissolution de la société conformément à l'article 1844-7 du code civil lorsque les conditions sont remplies, ou si la situation de la société résultant de la réunion de toutes les parts sociales dans une seule main n'a pas été régularisée dans le délai d'un an, cette opération n'a pas lieu de plein droit et ne peut être constatée par le juge, mais doit être ordonnée par ce dernier en tenant compte des causes prévues par la loi ou les statuts ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1844-5, 1844-7 du code civil et L. 323-4 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-25081
Date de la décision : 20/11/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE CIVILE - Société agricole - Groupement agricole d'exploitation en commun - Dissolution - Causes - Extinction de l'objet social - Cas - Exclusion - Inobservation des conditions de reconnaissance de la société civile en qualité de GAEC

L'inobservation des dispositions auxquelles est subordonnée la reconnaissance d'une société civile comme constituant effectivement un GAEC, telle celle relative à la réalisation d'un travail en commun, n'est pas par elle-même une cause de dissolution de cette société


Références :

Sur le numéro 1 : article 1844-7 2° du code civil

articles L. 323-1 et L. 323-4 du code rural et de la pêche maritime
Sur le numéro 2 : article 1844-7 2° du code civil

articles L. 323-1, L. 323-3 et L. 323-12 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 30 juin 2010

Sur le n° 1 : Sur la nécessité de considérer l'objet statutaire social et non pas l'objet réel ou effectif, dans le même sens que :Com., 7 octobre 2008, pourvoi n° 07-18635, Bull. 2008, IV, n° 168 (cassation) ;Com., 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-15267, Bull. 2009, IV, n° 112 (cassation) ;Com., 20 novembre 2012, pourvoi n° 11-27835, Bull. 2012, IV, n° 210 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 nov. 2012, pourvoi n°10-25081, Bull. civ. 2012, IV, n° 211
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 211

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.25081
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