LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., et la société Lanner France dont M. X... était le gérant, ont constitué le 23 avril 2005 la société à responsabilité limitée Novaxess technology (la société) ; que MM. X... et Y... ont été désignés cogérants de la société ; qu'une assemblée générale réunie le 31 juillet 2008 a décidé de mettre fin aux fonctions de gérant de M. Y... ; que, lors de l'assemblée générale du 30 décembre 2008, M. X... et la société Lanner France, détenteurs ensemble de 51 % des parts, ont adopté une résolution unique portant sur la rémunération du gérant, calculée à compter de l'exercice 2008 à hauteur de 50 % de l'excédent brut d'exploitation de la société ; que M. Y..., invoquant des faits constitutifs d'abus de majorité, a demandé que cette délibération soit annulée et que M. X... soit condamné à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 223-19 et L. 223-20 du code de commerce ;
Attendu que pour juger abusive la délibération indexant la rémunération du gérant sur l'excédent brut d'exploitation, l'arrêt retient, par motif adopté, que cette délibération a été votée par le seul porteur de parts y ayant un intérêt personnel ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la détermination de la rémunération du gérant d'une société à responsabilité limitée par l'assemblée des associés ne procède pas d'une convention, ce dont il résulte que le gérant associé, fût-il majoritaire, peut prendre part au vote, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour dire que la délibération indexant la rémunération du gérant sur l'excédent brut d'exploitation est constitutive d'un abus de majorité, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que cette rémunération comporte, par définition, dans son contenu des éléments destinés à la préservation du patrimoine social tels qu'amortissements et provisions ; qu'il retient encore que ce mode de calcul, permettant au gérant de prélever la moitié de l'excédent brut d'exploitation, provoque une rupture dans l'égalité des droits des porteurs de parts au regard de la répartition des bénéfices ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi la délibération ayant arrêté la rémunération litigieuse, considérée en elle-même, avait été prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à la société Novaxess technology, à M. X... et à la société Lanner France la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Novaxess technology, M. X... et la société Lanner France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé abusive la délibération de l'assemblée générale du 30 décembre 2008 et, en conséquence, de l'AVOIR annulée et d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'abus de majorité ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 16 des statuts relatif à la gérance, prévoit que les gérants peuvent recevoir une rémunération qui est fixée et peut être modifiée par une décision ordinaire des associés ; que la résolution unique de l'assemblée générale ordinaire du 30.12.2008, objet du litige, a modifié le mode de rémunération du gérant en prévoyant ceci : « l'AG décide de modifier la rémunération du gérant et de la calculer en fonction des résultats dégagés par la société. En conséquence et au titre de l'exercice 2008 et des exercices futurs jusqu'à décision contraire, Monsieur Stéphane X... percevra une rémunération annuelle brute à hauteur de 50 % de l'excédent brut d'exploitation de la société. Par ailleurs il prendra en charge le règlement de ses cotisations sociales. En outre, il pourra prétendra sur présentation des justificatifs au remboursement des frais engagés pour l'accomplissement de son mandat » (…) ; que l'abus de majorité, sanctionné en droit, est caractérisé par l'adoption d'une délibération prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la société au détriment de la minorité ; qu'en l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont annulé la délibération contestée en soulignant que la rémunération, dorénavant basée sur l'excédent brut d'exploitation qui comporte des sommes entrant dans le calcul du bénéfice distribuable, comportait par définition, dans son contenu des éléments destinés à la préservation du patrimoine social tels qu'amortissement et provisions ; qu'ils ont considéré que ce calcul portait atteinte à l'égalité des porteurs de parts face à la répartition du bénéfice distribuable et de ce fait n'était pas conforme à l'intérêt social ; qu'en effet les pouvoirs de l'assemblée générale ne peuvent avoir pour effet de détruire au profit de certains associés l'économie du pacte social qui implique la préservation tant du patrimoine social que de l'équilibre entre le principe de vote majoritaire et la nécessaire protection des droits des associés minoritaires ; que la délibération litigieuse porte manifestement atteinte ; à ces deux principes essentiels en permettant à Monsieur X... de prélever la moitié de l'EBE au risque de nuire à la préservation du patrimoine et en provoquant une rupture dans l'égalité des droits des porteurs de parts au niveau de la répartition des bénéfices, et par répercussion au niveau de l'évaluation et des modalités de cessions des parts sociales ; que l'abus de majorité a été justement sanctionné par l'annulation de la délibération abusive et par la condamnation de Monsieur X... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné à Monsieur Y... ; qu'il convient simplement de porter de 5.000 euros à 10.000 euros le montant de la somme allouée pour assurer une plus juste indemnisation du dommage important causé à Monsieur Y... par la faute de Monsieur X... ; qu'en provoquant une délibération abusive et précipitée lors de l'assemblée générale du 30.12.2008 alors que les comptes de l'exercice 2008 n'étaient pas arrêtés et que la situation comptable sollicitée par Monsieur Y... ne lui avait pas été communiquée, Monsieur X... a contribué à la perte de chance subie par Monsieur Y... de négocier favorablement la cession de parts sociales au moment où un acquéreur était intéressé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'assemblée générale du 30 décembre 2008 a été régulièrement convoquée ; que la délibération en cause a été adoptée par le seul porteur de parts y ayant un intérêt personnel ; que cette rémunération serait dorénavant basée sur l'excédent brut d'exploitation qui comporte des sommes entrant dans le calcul du bénéfice distribuable tel que défini à l'article L. 232-11 du Code de commerce ; que cet excédent comporte par définition, dans son contenu, des éléments destinés par nature à la préservation du patrimoine social que sont les amortissements et provisions ; que le calcul en cause porte attente à l'égalité des porteurs de parts face à la répartition du bénéfice distribuable au sens de l'article L. 232-11 du Code de commerce et de ce fait il n'est pas conforme à l'intérêt commun visé à l'article 1833 du Code civil ; que pour ce motif, la délibération en date du 30 décembre 2008 sera annulée ;
1° ALORS QUE le gérant majoritaire peut prendre part au vote sur sa rémunération ; qu'en jugeant abusive la délibération indexant la rémunération du gérant sur l'excédent brut d'exploitation parce qu'elle avait été adoptée par le seul porteur de parts y ayant un intérêt personnel, quand l'abus ne peut être déduit de la seule participation du gérant majoritaire au vote de la délibération portant sur sa rémunération, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles L. 223-19 et L. 223-20 du Code de commerce ;
2° ALORS QUE seule est abusive la décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser la majorité au détriment de la minorité ; qu'en se contentant, pour juger abusive la délibération indexant la rémunération du gérant sur l'excédent brut d'exploitation, de relever que cet indicateur comportait des éléments destinés à la préservation du patrimoine social tels qu'amortissements et provisions, sans caractériser l'atteinte que ce mode de rémunération pourrait porter à la survie de la société NOVAXESS et à la répartition des bénéfices entre Monsieur X..., la société LANNER et Monsieur Y... en fonction de leurs parts, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3° ALORS QUE seule est abusive la décision prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser la majorité au détriment de la minorité ; qu'en jugeant abusive la délibération indexant la rémunération du gérant sur l'excédent brut d'exploitation au seul motif que ce mode de calcul, permettait au gérant de prélever la moitié des bénéfices au risque de porter atteinte à la préservation du patrimoine et à l'égalité des droits des porteurs de parts au niveau de la répartition des bénéfices, sans rechercher si cette rémunération ne constituait pas la rétribution justifiée du travail du gérant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.