LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que dans le courant du mois d'octobre 2006, M. X... et Mme Y..., avocats, ont fondé l'association Il palazzo italiano ayant pour objet de réunir les avocats d'origine italienne ou amoureux de l'Italie, ainsi que leurs proches, association dont celui-là est devenu le président et le trésorier et celle-ci le secrétaire général ; qu'à l'occasion d'une réunion du conseil d'administration qui s'est tenue le 21 décembre suivant, M. X... a été révoqué de ses fonctions pour être remplacé par Mme Y... ; que les deux intéressés ont, dans ces conditions, saisi le bâtonnier de leur différend ; que par lettre du 13 février 2007, le membre du conseil de l'ordre chargé de la communication, de la publicité et du démarchage a invité la partie la plus diligente à faire le nécessaire pour que l'association soit dissoute à défaut d'autres solutions propres à remédier aux dissensions opposant les sociétaires ; que M. X... a, alors, fait délivrer à Mme Y... une citation directe pour dénonciation calomnieuse à laquelle était jointe une copie de la lettre des autorités ordinales ; qu'avisé de la situation par Mme Y..., le bâtonnier a vainement sommé M. X... de retirer la citation délivrée en méconnaissance, selon le représentant de l'ordre, du caractère confidentiel de la correspondance ainsi divulguée, avant d'engager des poursuites disciplinaires à son encontre, lui reprochant d'avoir violé le secret professionnel et d'avoir refusé de comparaître devant la commission de déontologie ;
Attendu que le bâtonnier reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2010) d'avoir renvoyé M. X... des fins de la poursuite disciplinaire, alors, selon le moyen :
1°/ que revêt un caractère confidentiel le courrier adressé à un avocat par une autorité compétente de son ordre ; que ce n'est qu'en leur qualité d'avocats que, dans le cadre d'un conflit les opposant, des colitigants peuvent solliciter des avis déontologiques de l'ordre des avocats, de sorte qu'est couvert par la confidentialité le courrier qui leur est adressé dans ce cadre par l'autorité compétente ; qu'en estimant toutefois pour dénier tout caractère confidentiel au courrier d'un délégué du bâtonnier, que le conflit opposant M. X... à Mme Y... concernait deux membres d'une association et non deux avocats ès qualités car l'association "Il palazzo italiano" ne comprenait parmi ses membres pas exclusivement des avocats, la cour d'appel a violé les articles 3.1 et P.3.0.1 du règlement intérieur du barreau de Paris ;
2°/ que la convocation devant la commission de déontologie, en dehors de toute poursuite disciplinaire, n'est soumise à aucune règle de forme ; que manque ainsi à ses devoirs de confraternité, de délicatesse et de courtoisie, l'avocat qui, quoiqu'informé de cette convocation, ne se présente pas en séance ni ne sollicite un report pour un juste motif ; qu'en estimant que M. X... ne pouvait se voir reprocher son absence à la séance tenue par la commission de déontologie car il n'aurait pas reçu sa convocation, tout en constatant que deux télécopies avaient bien été adressées à son cabinet et qu'il en avait bien eu connaissance, au moins indirectement pour avoir réagi le 3 février 2009, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1.3 du règlement intérieur du barreau de Paris ;
Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ; que le règlement intérieur d'un barreau ne peut, sans méconnaître ces dispositions législatives, étendre aux correspondances échangées entre l'avocat et les autorités ordinales le principe de confidentialité institué par le législateur pour les seules correspondances échangées entre avocats ou entre l'avocat et son client ; que par ce motif de pur droit, substitué à celui critiqué par la première branche du moyen dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié en ce qu'il écarte toute violation du secret professionnel ; qu'ensuite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le juge du fond a estimé que la preuve du second manquement n'était pas rapportée, en présence d'un doute sur le bon acheminement de la lettre de convocation devant la commission de déontologie ; qu'aucun des griefs ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR relaxé Monsieur X... des fins de la poursuite diligentée par Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris ès qualité d'autorité de poursuite pour manquement aux principes essentiels de la profession d'avocat ;
AUX MOTIFS QUE M. X... soutient, à juste titre, que la lettre du 13 février 2007 ne présente aucun caractère confidentiel ; qu'en effet, l'association IL PALAZZO ITALIANO ne comprend pas, parmi ses membres, uniquement des avocats mais aussi leurs conjoints, mariés ou pacsés (article V, 6ème alinéa) ; qu'aucune mention relative à la confidentialité n'était d'ailleurs portée sur cette lettre adressée à deux prétendants présidents d'une association et non pas à deux avocats es qualités ; que les deux activités ne peuvent, en l'espèce, se confondre ; qu'enfin, s'agissant du refus de M. X... de se présenter devant la commission restreinte le 5 février 2009, que force est de constater que l'autorité de poursuite ne justifie pas de la réception de la convocation datée du 30 janvier 2009, malgré son envoi en télécopie le même jour, à deux reprises et à une minute d'intervalle ; qu'il s'ensuit que M. X... peut affirmer sans être démenti, qu'il n'a pas reçu de convocation, quand bien même en a-t-il eu indirectement connaissance puisqu'il a réagi 3 février 2009 ; qu'il ne peut en tout cas lui être reproché de ne pas s'être présenté devant la commission restreinte le 5 février 2009 ; que les manquements reprochés à M. X... ne sont pas établis ; que l'arrêté déféré sera donc infirmé et M. X... relaxé des fins de la poursuite ;
ALORS D'UNE PART QUE revêt un caractère confidentiel le courrier adressé à un avocat par une autorité compétente de son ordre ; que ce n'est qu'en leur qualité d'avocats que, dans le cadre d'un conflit les opposant, des colitigants peuvent solliciter des avis déontologiques de l'Ordre des avocats, de sorte qu'est couvert par la confidentialité le courrier qui leur est adressé dans ce cadre par l'autorité compétente ; qu'en estimant toutefois pour dénier tout caractère confidentiel au courrier d'un délégué du Bâtonnier, que le conflit opposant Monsieur X... à Madame Y... concernait deux membres d'une association et non deux avocats ès qualités car l'association « Il palazzo italiano » ne comprenait parmi ses membres pas exclusivement des avocats, la Cour d'appel a violé les articles 3.1 et P.3.0.1 du règlement intérieur du Barreau de Paris ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la convocation devant la commission de déontologie, en dehors de toute poursuite disciplinaire, n'est soumise à aucune règle de forme ; que manque ainsi à ses devoirs de confraternité, de délicatesse et de courtoisie, l'avocat qui, quoiqu'informé de cette convocation, ne se présente pas en séance ni ne sollicite un report pour un juste motif ; qu'en estimant que Monsieur X... ne pouvait se voir reprocher son absence à la séance tenue par la Commission de déontologie car il n'aurait pas reçu sa convocation, tout en constatant que deux télécopies avaient bien été adressées à son cabinet et qu'il en avait bien eu connaissance, au moins indirectement pour avoir réagi le 3 février 2009, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1.3 du règlement intérieur du barreau de Paris.