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16/06/2011 | FRANCE | N°10-18925

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 juin 2011, 10-18925


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 mars 2010), que les époux X... prétendant que leur fonds était enclavé, ont assigné M. Y... en reconnaissance d'un droit de passage sur son terrain ; qu'ayant été déboutés de leur demande par un arrêt du 25 mai 2004, devenu irrévocable, ils ont de nouveau assigné M. Y... aux fins de voir juger que leur parcelle bénéficiait d'une servitude par destination du père de famille sur le fonds de M. Y... et de voir condamner ce dernier au

paiement de dommages-intérêts en se prévalant d'un acte notarié du 16 d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 mars 2010), que les époux X... prétendant que leur fonds était enclavé, ont assigné M. Y... en reconnaissance d'un droit de passage sur son terrain ; qu'ayant été déboutés de leur demande par un arrêt du 25 mai 2004, devenu irrévocable, ils ont de nouveau assigné M. Y... aux fins de voir juger que leur parcelle bénéficiait d'une servitude par destination du père de famille sur le fonds de M. Y... et de voir condamner ce dernier au paiement de dommages-intérêts en se prévalant d'un acte notarié du 16 décembre 1895 découvert postérieurement à la première instance établissant, au profit de leurs auteurs, une servitude de passage sur le fonds de leur voisin ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de déclarer les demandes irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut notamment que la chose demandée soit la même ; que par ailleurs, la servitude de passage légale et la servitude par destination du père de famille constituent deux droits subjectifs distincts obéissant à deux régimes juridiques différents ; qu'en déclarant que la demande des consorts X... tendant à voir juger que leur parcelle bénéficiait d'une servitude par destination du père de famille se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 25 mai 2004 relatif à une servitude de passage légale résultant de l'état d'enclave des deux fonds litigieux en ce que les deux demandes avaient le même objet, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ que, subsidiairement, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a donné lieu au jugement ; que tel est notamment le cas lorsque la demande formée lors de la seconde instance s'appuie sur des éléments de fait, dont la date est antérieure à la première instance mais qui n'ont été révélés que postérieurement à elle ; que les consorts X... soutenaient qu'un acte de partage datant de 1895 mentionnant une servitude conventionnelle par destination du père de famille grevant une parcelle contiguë à leur fonds avait été porté à leur connaissance après que soit rendu un arrêt du 25 mai 2004 tranchant un litige relatif à une servitude de passage légale grevant ladite parcelle ; que pour juger que la demande des époux X... se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt du 25 mai 2004, la cour d'appel a énoncé que « leur argumentation juridique ne découle pas de la révélation d'un fait nouveau mais de la lecture d'un acte datant du 16 décembre 1895 » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu qu'il incombe au demandeur de présenter dans l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ;
Qu'ayant constaté que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, opposant les mêmes parties, tendait à la reconnaissance d'un droit de passage grevant et profitant aux mêmes parcelles sur un fondement juridique différent, la cour d'appel, qui a relevé que les époux X... se bornaient à développer des moyens nouveaux qu'il leur appartenait d'invoquer lors de la précédente instance et développaient une argumentation ne découlant pas de la révélation d'un fait nouveau mais de la lecture d'un acte datant du 16 décembre 1895, en a exactement déduit que leurs demandes se heurtaient à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 25 mai 2004 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux conseils pour les époux X...,
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par les consorts X... tendant à voir juger que la parcelle de Monsieur
Y...
était grevée d'une servitude par destination du père de famille bénéficiant à leur fonds et de les avoir débouté en conséquence de leurs demandes de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « en application des articles 122 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil une partie est irrecevable à former une demande qui se heurte à l'autorité de la chose jugée, c'est-à-dire une demande portant sur le même objet et la même cause entre les mêmes parties et sur laquelle il a déjà été statué et ce, alors même qu'il serait invoqué de nouveaux moyens de fait et de droit ; il en résulte qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; dans le cas présent, lors de la première instance ayant donné lieu à l'arrêt du 25 mai 2004, les époux X..., sur le fondement de l'article 682 du Code civil, avaient formé une demande tendant à voir constater que la parcelle YW n° 326 a ppartenant à Monsieur
Y...
était grevée d'une servitude de passage au profit de la parcelle YW n° 503. A l'appui de leurs prétentions, ils invoquaient l'état d'enclave ; dans la seconde instance, sur le fondement de l'article 693 du Code civil, ils forment une demande tendant à voir constater que la parcelle YW n° 326 appartenant à Mo nsieur
Y...
est grevée d'une servitude de passage au profit de la parcelle YW n° 503 en invoquant la destination du père de famille ; cette seconde demande dirigée contre le même défendeur et tendant au même objet et à la même cause que la demande originaire se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 25 mai 2004 puisque les époux X... se limitent à développer des moyens nouveaux qu'il leur appartenait d'invoquer lors de la précédente instance, et ce d'autant plus, que leur argumentation juridique actuelle ne découle pas de la révélation d'un fait nouveau mais de la lecture d'un acte du 16 décembre 1895 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « il est établi que les époux X... agissant en leur nom personnel et es qualité de représentants légaux de leur fils mineur Maxime ont été déboutés de leur demande tendant à faire reconnaître l'existence au profit de leur parcelle cadastrée section YW n° 503 d'une servitude de passage fondée sur son état d'enclave, grevant la parcelle cadastrée section YW n° 326 appartenant à Monsieur
Y...
par arrêt de la Cour d'appel de RENNES du 25 mai 2004 et que le pourvoi formé contre cet arrêt par les époux X... a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 2 novembre 2005 ; la présente instance qui oppose les mêmes parties, a le même objet que l'instance précédente puisqu'elle vise également à faire reconnaître l'existence d'un droit de passage grevant et profitant aux mêmes parcelles sur le fondement différent de l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille ; mais il appartient au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; le nouvelle demande qui invoque un fondement juridique que les demandeurs se sont abstenus de soulever en temps utile se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation » ;
ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut notamment que la chose demandée soit la même ; que par ailleurs, la servitude de passage légale et la servitude par destination du père de famille constituent deux droits subjectifs distincts obéissant à deux régimes juridiques différents ; qu'en déclarant que la demande des consorts X... tendant à voir juger que leur parcelle bénéficiait d'une servitude par destination du père de famille se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 25 mai 2004 relatif à une servitude de passage légale résultant de l'état d'enclave des deux fonds litigieux en ce que les deux demandes avaient le même objet, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
ALORS QUE, subsidiairement, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a donné lieu au jugement ; que tel est notamment le cas lorsque la demande formée lors de la seconde instance s'appuie sur des éléments de fait, dont la date est antérieure à la première instance mais qui n'ont été révélés que postérieurement à elle ; que les consorts X... soutenaient qu'un acte de partage datant de 1895 mentionnant une servitude conventionnelle par destination du père de famille grevant une parcelle contiguë à leur fonds avait été porté à leur connaissance après que soit rendu un arrêt du 25 mai 2004 tranchant un litige relatif à une servitude de passage légale grevant ladite parcelle ; que pour juger que la demande des époux X... se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt du 25 mai 2004, la Cour d'appel a énoncé que « leur argumentation juridique ne découle pas de la révélation d'un fait nouveau mais de la lecture d'un acte datant du 16 décembre 1895 » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-18925
Date de la décision : 16/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SERVITUDE - Servitudes diverses - Passage - Enclave - Demande tendant à en reconnaître l'existence - Fondement juridique - Modification - Portée

PROCEDURE CIVILE - Demande - Objet - Détermination - Prétentions respectives des parties - Moyens fondant les prétentions - Enonciation - Obligations des parties - Etendue CHOSE JUGEE - Identité de cause - Obligation de concentration des moyens - Domaine d'application - Demandes successives tendant au même objet par un moyen nouveau - Applications diverses ACTION EN JUSTICE - Moyen de défense - Fin de non-recevoir - Chose jugée - Domaine d'application - Demandes successives tendant au même objet par un moyen nouveau - Applications diverses

Il incombe au demandeur de présenter dans l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Fait dès lors une exacte application de l'article 1351 du code civil, la cour d'appel qui, constatant que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, opposant les mêmes parties, tendait à la reconnaissance d'un droit de passage grevant et profitant aux mêmes parcelles sur un fondement juridique différent et relevant que les demandeurs se bornaient à développer des moyens nouveaux qu'il leur appartenait d'invoquer lors de la précédente instance et développaient une argumentation ne découlant pas de la révélation d'un fait nouveau mais de la lecture d'un acte établi antérieurement à la première demande, en a exactement déduit que leurs demandes se heurtaient à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt litigieux


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 16 mars 2010

Sur l'obligation de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci, à rapprocher :3e Civ., 20 janvier 2010, pourvoi n° 08-70206, Bull.2010, III, n° 17 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 jui. 2011, pourvoi n°10-18925, Bull. civ. 2011, III, n° 105
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, III, n° 105

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Laurent-Atthalin
Rapporteur ?: Mme Feydeau
Avocat(s) : Me Balat, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.18925
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