LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'après s'être mariés sous le régime de la séparation de biens, M. X... et Mme Y... ont adopté celui de la communauté universelle ; que, par un arrêt du 19 mai 2005, une cour d'appel a confirmé l'ordonnance d'un juge des affaires matrimoniales qui, sur une requête en divorce pour faute déposée par Mme Y... le 3 février 2004, s'était déclaré territorialement incompétent au profit du juge aux affaires matrimoniales d'un autre tribunal ; que Mme Y... ayant assigné son époux en divorce le 19 décembre 2005, l'arrêt attaqué (Chambéry, 5 janvier 2010) a confirmé, notamment, le chef du jugement ayant prononcé le divorce à ses torts exclusifs ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'adoption d'un régime matrimonial est un avantage qui produit effet au cours du mariage et qu'en conséquence le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'épouse est sans incidence sur l'entrée de tous les biens dans la communauté par suite de l'adoption de la communauté universelle par Mme Y... et M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en l'absence de disposition transitoire expresse contraire de la loi nouvelle prévoyant son application immédiate et à défaut de considérations d'ordre public particulièrement impératives, les contrats demeurent soumis à la loi ancienne en vigueur à la date de leur conclusion ; que la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ne contient aucune disposition transitoire expresse prévoyant que les avantages matrimoniaux ne seront plus soumis à la loi en vigueur à la date de leur stipulation ; qu'il n'existe aucun motif évident et impérieux de priver l'époux ayant stipulé un avantage matrimonial sous l'empire de la règle de sa révocation de plein droit en cas de divorce aux torts exclusifs du conjoint bénéficiaire (article 267 ancien du code civil, issu de la loi de 1975), du bénéfice de cette règle ; qu'en déclarant irrévocable l'avantage matrimonial résultant de l'adoption du régime matrimonial de la communauté universelle par les époux X... et en refusant au contraire d'en constater la déchéance au détriment de Mme Y... par suite du prononcé du divorce aux torts exclusifs de cette dernière, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 265 du code civil, issu de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, ensemble les articles 33-I et 33-II de cette loi et, par refus d'application, l'ancien article 267 du code civil ainsi que le principe de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle ;
2°/ que le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement des litiges ; qu'une loi nouvelle ne saurait donc venir bouleverser le cours d'une instance en divorce engagée sous l'empire de la loi ancienne ; qu'en prévoyant que «la loi nouvelle s'appliquera aux procédures antérieures à son entrée en vigueur» dès lors que l'assignation sera postérieure, l'article 33-II de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 soumet à la loi nouvelle non seulement les procédures introduites par des requêtes déposées postérieurement à son entrée en vigueur, mais aussi celles qui ont été engagées par des requêtes déposées antérieurement ; que cette disposition contrevient dès lors à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article 33-I et II de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, que cette loi est applicable aux procédures introduites par une assignation délivrée après le 1er janvier 2005, date de son entrée en vigueur ; qu'en vertu de ces dispositions transitoires, la loi nouvelle a vocation à s'appliquer en toutes ses dispositions concernant les conséquences du divorce pour les époux, y compris celles afférentes au sort des avantages matrimoniaux, peu important la date à laquelle ceux-ci ont été stipulés ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir retenu, à bon droit, que l'instance en divorce pour faute est introduite par la délivrance de l'assignation et non par le dépôt de la requête, c'est sans méconnaître l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme que la cour d'appel, qui a constaté que l'assignation en divorce avait été délivrée après l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, en a déduit que, cette loi étant applicable à l'instance, le divorce était, selon l'article 265 nouveau du code civil, sans incidence sur l'avantage résultant de l'adoption de la communauté universelle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Consejls, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir «dit que l'adoption d'un régime matrimonial est un avantage qui produit effet au cours du mariage et qu'en conséquence le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'épouse est sans incidence sur l'entrée de tous les biens dans la communauté par suite de l'adoption de la communauté universelle par Madame Y... et Monsieur X...» ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE «le prononcé du divorce est soumis à l'application de la loi du 26 mai 2004 entrée en application le 1er janvier 2005, l'assignation en divorce étant du 19 décembre 2005, étant précisé que c'est l'action en divorce matérialisée par une assignation en divorce qui introduit l'instance en divorce et non la requête initiale en divorce ; que les conséquences du divorce sont donc aussi régies par la loi du 26 mai 2004 ; qu'aucune exception n'est prévue en ce qui concerne les avantages matrimoniaux par les dispositions transitoires prescrites par la loi du 26 mai 2004 ; que si le législateur avait eu l'intention de maintenir l'application de la loi ancienne pour des instances nées postérieurement à sa date d'application, il n'aurait pas manqué de le prévoir expressément compte tenu de sa volonté de réduire les conséquences du divorce pour faute en ce qui concerne les biens ou les effets patrimoniaux du divorce entre les époux ; qu'enfin, le report de la date des effets du divorce ne concerne que la contribution aux dettes et en aucun cas les avantages matrimoniaux ; que l'article 265 nouveau est donc applicable ; que la communauté universelle constitue un avantage matrimonial qui prend effet au cours du mariage et non à la dissolution du mariage ou du décès des époux au sens de l'article 265 du Code civil, le régime matrimonial de la communauté universelle s'appliquant dès son adoption, les biens présents et à venir des époux entrant dans la communauté existant entre les époux conformément à l'article 1526 du Code civil ; que l'acte de révocation notarié invoqué par Monsieur X... est sans effet sur la validité de la communauté universelle constituant un avantage irrévocable ; qu'aucune violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est constituée s'agissant d'une instance introduite après l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 ; que la composition de la communauté universelle et les droits de chaque partie sont de la compétence du notaire liquidateur et du juge en cas de difficulté ;»
Et AUX MOTIFS NON CONTRAIRES EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE «Madame Y... et Monsieur X..., mariés sous le régime de la séparation des biens, ont adopté le régime de la communauté universelle suivant contrat en date du 20 mai 1997, homologué par jugement du tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN en date du 2 octobre 1997 ;qu'en application de l'article 265 du Code civil, le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents, quelle qu'en soit la forme ; qu'il emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union, sauf volonté contraire de l'époux qui les a consentis ; que cette volonté est constatée par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l'avantage ou la disposition maintenue ; qu'en application de l'article 265-1 du Code civil, le divorce est sans incidence sur les droits qu'un époux tient de la loi ou des conventions passées avec des tiers ; que ces dispositions issues de la loi du 26 mai 2004, sont applicables, l'assignation en divorce étant postérieure au 1er janvier 2005 ; qu'en l'état, le changement de régime matrimonial avec choix de la communauté universelle est un avantage matrimonial qui a pris effet dès lors que l'acte notarié du 20 mai 1997, a été homologué par le jugement du 2 octobre 1997 prononcé par le tribunal de grande instance de MONT DE MARSAN devenu définitif ; (…)»
ALORS QUE, D'UNE PART, en l'absence de disposition transitoire expresse contraire de la loi nouvelle prévoyant son application immédiate et à défaut de considérations d'ordre public particulièrement impératives, les contrats demeurent soumis à la loi ancienne en vigueur à la date de leur conclusion ; que la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 n e contient aucune disposition transitoire expresse prévoyant que les avantages matrimoniaux ne seront plus soumis à la loi en vigueur à la date de leur stipulation ; qu'il n'existe aucun motif évident et impérieux de priver l'époux ayant stipulé un avantage matrimonial sous l'empire de la règle de sa révocation de plein droit en cas de divorce aux torts exclusifs du conjoint bénéficiaire (article 267 ancien du Code civil, issu de la loi du 1975), du bénéfice de cette règle ; qu'en déclarant irrévocable l'avantage matrimonial résultant de l'adoption du régime matrimonial de la communauté universelle par les époux X... et en refusant au contraire d'en constater la déchéance au détriment de Madame Y... par suite du prononcé du divorce aux torts exclusifs de cette dernière, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 265 du Code civil, issu de la loi n°2004-439 du 26 mai 200 4, ensemble les articles 33-I et 33-II du Code civil et par refus d'application l'ancien article 267 du Code civil ainsi que le principe de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement des litiges ; qu'une loi nouvelle ne saurait donc venir bouleverser le cours d'une instance en divorce engagée sous l'empire de la loi ancienne ; qu'en prévoyant que « la loi nouvelle s'appliquera aux procédures antérieures à son entrée en vigueur » dès lors que l'assignation sera postérieure, l'article 33-II de la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 soumet à la loi nouvelle non seulement les procédures introduites par des requêtes déposées postérieurement à son entrée en vigueur, mais aussi celles qui ont été engagées par des requêtes déposées antérieurement ; que cette disposition contrevient dès lors à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.