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26/04/2011 | FRANCE | N°09VE01594

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 26 avril 2011, 09VE01594


Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Patrick A, demeurant ..., représenté par Me Yannick MANDIN, mandataire liquidateur à la liquidation de bien de son cabinet d'avocats situé 26, rue Victor Hugo à Pontoise (95300), par Me Grimberg, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606780 en date du 11 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, du Conseil départemental de l'accès au droit du Val-d'O

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Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Patrick A, demeurant ..., représenté par Me Yannick MANDIN, mandataire liquidateur à la liquidation de bien de son cabinet d'avocats situé 26, rue Victor Hugo à Pontoise (95300), par Me Grimberg, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606780 en date du 11 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, du Conseil départemental de l'accès au droit du Val-d'Oise et de l'ordre des avocats du barreau du Val-d'Oise à lui verser la somme de 1 783 878 euros en réparation du préjudice causé par les consultations juridiques gratuites organisées à la maison de la justice et du droit de Cergy installée depuis 1997 à proximité de son cabinet d'avocats ;

2°) de condamner l'Etat et l'ordre des avocats du barreau du Val-d'Oise à lui verser 2 410 684 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de condamner l'Etat et l'ordre des avocats du barreau du Val-d'Oise à lui verser 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'installation d'une maison de la justice et du droit en 1997 à proximité immédiate de son cabinet est concomitante à la baisse du chiffre d'affaires de son cabinet d'avocats en hausse régulière jusqu'alors ; que les consultations juridiques gratuites dispensées au sein de la maison de la justice et du droit constitue une pratique anticoncurrentielle interdite par les articles 81, 82 et 133 du traité instituant l'Union européenne et par les articles L. 420 et suivants du code de commerce ; que, si les premiers juges ont estimé que les consultations données dans le cadre de la maison de justice et du droit ne peuvent, par leur contenu et leur durée être assimilées aux consultations donnée par des avocats au sein de leur cabinet, aucun contrôle a priori n'existe sur les consultations gratuites litigieuses permettant de vérifier cette assertion et serait contraire aux principes déontologiques d'indépendance de la profession d'avocat ; que la gratuité des consultations méconnait les articles L. 410-2 et L. 420-5 du code de commerce qui prévoient que le prix est déterminé par le libre jeu de la concurrence ; que le décret du 4 janvier 2000 est intervenu sans consultation préalable du Conseil de la concurrence ; que les premiers juges ont fait une inexacte application du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que le requérant exerçait son activité dans le quartier de Cergy-Saint-Christophe dans le domaine du droit des personnes, ce qui lui donnait vocation à bénéficier d'une clientèle de quartier détournée par les consultations gratuites ; qu'il démontre que la baisse de son activité est directement induite par la mise en place des consultations gratuites litigieuses ; que le préjudice subi s'élève à 2 410 684 euros ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code de l'organisation judiciaire ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le décret n° 2000-4 du 4 janvier 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2011 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de M. A ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le sens des conclusions du rapporteur public a été communiqué à M. A avant l'audience devant le Tribunal administratif ; que l'intégralité desdites conclusions n'avait pas à être communiquée aux parties ;

Considérant, en outre, que les premiers juges n'étaient pas tenus de demander des précisions au requérant relatives à l'évolution de son chiffre d'affaires ; qu'ainsi, les moyens soulevés dans le mémoire enregistré le 15 mars 2011 et relatifs à la régularité du jugement attaqué doivent être écartés ;

Sur le fond du litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction résultant de la loi n°98-1163 du 18 décembre 1998 : L'aide à l'accès au droit comporte : / 1° L'information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur orientation vers les organismes chargés de la mise en oeuvre de ces droits ; / 2° L'aide dans l'accomplissement de toute démarche en vue de l'exercice d'un droit ou de l'exécution d'une obligation de nature juridique et l'assistance au cours des procédures non juridictionnelles ; / 3° La consultation en matière juridique ; / 4° L'assistance à la rédaction et à la conclusion des actes juridiques. / Les conditions dans lesquelles s'exerce l'aide à la consultation en matière juridique sont déterminées par le conseil départemental de l'accès au droit en conformité avec les règles de déontologie des personnes chargées de la consultation et dans le respect des dispositions du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; qu'aux termes de l'article 54 de la même loi : Dans chaque département, il est institué un conseil départemental de l'accès au droit, chargé de recenser les besoins, de définir une politique locale, de dresser et diffuser l'inventaire de l'ensemble des actions menées.(...) ; qu'aux termes de l'article 57 de la même loi : Le conseil départemental de l'accès au droit reçoit et répartit les ressources définies à l'article 68. Il peut conclure des conventions : / 1° Avec des membres des professions juridiques ou judiciaires réglementées ou leurs organismes professionnels ou avec des personnes répondant aux exigences du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée, en vue de définir les modalités de leur participation aux actions d'aide à l'accès au droit ; qu'aux termes de l'article 58 de ladite loi : Le conseil départemental de l'accès au droit décide du montant des frais de consultation qui peuvent rester à la charge du bénéficiaire selon un barème qu'il établit en fonction des ressources de l'intéressé et de la nature de la consultation ; qu'aux termes de l'article L. 7-12-1-1 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction résultant de la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 : Il peut être institué des maisons de justice et du droit, placées sous l'autorité des chefs du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles sont situées. / Elles assurent une présence judiciaire de proximité et concourent à la prévention de la délinquance, à l'aide aux victimes et à l'accès au droit. ; qu'enfin, aux termes de l'article 3 du décret n° 2001-1009 du 29 octobre 2001 : Les maisons de justice et du droit créées avant la date d'entrée en vigueur du présent décret peuvent, dans la limite de trois ans à compter de cette date, poursuivre les activités prévues dans leur convention constitutive jusqu'à l'expiration de la durée fixée par celle-ci (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en vertu d'une convention signée le 5 septembre 1990, l'ordre de avocats au barreau du Val-d'Oise a apporté son concours à l'organisation de consultations juridiques gratuites dispensées au sein de la maison de justice et du droit de Cergy-Pontoise transférée en 1997 dans le quartier de Cergy-Saint-Christophe, à proximité du cabinet d'avocat de M. A ; que, par une nouvelle convention signée le 13 décembre 2000, entre le conseil départemental de l'accès au droit du Val-d'Oise créé le 15 octobre 1998 et l'ordre des avocats au barreau du Val-d'Oise, le principe de l'organisation de ces consultations juridiques gratuites a été renouvelé ; que M. A a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat et de l'ordre des avocats au barreau du Val-d'Oise à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'organisation de ces consultations et de la perte de clientèle qu'elles auraient entrainée au détriment de son cabinet placé en liquidation judiciaire en avril 2006 ; que M. A fait appel devant la Cour du jugement en date du 11 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Considérant, en tout état de cause, qu'il résulte de l'instruction que compte tenu du nombre restreint de permanences assurées à raison de deux fois deux heures et demi par semaine et de leur caractère limité à la délivrance d'informations et à l'orientation des usagers, les consultations organisées à la maison de justice et du droit ne sauraient être assimilées à des consultations réalisées par des avocats au sein de leurs cabinets ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les consultations organisées au sein de la maison de justice et du droit auraient pu donner lieu à des ententes illicites, à un abus de position dominante ou à la proposition de tarifs abusivement bas de la part des avocats y participant ; qu'ainsi, M. A ne démontre pas que l'organisation des consultations en cause aurait méconnu les règles de la libre concurrence posées par les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne et par les articles L. 420-1 et suivant du code de commerce ou le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

Considérant, en outre, que M. A n'apporte pas la preuve de l'existence d'un détournement de sa clientèle au profit de ses confrères intervenant dans le cadre des consultations juridiques gratuites données à la maison de justice et du droit de Cergy-Saint-Christophe et qui serait imputable à l'Etat ;

Considérant, en second lieu, que M. A se prévaut à l'appui de sa demande indemnitaire de la responsabilité de l'Etat du fait des lois et de la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que, toutefois, il ne conteste pas les difficultés rencontrées par son cabinet matérialisées par une dette sociale et fiscale importante constatée avant même l'installation de la maison de justice et du droit à proximité de son cabinet ; qu'il ne démontre pas l'identité entre sa clientèle et les personnes ayant eu recours aux consultations juridiques gratuites litigieuses ; qu'il résulte encore de l'instruction que les consultations gratuites organisées à raison de deux périodes hebdomadaires de deux heures et demie et d'une durée moyenne de dix minutes ayant pour objet essentiel de guider, d'orienter et d'informer les justiciables n'ont pas un caractère comparable aux prestations réalisées par un avocat au sein de son cabinet ; qu'ainsi, le lien de causalité entre la baisse d'activité du cabinet de M. A et l'instauration de consultations juridiques gratuites à la maison de justice et du droit de Cergy-Saint-Christophe n'est pas démontré ; que, par suite, les conclusions du requérant fondées sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois et sur la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques doivent être rejetées ;

Considérant, en dernier lieu, que, si M. A soutient que le décret en date du 4 janvier 2000 aurait été publié sans être précédé de la consultation du Conseil de la concurrence, il ne justifie d'aucun préjudice personnel, direct et certain qui serait né de cette irrégularité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A et Me MANDIN est rejetée.

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N° 09VE01594 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01594
Date de la décision : 26/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Défense de la concurrence.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : GRIMBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-04-26;09ve01594 ?
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