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23/06/2011 | FRANCE | N°09NT02752

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 juin 2011, 09NT02752


Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2009, présentée pour M. Jean-Louis X, demeurant ..., par Me Boissy, avocat au barreau de Bordeaux ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 05-411, 05-5337 en date du 7 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de versement émis à son encontre le 22 juin 2004 ensemble la décision rejetant sa demande de décharge de responsabilité du 15 novembre 2004 et, d'autre part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de débet n° 00268

du 15 avril 2005, de la décision implicite de rejet du recours hiérarchi...

Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2009, présentée pour M. Jean-Louis X, demeurant ..., par Me Boissy, avocat au barreau de Bordeaux ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 05-411, 05-5337 en date du 7 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de versement émis à son encontre le 22 juin 2004 ensemble la décision rejetant sa demande de décharge de responsabilité du 15 novembre 2004 et, d'autre part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de débet n° 00268 du 15 avril 2005, de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par lui le 1er septembre 2005 auprès du ministre délégué au budget et de la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir au dégrèvement de la somme en litige ainsi que des intérêts y afférents, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour l'année 1963 ;

Vu la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 relatif à la constatation et à l'apurement des débets des comptables publics et assimilés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2011 :

- le rapport de M. Quillévéré, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;

- et les observations de Me Briand, substituant Me Boissy, avocat de M. X ;

Considérant que M. X a exercé, du 1er août 1988 au 1er janvier 1992, les fonctions de chef de poste de la trésorerie de Belin-Beliet dans le département de la Gironde ; qu'un déficit d'un montant de 26 371,75 euros a été constaté, le 29 octobre 1993, dans ses écritures comptables ; qu'un ordre de versement a été émis par le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, le 22 juin 2004, à l'encontre du requérant qui n'a effectué aucun versement pour combler le déficit ainsi constaté dans ses écritures comptables ; que le ministre délégué au budget a constitué l'intéressé débiteur envers l'Etat de la somme précitée par un arrêté de débet n° 00268 du 15 avril 2005 ; que M. Jean-Louis X relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 octobre 2009, en tant qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'ordre de versement du 22 juin 2004 et qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation dudit arrêté de débet, de la décision implicite du ministre délégué au budget du 1er septembre 2005 rejetant son recours hiérarchique et de la décision implicite du trésorier-payeur général de la Gironde du 1er septembre 2005 rejetant son recours gracieux ;

Sur la recevabilité des conclusions d'appel dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué :

Considérant que les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué ; que dans l'hypothèse où les premiers juges décident qu'il n'y a pas lieu à statuer sur la demande ou une partie de celle-ci dont ils ont été saisis, en raison de la disparition de l'objet de cette demande, l'intérêt à relever appel du dispositif d'un tel jugement en ce qu'il constate le non-lieu à statuer doit être apprécié au regard des conclusions présentées par les parties à l'instance ; que si le demandeur de première instance a lui-même conclu en cours d'instance à ce qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les mêmes conclusions de sa demande qui ont fait l'objet d'un non-lieu par le jugement attaqué, le demandeur n'est pas recevable à relever appel du jugement en tant qu'il a décidé le non lieu ;

Considérant que M. X a saisi le tribunal administratif de Nantes de conclusions aux fins d'annulation de l'ordre de versement du 22 juin 2004 du ministre chargé du budget, portant sur la somme de 26 231,75 euros dont il avait été déclaré redevable auprès du trésorier-payeur général du département de la Gironde ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un mémoire en date du 5 juin 2007 régulièrement visé par le jugement attaqué, que M. X a expressément demandé aux premiers juges de dire que l'ordre de versement du 22 juin 2004 était devenu inexistant et qu'il n'y avait plus lieu à statuer, dans cette mesure, sur les conclusions de sa demande tendant à l'annulation dudit ordre ; que, par suite, les conclusions d'appel présentées par M. X tendant à contester l'article 1er du jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes par lequel les premiers juges ont décidé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'ordre de versement du 22 juin 2004, sont irrecevables ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges, ainsi qu'il vient d'être dit, ont constaté par l'article 1er du jugement attaqué qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de l'ordre de versement du 22 juin 2004 ; que, par suite, ils n'avaient pas à examiner les moyens dirigés contre cet ordre de versement ; qu'il suit de là que le moyen tiré par M. X de ce que le jugement serait entaché d'omission à statuer sur ces moyens doit être écarté ;

Sur les conclusions à fins d'annulation de l'arrêté de débet du 15 avril 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 dans sa rédaction applicable au litige : I - Quel que soit le lieu où ils exercent leurs fonctions, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes (...) / Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. (...) / IV - La responsabilité pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par la faute du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers. / V - (...) Le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité ne peut plus intervenir au-delà du 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu'il n'est pas tenu à cette obligation, celle au cours de laquelle il a produit les justifications de ses opérations. / VI - Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale, soit au montant de la perte de recette subie, de la dépense payée à tort ou de l'indemnité mise, de son fait, à la charge de l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant. (...) / VII - Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu et qui n'a pas versé la somme prévue au paragraphe VI ci-dessus peut être constitué en débet soit par l'émission à son encontre d'un titre ayant force exécutoire, soit par arrêt du juge des comptes. / VIII - Les débets portent intérêts au taux légal à compter de la date du fait générateur ou, si cette date ne peut être fixée avec précision, à compter de celle de leur découverte. / IX - Dans les conditions fixées par l'un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après, les comptables publics dont la responsabilité a été engagée ou est mise en jeu peuvent, en cas de force majeure, obtenir décharge totale ou partielle de leur responsabilité. Dans les conditions prévues par ce même décret, les comptables publics peuvent obtenir la remise gracieuse des sommes laissées à leur charge. En cas de décharge ou de remise gracieuse les débets comptables sont couverts par l'organisme intéressé. Toutefois, ils peuvent être couverts par l'Etat dans les conditions fixées par l'un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après. (...). ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, aux termes duquel : Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation. (...), que le ministre chargé du budget pouvait mettre en recouvrement sa créance à condition d'indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases de calcul sur lesquelles il s'était fondé pour mettre les sommes en litige à la charge de M. X ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que l'arrêté de débet du 15 avril 2005 contesté se réfère expressément à l'ordre de versement du 22 juin 2004 qui a été préalablement régulièrement notifié à M. X et qui comporte l'indication des bases de liquidation de la créance litigieuse ; qu'il suit de là que M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de débet contesté n'était pas suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 précité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que Mme Y a été désintéressée de la somme de 26 232 euros le 29 octobre 1993 par le trésorier-payeur général de la Gironde ; qu'ainsi, le délai de prescription de l'action en recouvrement de la somme dont M. X était débiteur auprès du trésorier-payeur général de la Gironde a couru à compter du 1er janvier 1994 ; que cette prescription a, en application des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, été valablement interrompue par l'ordre de versement émis le 9 juin 1998 à l'encontre de M. X, quand bien même cet ordre de versement a été annulé pour illégalité externe par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 février 2004, puis par le second ordre de versement émis le 22 juin 2004 ; que, par suite, à la date du 15 avril 2005 à laquelle l'arrêté de débet contesté a été émis, l'action du ministre chargé du budget constituant M. X débiteur envers l'Etat de la somme de 26 232 euros n'était pas prescrite ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le comportement de M. X faisait entrer celui-ci dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 qui précise les conditions dans lesquelles les comptables publics peuvent voir leur responsabilité pécuniaire engagée ; que la circonstance que les sommes détournées par lui aient correspondu à l'acquisition de titres proposés par la société Investissement Trésor Vie (ITV), créée conjointement par la Caisse nationale de prévoyance et le Trésor public, et correspondant à des contrats de capitalisation à taux minimum garanti, appelés Compta, n'a pas pour effet de retirer à ces sommes le caractère de deniers publics ; qu'il suit de là que le détournement de procédure invoqué par le requérant n'est pas établi ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il appartient au juge, saisi d'une demande dirigée contre un arrêté de débet, de vérifier que, à la date à laquelle il statue, la créance a un caractère exigible, certain et liquide ;

Considérant, d'une part, que par un courrier du 8 septembre 1993 la société ITV a fait connaître à la trésorerie générale du département de la Gironde la valeur de rachat au 1er août 1993 des titres compta 7 en litige ; qu'il résulte de l'instruction que cette opération de rachat de titre a été conduite selon les modalités prévues par les dispositions de l'instruction n° 89-27-L4 du 20 février 1989 relative aux placements de titres compta 7 laquelle précise que le taux d'actualisation à appliquer à une opération de rachat est le taux minimum garanti ; que M. X, en raison des fonctions qu'il exerçait dans les services de la trésorerie de Belin-Beliet, avait nécessairement connaissance des modalités de rachat des titres compta 7 et, en raison du mandat qui lui avait été confié par Mme Y, avait connaissance du capital investi par elle, de la durée de placement des titres et de la valeur finale actualisée, et était ainsi en mesure de vérifier que le taux d'actualisation prévu par l'instruction précitée avait bien été appliqué à l'opération de rachat litigieuse ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir sans autre précision que la créance dont il a été constitué débiteur auprès du trésorier-payeur général de la Gironde ne serait pas liquide faute d'avoir été correctement évaluée ;

Considérant, d'autre part, que si M. X allègue que la créance litigieuse ne présentait pas de caractère certain et n'était pas exigible, il ne l'établit pas ;

Sur les conclusions à fins d'annulation de la décision rejetant la demande en décharge de responsabilité :

Considérant que par un jugement du 13 novembre 1997, devenu définitif, la cour a estimé que les détournements de fonds reprochés à M. X étaient établis ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il est en droit de demander une décharge totale ou partielle de responsabilité au motif que l'arrêté de débet aurait résulté de circonstances de force majeure ;

Sur les conclusions dirigées contre les décisions du ministre délégué au budget et du trésorier-payeur général de la Gironde rejetant implicitement les recours hiérarchique et gracieux dirigés contre l'arrêté de débet contesté :

Considérant que M. X n'invoque aucun moyen au soutien des conclusions dirigées contre ces décisions ; qu'il suit de là que ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'ordre de versement du 22 juin 2004, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes ;

Sur les conclusions à fins d'injonction, sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre chargé du budget de procéder au dégrèvement de la somme qu'il conteste doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Louis X, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au trésorier-payeur général de la Gironde.

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N° 09NT02752 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09NT02752
Date de la décision : 23/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Guy QUILLEVERE
Rapporteur public ?: M. GEFFRAY
Avocat(s) : BOISSY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-06-23;09nt02752 ?
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