Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2009, présentée pour l'ETABLISSEMENT NATIONAL DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (FRANCE AGRIMER), venant aux droits de l'Office de l'Elevage et de l'ONILAIT, représenté par son directeur-général en exercice, dont le siège est 12 rue Henri Rol-Tanguy TSA 20002 à Montreuil-sous-Bois (93555), par Me Alibert, avocat au barreau de Paris ; FRANCE AGRIMER demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 07-0181, 07-183 en date du 10 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé les titres de recette n° 381299 et n° 381300 du 12 décembre 2006 du directeur général de l'office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions constituant la SA Délicelait débitrice de la somme globale de 9 029,84 euros ;
2°) de mettre à la charge de la SA Délicelait la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;
Vu le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 modifié par le règlement (CE) n° 1898/2005 du 9 novembre 2005 relatif à la vente à prix réduit de beurre et l'octroi d'une aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ;
Vu le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil du 17 mai 1999 ;
Vu le code rural ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2011 :
- le rapport de M. Quillévéré, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
- et les observations de Me Idrissi, substituant Me Alibert, avocat de FRANCE AGRIMER ;
Considérant que l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) devenu l'ETABLISSEMENT NATIONAL DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER-FRANCE AGRIMER a notifié, le 12 décembre 2006, à la SA Délicelait, spécialisée dans la fabrication de crème pâtissière tracée, deux titres de recettes la constituant débitrice des sommes de 7 781 euros et de 249,09 euros dont elle avait bénéficié sur adjudication en vertu du règlement de la commission (CEE) n° 2571/97 du 15 décembre 1997 ; que, par un jugement en date du 10 avril 2009, le tribunal administratif de Caen a annulé lesdits titres de recettes ; que FRANCE AGRIMER relève appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil des communautés du 18 décembre 1995 : 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité (...) / 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu (...) au paragraphe 1 (...) ; que, par un arrêt du 29 janvier 2009 rendu dans les affaires C-278/07 à C-280/07, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que les délais de prescription plus longs que les Etats membres conservent la faculté d'appliquer en vertu de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2988/95 peuvent résulter de dispositions de droit commun antérieures à la date de l'adoption du présent règlement ; qu'aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, laquelle a défini à l'article 2224 de ce code un nouveau délai de prescription de droit commun de cinq ans : Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que FRANCE AGRIMER n'a demandé que le 13 juillet 2006 par un courrier adressé à la SA Délicelait la restitution des sommes litigieuses préalablement à la notification le 12 décembre 2006 des deux titres de recettes contestés et que plus de quatre ans s'étaient ainsi écoulés entre le dernier acte émanant de l'Office en 2001 et le courrier adressé à la requérante le 13 juillet 2006 et reprenant les poursuites ; que toutefois, en se fondant, pour retenir que l'action en recouvrement ainsi entreprise était prescrite, sur les dispositions de l'article 3 du règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 et sur l'absence de dispositions nationales spécifiques relatives à la prescription, alors que l'article 2262 du code civil définissait une prescription de trente ans, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA Délicelait, tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;
Considérant qu'aux termes de l'article premier du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 : (...) 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes (...), soit par une dépense indue ; qu'aux termes de l'article 4 de ce règlement : 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance (...) ; que selon les dispositions de l'article 8 du règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970 relatif au financement de la politique agricole commune, reprises à l'article 8 du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil du 17 mai 1999 : 1. Les Etats membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour : / (...) b) prévenir et poursuivre les irrégularités ; / c) récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences (...) ; que ces dispositions font obligation aux administrations nationales de récupérer les sommes provenant du budget communautaire indûment versées ;
Considérant, par ailleurs, que le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission européenne a institué une aide financière à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ; qu'aux termes de l'article 23 de ce règlement : Afin d'assurer le respect des dispositions du présent règlement, les Etats membres prennent notamment les mesures de contrôle visées aux paragraphes 2 à 8 dont le coût est à la charge de l'Etat membre. (...) Lors de l'addition des traceurs à la crème ou au beurre (...) l'organisme compétent assure les contrôles sur place (...) de sorte que chaque offre (...) fasse l'objet d'un contrôle au moins. (...) Les contrôles comportent la prise d'échantillons et portent notamment sur les conditions de fabrication, la quantité, la composition du produit obtenu en fonction du beurre ou de la crème mis en oeuvre (...) ; qu'aux termes de l'annexe II de ce règlement, peuvent être utilisés comme traceurs, pour permettre le contrôle de l'incorporation du beurre dans les produits finaux : par tonne de beurre concentré ou de beurre, (...) 11 kg de triglycérides de l'acide énanthique (...) d'un degré de pureté d'au moins 95 % (...) ; qu'aux termes de l'article 22 du même règlement : (...) 3. L'aide n'est versée à l'adjudicataire que lorsque la preuve a été apportée, dans un délai de douze mois après l'expiration du délai prévu à l'article 11 : (...) / b) pour la crème : / i) qu'elle a répondu aux conditions visées à l'article 1er paragraphe 2 point c) et / ii) qu'elle a été incorporé dans les produits finaux dans le délai visé à l'article 11 (...) ;
Considérant, en premier lieu, qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la dette, alors même qu'il est émis, comme en l'espèce, par une personne publique autre que l'Etat, pour lequel cette obligation est expressément prévue par l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; qu'en l'espèce, les deux titres de recettes contestés comportent le nom de la SA Délicelait désignée comme débiteur et mentionnent, outre les quantités de crème pâtissière tracées éligibles à l'aide instituée par le règlement communautaire n° 2571/97 précité, la nature du produit, la référence à la déclaration et le motif de l'appréhension d'une partie de la caution constituée lors de l'adjudication ; que par ailleurs la société a été informée par un courrier du directeur de l'ONILAIT du 13 juillet 2006 que, les analyses effectuées et confirmées en appel faisant apparaître une teneur du traceur, l'acide énanthique, inférieure aux normes prescrites par le règlement de la commission (CE) n° 2571/97 du 15 décembre 1997, l'office était susceptible de la constituer débitrice des sommes de 7 781 euros et de 249,09 euros dont elle avait bénéficié sur adjudication ; que, dans ces conditions, les titres de recettes en litiges, qui ont mis à même la SA Délicelait de discuter les bases de la liquidation du montant de la caution à appréhender et de présenter ses observations, ont été émis dans des conditions régulières ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 23 paragraphe 2 du règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 prévoit que chaque offre fait l'objet d'au moins un contrôle, la société ne peut utilement soutenir que l'ONILAIT aurait, pour demander le reversement de l'aide, irrégulièrement extrapolé les résultats du contrôle de la déclaration n° 069172/534/1901 à la déclaration n° 69172/534/1601, dès lors que les deux déclarations de fabrication précitées résultaient d'une même offre ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition de la réglementation communautaire en vigueur au moment des contrôles litigieux ne définissait précisément la méthodologie des contrôles relatifs à la vérification de la teneur de la crème en acide énanthique ni les modalités d'interprétation des résultats des analyses effectuées pour mesurer l'incorporation de ce traceur chimique ; que si aucune réglementation nationale n'était davantage applicable en la matière, l'Office avait pour mission, en vertu des dispositions de l'article L. 621-3 (3°) du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur, d'appliquer les mesures communautaires ; qu'à ce titre, il était notamment chargé de mettre en oeuvre les contrôles définis par l'article 37 du règlement de la commission (CE) n° 2571/97 du 15 décembre 1997 et d'appliquer les mesures prévues par l'article 6 du même règlement en cas de méconnaissance des obligations relatives à l'incorporation des traceurs ;
Considérant qu'ayant prélevé des échantillons des lots de crème pâtissière tracée correspondant aux déclarations n°s 69172/534/1901 et 69172/534/1601, pour lesquels l'acide énanthique avait été utilisé comme traceur, et fait procéder à des analyses desdits échantillons, l'ONILAIT a constaté des teneurs insuffisantes en acide énanthique et en a déduit que le produit fabriqué n'était pas éligible à l'aide communautaire et qu'il y avait en conséquence lieu d'appréhender, en proportion de ces insuffisances, la garantie de transformation qui avait été constituée par la SA Délicelait ; qu'il suit de là que l'établissement doit être regardé, par la méthode de routine qu'il a mise en oeuvre pour contrôler la crème tracée relevant de l'adjudication n° 69172 en vue de l'octroi d'une aide à la fabrication de 50 tonnes de crème, comme apportant la preuve du défaut de conformité des résultats des premières analyses et des analyses d'appel pour la crème relevant des deux déclarations n°s 69172/534/1901 et 69172/534/1601 ;
Considérant, en quatrième lieu, que lorsqu'est en cause, comme c'est le cas en l'espèce, la légalité d'une décision de récupération d'une aide indûment versée en application d'un texte communautaire, il y a lieu de vérifier d'abord si une disposition communautaire définit les modalités de récupération de cette aide ; que les dispositions précitées de l'article 22 du règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 ne faisaient pas obstacle à ce que, dès lors que les contrôles réalisés par l'ONILAIT avaient mis en évidence que la société avait utilisé, pour la fabrication des produits ayant bénéficié de l'aide, une matière première ne répondant pas aux conditions prévues par l'annexe I du règlement, le reversement de l'aide soit exigé au-delà de quatre mois, dans le délai résultant des dispositions précitées de l'article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 ;
Considérant, enfin, que, comme il a été dit, les contrôles ont été pratiqués en application des textes en vigueur et que le reversement de l'aide a pu légalement être demandé par FRANCE AGRIMER au vu des résultats des contrôles ; que, par suite, la SA Délicelait, qui n'a pas respecté la réglementation en vigueur, n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement FRANCE AGRIMER, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SA Délicelait au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SA Délicelait le versement à FRANCE AGRIMER de la somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 07-181,07-183 du tribunal administratif de Caen en date du 10 avril 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SA Délicelait devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 3 : La SA Délicelait versera à FRANCE AGRIMER la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la SA Délicelait tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT NATIONAL DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (FRANCE AGRIMER), au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et à la SA Délicelait.
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