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25/03/2010 | FRANCE | N°09MA03527

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 25 mars 2010, 09MA03527


Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2009, présentée pour M. et Mme A, en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs demeurant ...), par Me Preziosi ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0904254 du 8 septembre 2009 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique de Marseille à verser à titre de provision une somme de 450 993 euros à M. A, une somme de 50 000 euros à Mme A et une somme de 30 000 euros à chacun de leurs enfants ;
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Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2009, présentée pour M. et Mme A, en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs demeurant ...), par Me Preziosi ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0904254 du 8 septembre 2009 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique de Marseille à verser à titre de provision une somme de 450 993 euros à M. A, une somme de 50 000 euros à Mme A et une somme de 30 000 euros à chacun de leurs enfants ;

2°) de condamner l'Assistance publique de Marseille à leur verser lesdites provisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique de Marseille une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisées à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2010 :

- le rapport de M. Iggert, conseiller ;

- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite d'une néphrectomie bilatérale avec cystoprostatectomie exécutée le 21 novembre 2007, il a été prescrit à M. A un traitement par hémodialyse le 27 novembre 2007 au service de néphrologie de l'hôpital de la Conception ; qu'aux alentours de 10 heures 25, l'alarme de basse pression de l'artère s'est déclenchée et l'équipe soignante a constaté un arrêt cardio-respiratoire de M. A ; qu'à la suite des manoeuvres de réanimation, M. A, qui est décédé le 23 décembre 2009, était plongé dans un état végétatif ; que Mme A, en son nom propre, au nom de son mari défunt et au nom de ses trois enfants mineurs, interjette appel de l'ordonnance du 8 septembre 2009 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique de Marseille à verser à titre de provision une somme de 450 993 euros à M. A, une somme de 50 000 euros à Mme A et une somme de 30 000 euros à chacun de leurs enfants ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie :

Sur la responsabilité de l'Assistance publique de Marseille :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 22 avril 2009 ordonné par le Tribunal administratif de Marseille, que la ligne veineuse du circuit de dialyse était débranchée, le sang de M. A s'étant alors épanché sous le drap qui masquait à la vue du personnel soignant l'abord vasculaire et le saignement du fait du désengagement de l'aiguille ; que l'Assistance publique de Marseille relève que la présence du drap ne peut être regardée comme une faute dès lors que les protocoles d'hémodialyse n'interdisent pas que le drap masque l'abord vasculaire ; que toutefois, il appartenait au centre hospitalier, eu égard au risque qui entoure la pratique d'une hémodialyse, de faire preuve de vigilance dans la surveillance de M. A dès lors qu'il s'agissait de la première dialyse de ce type qui lui était pratiquée, qu'il venait de subir, six jours auparavant, une intervention lourde destinée à lui ôter ses reins, sa prostate et sa vessie et que des médicaments présentant des risques d'endormissement lui ont été administrés ; qu'ainsi, l'Assistance publique de Marseille doit être regardée comme ayant commis un défaut de surveillance de l'hémodialyse subie par M. A en ne constatant le désengagement de l'aiguille de la ligne veineuse que lorsque l'alarme de basse pression de l'artère s'est déclenchée alors que le patient avait déjà perdu, selon les évaluations de l'expert, près de deux litres de sang ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique de Marseille à raison des préjudices qui en découlent ;

Considérant que l'Assistance publique de Marseille a produit un rapport critique qui propose une thèse alternative expliquant l'origine du coma végétatif dans lequel M. A était plongé ; qu'il indique que les vomissements qui encombraient la bouche du patient sont à l'origine d'un arrêt respiratoire ayant causé l'arrêt cardiaque ; que, toutefois, il résulte de l'expertise, qui a écarté cette hypothèse, et des comptes-rendus médicaux produits à l'instance que l'arrêt cardio-respiratoire a pour origine la baisse de pression artérielle du fait de la désadaptation accidentelle de l'aiguille veineuse ; qu'ainsi, l'origine du coma végétatif de M. A doit être recherchée, en l'état de l'instruction, dans le défaut de surveillance dont il a fait l'objet au cours de l'hémodialyse du 27 novembre 2007 ; qu'au surplus, si l'Assistance de publique de Marseille soutient que l'arrêt respiratoire de M. A aurait été provoqué par des vomissements, une telle circonstance n'est pas de nature à établir une surveillance adaptée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A font état d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable ;

Sur les préjudices de M. A :

Considérant que l'incapacité temporaire totale de M. A, imputable à la faute, court à compter du 15 décembre 2007, date à laquelle il aurait été rétabli des suites de la néphrectomie bilatérale avec cystoprostatectomie, jusqu'au 30 juillet 2008, date de la consolidation ; qu'une somme de 3 500 euros peut être allouée en réparation de ce préjudice ; que si l'expert retient un taux d'incapacité permanente partielle de 99 % imputable en totalité au centre hospitalier à raison du défaut de surveillance, l'Assistance publique de Marseille fait utilement valoir que la maladie dont il souffrait et le traitement qu'il a subi auraient entraîné une incapacité partielle, constituée notamment par l'obligation de subir des dialyses durant trois demi-journées par semaine et l'interdiction d'exécuter un quelconque effort physique ; que le centre hospitalier ne conteste toutefois pas que cette prise en compte de l'état antérieur de M. A ne serait pas de nature à réduire l'incapacité permanente partielle liée à la faute en-deça du taux de 90 % ; qu'ainsi, la somme de 220 000 euros peut lui être allouée à ce titre ; que par ailleurs, M. A a subi lors de l'accident et au décours de son coma aréactif des souffrances physiques modérées, évaluées à trois points sur une échelle qui en comporte sept ainsi qu'un préjudice esthétique également évalué à trois sur sept ; que M. A doit être regardé comme ayant également subi un important préjudice d'agrément ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices subis à ces titres en les évaluant à la somme de 50 500 euros ; qu'enfin, pour justifier du préjudice professionnel de M. A, sont produits ses avis d'imposition au titre des années antérieures et l'expert relève que malgré la néphrectomie bilatérale avec cystoprostatectomie, il aurait pu poursuivre son activité de gérant salarié d'une entreprise de maçonnerie ; que, l'étendue de l'indemnisation de ce poste de préjudice n'est pas sérieusement contestable pour la part qui ne comprend pas la diminution d'activité qui aurait été entraînée par la maladie antérieure au coma aréactif ; qu'il peut prétendre à ce titre à la somme globale de 20 000 euros pour les années 2008 et 2009 ;

Sur les préjudices de Mme A et de ses enfants :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les enfants de M. A, du fait de leur jeune âge, en leur allouant chacun la somme de 25 000 euros, de même qu'à Mme A, qui devra se charger seule de l'éducation de ses enfants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de provision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance publique de Marseille la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 8 septembre 2009 du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : L'Assistance publique de Marseille versera à Mme A, au nom de son époux, une somme de 294 000 euros.

Article 3 : L'Assistance publique de Marseille versera à Mme A une somme de 25 000 euros.

Article 4 : L'Assistance publique de Marseille versera à Mme A, au nom de ses enfants mineurs, une somme de 75 000 euros.

Article 5 : L'Assistance publique de Marseille versera à M. et Mme A une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A, à l'Assistance publique de Marseille, à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre de la santé et des sports.

Copie sera adressée à Me Preziosi, à Me Le Prado et au préfet des Bouches-du-Rhône.

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N° 09MA03527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA03527
Date de la décision : 25/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Julien IGGERT
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-03-25;09ma03527 ?
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