La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2010 | FRANCE | N°09LY01669

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 octobre 2010, 09LY01669


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Stéphane A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0506110 du Tribunal administratif de Grenoble du 12 mai 2009 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 août 2004 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa déchéance des droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et ordonné le remboursement de 25 % du montant perçu ;

2°) d'annuler le refus implicite de l'exonérer du remboursement du solde de

la dotation jeunes agriculteurs ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de ...

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Stéphane A, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0506110 du Tribunal administratif de Grenoble du 12 mai 2009 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 août 2004 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa déchéance des droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et ordonné le remboursement de 25 % du montant perçu ;

2°) d'annuler le refus implicite de l'exonérer du remboursement du solde de la dotation jeunes agriculteurs ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que lors de son installation en 1994, il a bénéficié de la dotation aux jeunes agriculteurs ; que le bénéficiaire de cette aide s'engage à être agriculteur pendant au moins dix ans, à consacrer à l'agriculture au moins la moitié de son temps et à en retirer plus de 50 % de ses revenus ;

- qu'en 2000, il a été victime d'un accident du travail à la suite duquel l'un de ses yeux est resté très sensible aux poussières, ce qui lui interdit, ainsi qu'il ressort des certificats médicaux produits, de travailler dans un milieu empoussiéré ; qu'il a dû, par conséquent, quitter le GAEC en 2002 ;

- que, pour l'administration, son incapacité physique ne justifie pas un changement d'activité professionnelle, la loi ne prévoyant une dispense qu'en cas de décès ou d'invalidité supérieure à 60 % ;

- que le tribunal administratif a procédé à une lecture restrictive de l'article 33 du règlement communautaire CE n° 445-2002 du 26 février 2002 qui prévoit que les Etats membres peuvent admettre, au titre des catégories de force majeure, l'incapacité professionnelle de longue durée de l'exploitant ; que ce règlement est directement applicable dans tous les Etats membres et que donc un particulier peut l'invoquer directement devant le juge national ; qu'il a bien été victime d'un cas de force majeure au sens de la jurisprudence administrative française : qu'en effet la cage de contention utilisée pour prodiguer les soins aux animaux ne peut être fixée au sol puisqu'elle doit pouvoir être déplacée à l'aide dun tracteur ; qu'elle est dotée d'un système de sécurité anti-retour de la manivelle constitué par un cliquet qui a sauté de manière anormale alors qu'il se baissait pour ramasser les produits de désinfection ; que sa tête s'est ainsi trouvée dans le volume de manoeuvre de la manivelle ; que l'accident n'a pas pour origine une faute ou une maladresse de sa part mais qu'il s'agit d'un cas fortuit, irrésistible et imprévisible qui satisfait aux critères jurisprudentiels de force majeure ;

- qu'au surplus le cas de force majeure a entraîné une incapacité professionnelle de longue durée au sens de l'article 33 du règlement communautaire CE n° 445-2002 ; qu'il ressort des certificats médicaux qu'il ne peut plus travailler dans un milieu exposé aux poussières ; qu'il touche une indemnité d'invalidité à raison des suites de l'accident ;

- qu'à supposer que la force majeure ne soit pas reconnue, il y a lieu de prendre en considération les circonstances concrètes qui l'ont contraint à renoncer à son activité d'agriculteur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2010, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la situation de M. A ne répond pas aux dispositions de l'article R 434-18 du code rural alors en vigueur :

- que l'accident dont a été victime M. A n'est pas constitutif d'un cas fortuit puisqu'il n'est pas imputable à des circonstances d'origine inconnue (CE 11 décembre 1991 SONEXA p. 430) ; que cet accident n'a pas présenté cumulativement, les caractères d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité (CE 29 octobre 2009 n° 310605) constitutif de la force majeure ; que dès lors que l'accident a eu lieu dans le cadre du travail de M. A, la condition d'extériorité n'est pas remplie ;

- que M. A n'indique pas pourquoi il ne s'est pas suffisamment écarté de la manivelle et qu'il y a lieu de confirmer les motifs du tribunal administratif ;

- que quand bien même l'incapacité professionnelle de longue durée de M. A serait établie, il résulte des termes de son article 33 que le règlement communautaire 445-2002 du 26 février 2002 ne fait qu'offrir aux Etats la possibilité et non l'obligation de retenir la force majeure ; que, de même, les termes de circonstances concrètes à prendre en considération dans les cas individuels n'empêchent pas le pouvoir d'appréciation du préfet ;

- que M. A a pris seul la décision de quitter son activité agricole et qu'il n'indique pas la nature de son activité actuelle ;

- que M. A n'a pas satisfait à l'obligation de faire état à l'autorité compétente du cas de force majeure invoqué dans les dix jours ; qu'il n'a averti le préfet qu'en 2003 alors que l'accident est survenu en 2000 ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2010 présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre :

- que le système de sécurité bloquant la manivelle dispense de s'écarter de son champ de rotation ; que l'accident ne relève donc non pas d'une maladresse mais d'un cas fortuit ;

- que s'il n'a pas respecté le délai de dix jours pour avertir l'autorité compétente du cas de force majeure rencontré c'est parce qu'il a essayé pendant deux ans de reprendre son activité ;

Vu l'ordonnance du président de la 5ème chambre de la Cour du 11 mai 2010, fixant au 28 mai 2010 la date de clôture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance du président de la 5ème chambre de la Cour du 3 juin 2010, reportant la clôture de l'instruction au 2 juillet 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement communautaire CE n°445-2002 du 26 février 2002, et notamment son article 33 ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2010 :

- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que M. Stéphane A s'est installé en 1994 en qualité d'agriculteur associé dans le GAEC La Léchère à Villy-le-Bouveret (Haute-Savoie) ; qu'il a obtenu, selon les modalités alors en vigueur, la dotation à l'installation des jeunes agriculteurs ainsi que les prêts bonifiés auxquels l'obtention de cette aide permet de prétendre ; qu'en octobre 2000, il a été victime, dans le cadre de son travail, d'un grave accident qui l'a atteint à la face et à l'oeil et a nécessité quatre opérations chirurgicales ; qu'à la suite des séquelles persistant malgré les soins, à savoir une particulière sensibilité de l'oeil à la poussière, M. A a décidé, en septembre 2002, de sortir du GAEC et de quitter le métier d'agriculteur ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 343-5 du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur : (...) Le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article R.343-1r, doit, en outre :/ (...) 5 ° S'engager à exercer dans un délai d'un an, ou de cinq ans au maximum dans le cas de cultures pérennes, et pendant dix ans, la profession d'agriculteur à titre principal en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par la présente section (...); que l'article R 343-18 de ce même code, dans sa rédaction antérieure au décret 2004-1308 du 26 novembre 2004 dispose : (...) Si le bénéficiaire des aides ne respecte pas les engagements mentionnés (...) aux 5°, 6° et 7°et 8° de l'article R 343-5 pour les agriculteurs à titre principal (...), il est exclu du bénéfice du second versement de la dotation et de l'obtention de nouveaux prêts à moyen terme spéciaux. Il est alors tenu de rembourser, sauf cas de force majeure dûment constaté, la somme correspondant au montant du premier versement de la dotation et le cas échéant, des bonifications perçues au titre des prêts à moyen terme spéciaux, assortie des intérêts au taux légal. /Si, après le deuxième versement et à l'intérieur du délai de dix ans prévu à l'article 3 (5°) ci-dessus, le bénéficiaire des aides ne respecte pas les engagements mentionnés à l'alinéa précédent, il est déchu de ses droits à la dotation et aux prêts à moyen terme spéciaux ; il est dès lors tenu de rembourser, sauf cas de force majeure dûment constaté, la totalité de la dotation et des bonifications perçues au titre des prêts à moyen terme spéciaux utilisés, assortis des intérêts au taux légal. Si, après le deuxième versement et à l'intérieur du délai de dix ans suivant l'installation, le bénéficiaire des aides ne respecte pas les engagements mentionnés à l'alinéa précédent, il est déchu de ses droits à la dotation et aux prêts à moyen terme spéciaux ; il est alors tenu de rembourser, sauf cas de force majeure dûment constaté, la dotation et les bonifications reçues au titre des prêts à moyen terme spéciaux utilisés, assorties des intérêts au taux légal. Toutefois, lorsque le bénéficiaire cesse son activité avant le délai de dix ans et qu'il a satisfait à tous ses autres engagements, le montant du remboursement de la dotation est arrêté en fonction de la durée de l'activité effectuée sur l'exploitation, si cette durée est supérieure à cinq ans. ;

Considérant que le Préfet de Haute-Savoie n'a pas répondu favorablement à M. A, qui demandait, invoquant la force majeure, à être exonéré des remboursements prévus par le législation susmentionnée ; que le préfet, par une décision du 2 août 2004, a au contraire prononcé la déchéance de M. A des droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et a ordonné le remboursement de 25 % du montant perçu ; que M. A demande l'annulation du jugement du 12 mai 2009 qui a confirmé la décision préfectorale ;

Considérant que M. A, qui se fonde sur le caractère de force majeure de l'accident dont il a été victime, demande en premier lieu l'application de l'article 33 du règlement communautaire CE n° 445-2002 du 26 février 2002 qui dispose que : Sans préjudice de circonstances concrètes à prendre en considération dans les cas individuels, les Etats membres peuvent admettre, notamment, les catégories de force majeure suivantes : (...) l'incapacité professionnelle de longue durée de l'exploitant ; que toutefois ce texte ouvre une possibilité aux Etats membres de reconnaître une telle capacité comme cas de force majeure, sans créer à leur égard une obligation dont pourrait exciper les ressortissants devant le juge national ;

Considérant en second lieu que, pour revêtir le caractère de force majeure, l'événement en cause doit être imprévisible, irrésistible et provenir d'une cause extérieure : qu'en l'espèce, le retour de manivelle qui a frappé M. A au visage alors qu'il soignait l'une de ses bêtes et qui a eu pour effet de rendre impossible la poursuite de son activité d'agriculteur, a pu constituer un événement aux conséquences irrésistibles ; que toutefois, il ressort des explications du requérant que l'accident est consécutif au saut du cliquet de l'appareil qui maintenait en tension le pied de la vache ; que cet événement a été lui-même provoqué par un brusque mouvement de cette bête ; que, dans ces circonstances, l'accident, dont les causes ont eu pour origine l'exercice même de l'activité professionnelle normale de M. A, n'a pas revêtu les caractères d'imprévisibilité et d'indépendance de l'action de la victime constitutifs d'un cas de force majeure de nature à délier le requérant de son obligation de remboursement des 25% du montant perçu de la dotation d'installation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir soulevée en première instance par le préfet de la Haute-Savoie, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de rejeter ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Stéphane A et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président de chambre,

M. Montsec, président,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2010.

''

''

''

''

1

2

N° 09LY01669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01669
Date de la décision : 29/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Denis RAISSON
Rapporteur public ?: M. MONNIER
Avocat(s) : LE GULLUDEC ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-29;09ly01669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award