Vu la requête, enregistrée le 2 février 2009, présentée pour la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL, représentée par son Père Abbé, dont le siège est Grande Rue à Flavigny-sur-Ozerain (21150) ;
La COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602770 en date du 9 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 21 septembre 2006 par laquelle le président du Conseil régional de Bourgogne a rejeté sa demande de subvention à fin de réalisation d'une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de la région de Bourgogne la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL soutient que :
- elle constitue une congrégation relevant de la loi de 1901 et non pas de la loi du 9 décembre 1905 ;
- les dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 n'interdisent pas l'octroi de la subvention sollicitée et en refusant cette dernière au mépris du caractère général déterminant et très particulier en l'espèce de l'objet à satisfaire, la décision de la région est entachée d'une erreur de droit ;
- la décision attaquée consacre une discrimination illégale, inconstitutionnelle et inconventionnelle, fondée sur les convictions religieuses du bénéficiaire de l'aide ;
- le refus de l'aide demandée en considération de l'auteur de la demande constitue un détournement de procédure ;
- ce refus consacre également une rupture d'égalité, dès lors que plusieurs communautés ont reçu des aides de l'ADEME ou de régions pour les mêmes besoins ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2009, présenté pour la région de Bourgogne qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de La COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- dès lors que la subvention demandée n'est pas susceptible de s'inscrire dans l'une des dérogations au principe posé par l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat prohibant les aides publiques aux associations cultuelles, et que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL a une activité essentiellement cultuelle, le refus opposé n'est entaché d'aucune erreur de droit ;
- la décision attaquée respecte la loi du 9 décembre 1905, ainsi que les principes de laïcité et d'égalité à valeur constitutionnelle ; elle n'est pas plus entachée d'inconventionnalité ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er septembre 2009, présenté pour la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2010, présenté pour la région de Bourgogne qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 mai 2010, présenté pour la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL qui conclut aux mêmes fins ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2010, présenté pour la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2010 :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- les observations de Me Corneloup, pour la région de Bourgogne ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;
Considérant que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL demande à la Cour d'annuler le jugement susvisé du 9 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 21 septembre 2006 par laquelle le président du Conseil régional de Bourgogne a rejeté sa demande de subvention à fin de réalisation d'une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ; qu'il résulte de cette disposition que des collectivités publiques ne peuvent légalement accorder des subventions à des associations qui ont des activités cultuelles ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de ses statuts, la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL s'assigne pour but : selon la règle de Saint-Benoît précisée par ses Constitutions et sous la vigilance de l'évêque de Dijon, de vaquer à la prière liturgique et à l'oraison, d'accueillir les hôtes pour les retraites spirituelles et de pourvoir à la subsistance de ses membres par le produit de son travail ; que du fait de ces activités cultuelles, et en l'absence de disposition législative autorisant la région à accorder des aides ou subventions à toutes personnes physiques ou morales, y compris celles ayant des activités cultuelles, la requérante ne peut recevoir de subventions publiques qui constitueraient des subventions à un culte interdites par l'article 2 précité de la loi du 9 décembre 1905 ; que dès lors la subvention litigieuse ne pouvait être accordée sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 qui, contrairement à ce que soutient la requérante, s'appliquent également aux congrégations religieuses ; que, pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de subvention attaqué constituerait un détournement de procédure en ce qu'il a été pris eu égard à sa personne ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité des dispositions précitées de l'article 2 de la loi susvisée du 9 décembre 1905 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique (...) la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 9 décembre 1905 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ; que l'interdiction que prévoit l'article 2 de la loi susvisée du 9 décembre 1905, qui n'opère aucune distinction fondée sur la religion et qui vise à garantir le respect du principe constitutionnel de laïcité, lequel implique notamment la neutralité de l'Etat et des collectivités territoriales, ne porte pas atteinte à la liberté de manifester sa religion et ne méconnaît aucune des stipulations susmentionnées ;
Considérant, en dernier lieu, que la requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que d'autres congrégations auraient illégalement bénéficiées de subventions ayant le même objet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région de Bourgogne, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL la somme de 1 500 euros demandée par la région de Bourgogne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL est rejetée.
Article 2 : La COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL versera la somme de 1 500 euros à la région de Bourgogne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT JOSEPH DE CLAIRVAL et à la région de Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2010, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Montsec président-assesseur,
M Givord, président-assesseur,
M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 17 septembre 2010.
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N° 09LY00185