Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS de la RÉUNION,- X... ,- E... Nourzarbanou, épouse X... ,- E... Rosimine, veuve X... Alexandre,- X... Sounila,- X... Irvan,- X... Anita,- X... Dilipe,- Y... Layla, épouse X...,- X... Goulzaraly,- Z... Piaraly Hassanaly, épouse X...,- X... Farez,- X... Mickaël,- X... Sarah,- X... Abdoul Karim,- X... Napoléon,- X... Malik,- X... Prisca, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'assises de SAINT-DENIS de la RÉUNION, en date du 24 février 2009, qui a prononcé l'annulation de la procédure suivie contre Mamod FG...
Z..., A... Ali YOHAN, alias Abbas B...
z..., Honorius Jean-François C... et Riazhoussen D... des chefs, pour les trois premiers, d'assassinats et de tentatives d'assassinats et, pour le quatrième, de complicité de ces crimes ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande, en défense et en réplique ;
Sur la recevabilité des pourvois :
Attendu que si, selon l'article 316, alinéa 2, du code de procédure pénale, l'arrêt par lequel une cour d'assises, saisie de l'affaire en premier ressort, statue sur un incident contentieux ne peut faire l'objet d'un recours, il en est autrement lorsque ledit arrêt, non susceptible d'appel, met fin à la procédure et qu'au surplus, son examen fait apparaître un risque d'excès de pouvoir relevant du contrôle de la Cour de cassation ; que tel étant le cas en l'espèce, les pourvois doivent être déclarés recevables ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire produit par le procureur général, pris de la violation de l'article 181, alinéa 4, du code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 173, 174, 181 § 4, 202, 206, 215, 231 du code de procédure pénale, pour excès de pouvoirs, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour fausse application ;
" en ce que l'arrêt attaqué, rendu sur un incident élevé au cours des débats par la défense des accusés a :- déclaré recevable le moyen tiré de l'existence d'une enquête préliminaire effectuée hors saisine et hors compétence,- prononcé l'annulation de la procédure,- constaté que la cour n'était plus valablement saisie,- ordonné que les accusés soient remis en liberté s'ils ne sont détenus pour autres causes ;
" aux motifs que l'obligation d'impartialité s'étend à l'enquête préliminaire ; qu'un officier de police judiciaire a recueilli les déclarations de la victime et divers renseignements sans dresser procès-verbal ; qu'il a diligenté une enquête hors compétence s'affranchissant du contrôle de l'autorité judiciaire, portant atteinte au caractère contradictoire et équitable de la procédure ;
" alors que la décision de renvoi aux assises purge définitivement toutes les nullités de l'information s'il en existe et qu'elle est attributive de compétence dès qu'elle a autorité de chose jugée ; qu'une cour d'assises n'a donc strictement aucun pouvoir ni pour annuler quelque pièce de la procédure d'instruction que ce soit ni pour refuser de vider sa saisine en jugeant les actes et les personnes qui lui ont été déférés par une décision de renvoi définitive ; que la cour a excédé ses pouvoirs, méconnu les limites de sa compétence et violé les textes susvisés ;
" alors qu'en toute hypothèse, une juridiction ne peut annuler une décision juridictionnelle revêtue de l'autorité de la chose jugée, insusceptible d'être remise en cause, que par l'exercice normal des voies de recours, et d'être annulée dans le cadre d'une éventuelle annulation d'actes de procédure ; que la cour a ainsi encore excédé ses pouvoirs en annulant la décision juridictionnelle qui l'avait saisie ;
" alors que, enfin, un officier de police judiciaire – qui n'est pas soumis aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, lequel ne concerne que les juridictions – ne manque à aucun devoir d'impartialité en se livrant, après avoir reçu dénonciation d'un crime, à quelques brèves mesures de vérification, et à rappeler à la victime française que les juridictions françaises sont compétentes pour en connaître en l'invitant à les saisir ; que la cour a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme par fausse application " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 181, alinéa 4, et 215 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, la décision de mise en accusation, lorsqu'elle est devenue définitive, couvre, s'il en existe, les vices de procédure ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Honorius Jean-François C..., Mamod FG...
Z..., A... Ali Yohan, alias Abbas B...
z... et FF...ont été renvoyés devant la cour d'assises, pour les deux premiers, sous l'accusation d'assassinats et tentatives d'assassinats, par ordonnance du juge d'instruction en date du 18 décembre 2007, et, pour le troisième et le quatrième, sous l'accusation, l'un d'assassinat et de tentatives d'assassinats, l'autre de complicité de ces crimes, par arrêts de la chambre de l'instruction en date du 28 mars 2008 ;
Attendu que, pour prononcer l'annulation de la procédure et constater que la cour n'était plus valablement saisie, l'arrêt attaqué, statuant sur un incident contentieux, retient qu'il est apparu à l'audience que l'un des enquêteurs avait, antérieurement à la plainte initiale, recueilli les déclarations de la victime et divers renseignements hors sa compétence territoriale et sans en dresser procès-verbal ; que l'arrêt ajoute que l'irrégularité alléguée ne visant pas un acte de procédure, mais une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 181, alinéa 4, du code de procédure pénale n'est pas applicable ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'en l'état des décisions de mise en accusation précitées, elle ne pouvait que déclarer irrecevable l'exception de nullité, la cour, qui a méconnu le sens et la portée des textes susvisés, a excédé ses pouvoirs ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 février 2009, ensemble les débats qui l'ont précédé ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de Paris, statuant en premier ressort, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la société civile professionnelle Coutard, Mayer, Munier-Apaire, des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Arnould conseiller rapporteur, Mmes Chanet, Ponroy, Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan, Foulquié conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;