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02/02/2010 | FRANCE | N°09-13795

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 février 2010, 09-13795


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Orléans, 15 avril 2009), que, le 31 mai 2007, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Orléans a autorisé des agents de l'administration des impôts, en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à effectuer des visites et saisies de documents dans des locaux occupés par la société Centre viandes Beauvallet et fils (société CVBF) et la société Locadis ainsi que dan

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Orléans, 15 avril 2009), que, le 31 mai 2007, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Orléans a autorisé des agents de l'administration des impôts, en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à effectuer des visites et saisies de documents dans des locaux occupés par la société Centre viandes Beauvallet et fils (société CVBF) et la société Locadis ainsi que dans un aéronef appartenant à cette dernière ; qu'en application des dispositions de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, ces deux sociétés ont, le 21 janvier 2009, formé un appel contre cette décision ainsi que des recours contre les procès-verbaux et les opérations de visites et saisies du 1er juin 2007 ; que, joignant les procédures, l'ordonnance confirme la décision du juge des libertés et de la détention et rejette les demandes d'annulation des procès verbaux de visites et saisies ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que les sociétés Locadis et CVBF font grief à l'ordonnance d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de constat d'irrégularités, la survenance de l'opération de visite domiciliaire doit pouvoir être prévenue (CEDH, 21 février 2008, Ravon) ; que l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention ne mentionnait pas la possibilité de le saisir au début ou pendant l'opération autorisée de sorte que l'ordonnance attaquée a été rendue en méconnaissance de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en cas de constat d'irrégularités, la survenance de l'opération de visite domiciliaire doit pouvoir être prévenue (CEDH, 21 février 2008, Ravon) ; que la visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées (article L. 16 B du livre des procédures fiscales) ; qu'en l'état de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui ne mentionnait pas la possibilité de le saisir et n'avait pas prévu que l'officier de police judiciaire désigné avertisse les sociétés Locadis et CBVF d'une telle possibilité, ces dernières ont été privées d'un recours effectif auprès du magistrat ayant ordonné la visite domiciliaire de sorte que l'ordonnance attaquée a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que les sociétés Locadis et CVBF ne faisant état d'aucune irrégularité ayant pu entacher les opérations de visite et de saisies, le moyen est inopérant ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que les sociétés Locadis et CVBF font le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen, que les principes du contradictoire et de l'égalité des armes, ainsi que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, imposent d'interpréter lato sensu l'article L. 16 B II avant-dernier alinéa du livre des procédures fiscales et donc de comprendre que la "consultation" du dossier au greffe de la cour d'appel prévue par cette disposition comme impliquant que les parties puissent également obtenir la délivrance de pièces en copies, si bien qu'en interprétant cette disposition comme permettant seulement de consulter stricto sensu le dossier de l'affaire au greffe, l'ordonnance attaquée a méconnu les articles 6 § 1 et 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que si la faculté de consultation du dossier au greffe prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne dispense pas l'administration de communiquer à la partie qui le demande les pièces dont elle fait état, le premier président qui a constaté qu'il n'était saisi que d'une demande de délivrance de copie par le greffe, a pu statuer comme il a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Attendu que les sociétés Locadis et CVBF font encore le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen :
1°/ que la voie de l'appel exige du premier président de la cour d'appel qu'il procède à un véritable examen, en droit et en fait, des éléments de la cause, et ce en vertu de l'effet dévolutif propre à ce recours, de sorte qu'en ne rejugeant pas le litige mais en se contentant de porter une appréciation sur la motivation développée par le juge des libertés et de la détention, le premier président de la cour d'appel n'a pas offert un recours effectif aux sociétés Locadis et CBVF, violant ainsi l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions de l'article L. 16 B II du livre des procédures fiscales ;
2°/ que l'article L 16 B du livre des procédures fiscales impose au juge des libertés et de détention d'exercer un contrôle réel sur la requête et sur l'ensemble des éléments et pièces communiqués par les parties avant de se prononcer et d'y consacrer le temps proportionnellement nécessaire de sorte qu'en relevant que la présentation de la requête, de seize pièces et d'un projet d'ordonnance, pratique non prohibée, permettaient manifestement au premier juge d'exercer son contrôle et sa réflexion, s'agissant d'une décision rendue le lendemain de la requête, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 16 B II du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision d'autorisation ; que le nombre de pièces produites ne peut, à lui seul, laisser présumer que le premier juge s'est trouvé dans I'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude fiscale ;
Et attendu, en second lieu, que, par motifs propres et adoptés, l'ordonnance se réfère, en les analysant, à ceux des éléments fournis par l'administration qu'elle retient et relève les faits résultant de ces éléments sur lesquels le premier président a fondé son appréciation ; qu'ainsi ce dernier a satisfait aux exigences des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Locadis et Centre viandes Beauvallet et fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour les sociétés Locadis et Centre viandes Beauvallet et fils.
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du tribunal de grande instance d'Orléans du 31 mai 2007, ayant autorisé plusieurs agents de la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales à procéder à des visites et saisies dans divers locaux et dépendances appartenant aux sociétés LOCADIS et CVBF, d'avoir constaté que les procès-verbaux de visites et de saisies du 1er juin 2007 n'étaient affectés d'aucune irrégularité ou nullité, les disant en conséquence réguliers et d'avoir rejeté tous autres chefs de nullité et de demande,
AUX MOTIFS, D'UNE PART, SUR LA REGULARITE EN LA FORME DE L'ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION, QUE
"La société LOCADIS et la société CENTRE VIANDES BEAUVALLET ET FILS soutiennent que l'ordonnance déférée ne respecte pas les termes des arrêts prononcés contre la France par la Cour européenne des droits de l'homme, censurant, dans les anciennes dispositions de l'article L. 16 B du Livre des Procédures Fiscales, l'absence de recours effectif à un juge, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans l'arrêt " RAVON " rendu le 21 février 2008, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme par les dispositions anciennes de l'article L. 16 B du Livre des Procédures Fiscales, en considérant que les destinataires des opérations de visite et d'éventuelles saisies ne pouvaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite, ainsi que le cas échéant, des mesures prises sur son fondement, le ou les recours disponibles devant permettre, selon cette Cour, en cas de constat d'irrégularités, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié.
L'arrêt de la Cour européenne du 21 février 2008 n'a pas eu pour effet d'entraîner ipso facto la nullité de l'ensemble de la procédure d'autorisation des visites domiciliaires. La Cour a seulement considéré que les personnes concernées par de telles procédures devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif, c'est-à-dire qui puisse aborder contradictoirement les éléments de fait et de fond soumis à l'appréciation du juge, et a précisé en ce sens les deux points sur lesquels devait pouvoir porter ce contrôle : - la régularité de la décision autorisant la visite ; - la régularité des mesures prises sur son fondement.
Cette même Cour a ultérieurement constaté dans l'arrêt " MASCHINO " du 16 octobre 2008 et l'arrêt " IFB " du 20 novembre 2008 que l'ensemble de la procédure de visite et de saisie, conduit par application des dispositions spécifiques de l'article L. 16 B du Livre des Procédures Fiscales, étant placé sous l'autorité et le contrôle du juge - qui désigne spécialement un officier de police judiciaire pour assister à ces opérations et lui rendre compte, et qui peut aussi, à tout moment, se rendre lui-même dans les locaux et ordonner la suspension ou l'arrêt de la visite - présentait des garanties pertinentes et suffisantes au regard de la Convention européenne.
La modification apportée par l'article 164 de la loi du 4 août 2008 a donc ajouté un contrôle juridictionnel effectif devant la juridiction du Premier président, portant d'une part sur la régularité de la décision prescrivant la visite et d'autre part, sur la régularité des mesures prises sur son fondement, comblant l'absence, sanctionnée par la Cour européenne, d'effectivité du recours, qui ne prévoyait sous la rédaction ancienne qu'un pourvoi en cassation, ne permettant pas une appréciation contradictoire des éléments de fait et de droit retenus par le juge dans son ordonnance.
La loi nouvelle a maintenu en revanche les mêmes garanties déjà prévues à l'article L. 16 B, non contraires aux dispositions de la Convention européenne, ces garanties tenant notamment au fait que les opérations étaient placées sous l'autorité et le contrôle du juge, et à la présence « déléguée » de l'officier de police judiciaire, chargé de veiller au respect du secret professionnel comme des droits de la défense, et de le tenir informé du déroulement de la visite.
L'article L. 16 B dans sa rédaction actuelle et les dispositions transitoires de la loi précitée en ajoutant un contrôle juridictionnel contradictoire des éléments de fait et de droit, ont ainsi rendu conformes aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme les textes légaux autorisant les visites domiciliaires et les saisies, applicables à la recherche et à la poursuite de la fraude fiscale.
Il est d'autre part de jurisprudence constante, non contraire à celle de la Cour européenne des droits de l'homme, si l'on se réfère à l'arrêt du 8 janvier 2002, dit arrêt « KESLASSY », qu'une décision de justice peut être rendue non contradictoirement lorsque les circonstances l'exigent, ce qui est le cas des procédures de visites domiciliaires qui, si l'autorisation était soumise préalablement au principe du contradictoire et de la conciliation, perdraient toute efficacité, la lutte contre la fraude fiscale supposant de ménager " un effet de surprise ", comme le rapporteur de la commission spéciale l'a rappelé au Sénat durant l'examen du projet de loi devenu la loi du 4 août 2008.
A ce titre, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé aussi que les Etats pouvaient estimer nécessaire de recourir à de telles mesures pour établir la preuve matérielle des délits ou de la fraude fiscale, dès lors que leur législation et leur pratique en la matière offraient des garanties suffisantes contre les abus.
En l'espèce, l'autorisation du juge judiciaire, son intervention possible lors des opérations de visites domiciliaires et l'organisation d'un recours effectif sont des garanties suffisamment pertinentes, au sens de la Convention européenne, contre de tels abus.
L'ordonnance déférée, qui a été notifiée et remise à l'occupant des locaux visités ou à son représentant, circonscrit en effet les lieux de visites autorisées, désigne nommément les agents habilités à l'effectuer et les officiers de police judiciaire chargés quant à eux de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense et de tenir le juge informé du déroulement des opérations. Il est ainsi spécialement spécifié de lui référer toute difficulté d'exécution, puisque le juge peut toujours s'il l'estime utile se rendre dans les locaux visités.
Enfin, le juge est destinataire du procès-verbal de visite permettant de constater la réalité et la portée des instructions données aux officiers de police judiciaire.
Les moyens tirés de l'inadéquation des textes anciens ou actuels aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ne peuvent donc qu'être rejetés" (ordonnance attaquée, p. 7, al. 1er à p. 8, dernier al.),
ALORS, D'UNE PART, QU'en cas de constat d'irrégularités, la survenance de l'opération de visite domiciliaire doit pouvoir être prévenue (CEDH, 21 février 2008, RAVON) ; que l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention ne mentionnait pas la possibilité de le saisir au début ou pendant l'opération autorisée de sorte que l'ordonnance attaquée a été rendue en méconnaissance de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en cas de constat d'irrégularités, la survenance de l'opération de visite domiciliaire doit pouvoir être prévenue (CEDH, 21 février 2008, RAVON) ; que la visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées (article L. 16 B du Livre des Procédures Fiscales) ; qu'en l'état de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui ne mentionnait pas la possibilité de le saisir et n'avait pas prévu que l'officier de police judiciaire désigné avertisse les sociétés LOCADIS et CBVF d'une telle possibilité, ces dernières ont été privées d'un recours effectif auprès du magistrat ayant ordonné la visite domiciliaire de sorte que l'ordonnance attaquée a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales,
AUX MOTIFS, ENSUITE, SUR LE RESPECT DES PRINCIPES DU CONTRADICTOIRE ET DE L'EGALITE DES ARMES, QUE
"Les demanderesses soutiennent enfin que le principe du contradictoire et de l'égalité des armes n'a pas été respecté dans la mesure où, après leur déplacement au greffe de la juridiction du Premier Président de cette Cour, il n'a pas été fait droit à leur demande de copie de pièces.
Ce refus a fait l'objet d'une lettre datée du 17 mars 2009 adressée à leurs avocats rappelant les textes légaux et les principes de la communication des pièces en matière de procédure civile.
L'article L. 16 B II avant-dernier alinéa, issu de la modification apportée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, auquel renvoient les dispositions transitoires instituées par l'article 164 IV de cette loi, dispose qu'en cas d'appel contre l'ordonnance ayant autorisé l'administration à effectuer une visite domiciliaire, le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel "où les parties peuvent le consulter".
Il n'y a donc pas lieu, dans une procédure purement civile, au sens de la Cour européenne des droits de l'homme, et qui est donc conduite pas les parties à l'instance, que le greffe procède à la délivrance de copies du dossier de la procédure " (ordonnance attaquée, p. 11, al. 2 à 5),
ALORS QUE les principes du contradictoire et de l'égalité des armes, ainsi que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, imposent d'interpréter lato sensu l'article L. 16 B II avant-dernier alinéa du LPF et donc de comprendre que la "consultation" du dossier au greffe de la cour d'appel prévue par cette disposition comme impliquant que les parties puissent également obtenir la délivrance de pièces en copies, si bien qu'en interprétant cette disposition comme permettant seulement de consulter stricto sensu le dossier de l'affaire au greffe, l'ordonnance attaquée a méconnu les articles 6 § 1 et 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme,

AUX MOTIFS, ENSUITE, SUR LA PRESOMPTION DE FRAUDE ET LE CONTRÔLE DU JUGE D'APPEL, QUE
"Les demanderesses critiquent les informations données par l'administration fiscale et la pertinence des éléments retenus par le premier juge pour présumer une fraude fiscale et autoriser les visites domiciliaires en considérant aussi que l'ordonnance est insuffisamment motivée.
Il n'appartient pas au Juge des Libertés et de la Détention d'instruire à charge et à décharge les éléments rapportés par l'administration fiscale mais seulement de vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information que l'administration lui a fournis, que la demande d'autorisation des visites domiciliaires, et éventuellement de saisies, est fondée sur des présomptions suffisantes de fraude fiscale.
En l'espèce, après avoir visé les 16 pièces versées à son appréciation, le premier juge a justifié l'autorisation des visites domiciliaires par plus de 4 pages de motivation, démontrant qu'il a ainsi procédé à l'analyse précise des pièces qui lui ont été soumises. Il a motivé sa décision en exposant, pièce par pièce, les raisons pour lesquelles il a ordonné les visites domiciliaires.
A la lecture de l'ordonnance et de l'analyse des pièces versées, il y a lieu de considérer qu'il a fondé sa décision sur les éléments essentiels suivants, retenus dans sa motivation :
1) - La SA LOCADIS, ayant son siège social à LUXEMBOURG, a pour objet, si l'on se réfère à l'article 4 de ses statuts, l'acquisition d'avions en pleine propriété et/ou en crédit-bail en vue de leur location ainsi que la maintenance, y compris la sous-traitance de ma maintenance, des avions, et la création, la gestion, la mise en valeur, et au besoin la liquidation d'un portefeuille.
- Celle-ci a été constituée en 2004 entre la société de droit luxembourgeois Luxintercom SA et les sociétés françaises Olivet Distribution, Aubrais Distribution et Adis. Elle a pour administrateur Charles X..., Bernard X..., Pierre Y... et Jean-Pierre Z... ; son premier administrateur délégué est Charles X... ; toutes les personnes physiques sont domiciliées en France, respectivement à Nanteau sur Essonne, Orléans et Montargis.
- Jean-Pierre Z... est président des sociétés Olivet Distribution, Aubrais Distribution et actionnaire de Locadis. Pierre Y... est président de la société Adis, actionnaire de Locadis.
- Bernard X... est administrateur de la société de droit luxembourgeois Luxintercom et président de la SAS LJC qui emploie Charles X... comme chargé de mission et Frank B... en qualité de pilote. Le capital de cette société est détenu à 100 % par Bernard X... et directement ou indirectement par Luxintercom à hauteur de 80 %.
De ces éléments, le Juge des Libertés et de la Détention pouvait conclure et présumer qu'il existait des liens capitalistiques ou d'administration entre les sociétés LOCADIS, LUXINTERCOM et les personnes physiques susvisées et leurs sociétés, faisant penser à une même communauté d'intérêts.
Ces éléments sont cependant insuffisants, à ce stade, pour faire présumer un lieu d'exercice de la SA LOCADIS uniquement en France.
2) - A l'adresse du siège social de la société LOCADIS étaient répertoriées suivant les bases de données consultées sur Internet 120 autres sociétés et/ou 42 sociétés, ce qui permettait tout de même au premier juge de penser que la société de disposait pas à cet endroit des moyens matériels et humains permettant l'exercice d'une activité conforme à son objet social.
3) - La société CENTRE VIANDE BEAUVALLET ET FILS, détenue à 90 % par la société SAS LJC, ayant pour Président Bernard X..., avait fait apparaître, lors d'une vérification de comptabilité, des prestations de transport aéronautique émanant de la SA LOCADIS puisque des factures en date du 4 février 2005 et 17 août 2005 avaient été émises se rapportant à des prestations d'heures de vol effectuées pour les mois de novembre 2004, février 2005 et juillet 2005, mentionnant le prix unitaire de l'heure de vol et une TVA de 15 %. La société CENTRE VIANDE BEAUVALLET ET FILS précisait que ces factures correspondaient à des déplacements professionnels, visites de clients et fournisseurs, que l'immatriculation de l'avion utilisé pour ses déplacements était LX-PBK et que le pilote était Franck B..., salarié de la SAS LJC.
A ce stade, le premier juge pouvait raisonnablement considérer que la société SA LOCADIS avait facturé courant 2004 et 2005 des prestations de services à la société française CENTRE VIANDE BEAUVALLET ET FILS et qu'à ce titre, cette société exerçait de façon habituelle une activité commerciale conforme à son objet social.
4) - La liste des rotations de l'avion demandée par l'administration fiscale pour les mois de février, mars et juillet 2005 et pour les mois de juillet, août et septembre 2006, versée en pièce n° 10, faisait ressortir que l'aéronef, basé à "Orléans/St", c'est-à-dire Saint-Denis-de l'Hôtel, effectuait des rotations régulières vers des villes françaises et quelques rotations sur des aérodromes européens (Luxembourg, Grande-Bretagne, Pologne).
Ces indications, confortées par celles de l'article 4 des statuts de la société, permettaient au juge de présumer que la SA LOCADIS exploitait à titre habituel et unique, dans des transports réguliers situés en France, un aéronef basé dans le département du Loiret, dont le pilote était salarié de la société de droit français LJC et qu'en conséquence, les moyens d'exploitation de la société de droit luxembourgeois LOCADIS étaient situés sur le seul territoire national, alors qu'elle n'y était pas répertoriée par l'administration fiscale au titre des impôts.
La lecture de l'ordonnance déférée et l'étude des pièces communiquées font apparaître ainsi que l'administration fiscale a présenté des documents permettant au juge d'argumenter et de présenter l'existence d'une fraude fiscale.
Cet ensemble d'éléments permettait bien à celui-ci de présumer que la direction effective de la société de droit luxembourgeois SA LOCADIS se situait en France où cette société et ses dirigeants exerçaient une activité commerciale unique sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes, omettant ainsi sciemment de passer les écritures comptables afférentes à cette activité.
Le juge doit en outre seulement apprécier l'existence de présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée de telle sorte que la saisine de l'autorité judiciaire pour l'application des dispositions autonomes de l'article L. 16 B du Livre des Procédures Fiscales n'est évidemment pas subordonnée au recours préalable à d'autres procédures fiscales ou, comme il a déjà été rappelé, compte tenu des exigences de la lutte contre la fraude fiscale, à la nécessité d'un débat préalable contradictoire.
Le juge n'était pas non plus tenu d'établir la résidence fiscale ni de démontrer l'exercice de l'activité professionnelle en France. A cet égard, la rotation à deux reprises vers le Luxembourg pour la tenue d'un conseil d'administration annuel au Luxembourg, alléguée par les demanderesses, n'annule pas la présomption d'exercice d'une activité commerciale sur le seul territoire national résultant de l'exploitation habituelle de l'aéronef basé sur le territoire français, alors qu'il a été constaté de surcroît que les administrateurs sont français et que le pilote est salarié d'une société française appartenant au même groupe et qu'il réside en France.
Le fait que les demanderesses font valoir que l'activité de la SA LOCADIS est celle d'un loueur d'aéronef coque nue, prestation effectuée depuis le Luxembourg, qui n'exige pas de bureau ou de locaux de grande ampleur, et que cet élément d'information n'a pas été porté à la connaissance du juge, ne détruit pas la présomption de fraude fiscale, puisque le premier juge a eu une connaissance exacte de l'objet social de la société, décrit dans l'article 4 des statuts, que les factures émises par la société SA LOCADIS correspondent à des prestations d'heures de vol et que sont attestées les liens capitalistiques entre cette société, la SAS JVC et la SAS CENTRE VIANDES BEAUVALLET ET FILS.
C'est donc par l'indication d'éléments de droit et de fait pertinents que le premier juge a autorisé régulièrement les visites domiciliaires" (ordonnance attaquée, p. 11, al. 8 à p. 14, al. 3)",
ALORS QUE la voie de l'appel exige du Premier Président de la cour d'appel qu'il procède à un véritable examen, en droit et en fait, des éléments de la cause, et ce en vertu de l'effet dévolutif propre à ce recours, de sorte qu'en ne rejugeant pas le litige mais en se contentant de porter une appréciation sur la motivation développée par le Juge des Libertés et de la Détention, le Premier Président de la cour d'appel n'a pas offert un recours effectif aux sociétés LOCADIS et CBVF, violant ainsi l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme les dispositions de l'article L 16 B II du livre des procédures fiscales.
ET AUX MOTIFS, ENFIN, SUR LE CONTRÔLE EXERCE PAR LE JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION, QUE
" Les demanderesses relèvent qu'une autre ordonnance dont certains termes sont identiques a été rendue par un juge différent pour autoriser la visite de lieux situés dans un autre ressort, chacune des deux ordonnances étant datée du jour de présentation de la requête et comportant les mêmes pièces, ce qui démontrerait une absence de contrôle ou de liberté du premier juge dans l'appréciation de la requête et de ses pièces.
Cependant, la chambre criminelle et la chambre commerciale de la Cour de cassation ont toujours considéré que :
- les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui a signé la décision, le nombre des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa requête n'étant pas de nature en soi à laisser présumer que le juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude ;
- la circonstance que l'ordonnance soit rédigée dans les mêmes termes que celles rendues par d'autres juges n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité ;
- l'article L. 16 B du Livre des Procédures Fiscales ne prévoir aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision d'autorisation, de telle sorte que la circonstance que la décision soit rendue le même jour que celui de la présentation de la requête est sans incidence sur la régularité de la décision.
Si les présomptions sont rapportées par l'administration fiscale au juge, la présentation de la requête accompagnée des 16 pièces pouvant fonder la prise de l'ordonnance et un projet d'ordonnance qu'aucune disposition légale n'empêchait de lui soumettre permettaient manifestement au premier juge d'exercer son contrôle et sa réflexion, d'autant plus qu'il n'était pas contraint de rendre cette ordonnance le jour même de la présentation de la requête",
ALORS QUE l'article L 16 B du livre des procédures fiscales impose au juge des libertés et de détention d'exercer un contrôle réel sur la requête et sur l'ensemble des éléments et pièces communiqués par les parties avant de se prononcer et d'y consacrer le temps proportionnellement nécessaire de sorte qu'en relevant que la présentation de la requête, de seize pièces et d'un projet d'ordonnance, pratique non prohibée, permettaient manifestement au premier juge d'exercer son contrôle et sa réflexion, s'agissant d'une décision rendue le lendemain de la requête, le Premier Président de la cour d'appel a violé l'article L. 16 B II du LPF.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-13795
Date de la décision : 02/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Visites domiciliaires - Article L. 16 B du livre des procédures fiscales - Autorisation judiciaire - Conditions - Délai pour statuer (non)

L'article L. 16 B II du livre des procédures fiscales ne prévoyant aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision, le nombre de pièces produites ne peut à lui seul laisser présumer que le premier juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraudes fiscales


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 16 B II du livre des procédures fiscales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 15 avril 2009

A rapprocher :Com., 2 février 2010, pourvoi n° 09-14821, Bull. 2010, IV, n° 27 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 fév. 2010, pourvoi n°09-13795, Bull. civ. 2010, IV, n° 29
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 29

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13795
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