Vu la requête, enregistrée en télécopie le 30 avril 2008 et en original le 2 mai 2008, et le mémoire ampliatif, enregistré en télécopie le 16 juin 2008 et en original le 17 juin 2008, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE, dont le siège est 103, avenue de la République à Nanterre (92014), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0607539 du 25 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser à M. et Mme A la somme de 42 759,11 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant du décès de leur fils Ryad et la somme de 1 505,88 euros, augmentée des intérêts au taux légal, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée le 18 juin 2004 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A et les conclusions présentées par la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise devant le tribunal administratif ;
Il soutient, en premier lieu, que le jugement n'est pas suffisamment motivé ; en deuxième lieu, que la responsabilité du centre exposant n'est pas engagée dès lors qu'il n'a commis aucune faute ; que, d'une part, une erreur ou un retard de diagnostic ne sont constitutifs d'une erreur médicale que s'il est établi que les praticiens n'ont pas tenu compte des symptômes leur permettant de parvenir au diagnostic exact ou d'effectuer des examens complémentaires ; qu'en l'espèce, s'il est établi que l'enfant a été victime d'une complication pré ou périnatale, rien ne permet d'établir que cette complication soit la conséquence d'une faute imputable à l'hôpital ; que le tribunal s'est borné à retenir le lien direct et certain entre la pose des forceps et l'hématome de l'enfant sans rechercher si le choix médical avait ou non un caractère fautif ; que la présence d'une bosse séro-sanguine importante a pu faire poser à tort le diagnostic d'engagement ; que les contre-indications habituelles à l'utilisation des forceps n'étaient en l'espèce pas réunies ; que le choix de procéder à une expulsion rapide s'est trouvé justifié par la nécessité pour le praticien de couper le double du cordon enserrant le cou de l'enfant ; qu'ainsi, des symptômes peu clairs, voire trompeurs, ont orienté le praticien vers un diagnostic obstétrical qui n'était pas le bon mais qui, au moment où il a été fait, présentait un caractère légitime et, en tout état de cause, non fautif ; que, d'autre part, l'expert a relevé qu'aucune faute médicale ou de négligence dans l'organisation et le fonctionnement du service n'ont été commises à l'occasion de la prise en charge post-natale du nouveau-né jusqu'à l'intervention du SMUR ; qu'à la naissance, le score d'Apgar n'a pas révélé de souffrance anormale et qu'à 4 heures de vie, l'examen clinique et neurologique a été considéré comme normal ; que les experts ont relevé que les modalités de surveillance dans les dix heures qui ont suivi la naissance ont été conformes à une maternité de niveau I ; qu'ils ne pouvaient, dès lors, conclure que l'absence de diagnostic de l'épanchement sanguin du cuir chevelu, dont la survenance est d'ailleurs exceptionnelle, et de la gravité de l'état de l'enfant établissait que la surveillance n'avait pas été conforme aux règles de l'art ; enfin, à titre subsidiaire, que l'exposant ne pouvait être condamné à réparer l'entier préjudice dans la mesure où les experts ont relevé que l'absence de diagnostic de l'hématome n'a été à l'origine que d'une perte de chance de survie de l'enfant ; qu'en l'absence de reproche dans la prise en charge de l'enfant jusqu'à deux heures du matin, ce retard est d'une heure et quarante-cinq minutes, si on se réfère au bordereau de transmission du SAMU ; que, compte tenu de la nature exceptionnelle de la complication et alors que les conditions de la grossesse et de l'accouchement se présentaient sans anomalie particulière, la perte de chance ne peut en aucun cas correspondre à la totalité du préjudice subi ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'arrêté du 11 décembre 2008 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2010 :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,
- et les observations de Me Mirski, subsituant Me Bernfeld, pour M. et Mme A ;
Considérant que Mme A a été admise le 25 novembre 2002 au CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE pour y accoucher de son premier enfant ; que les difficultés apparues au cours de la phase d'expulsion ont conduit le médecin accoucheur à réaliser une extraction par l'utilisation de forceps ; que l'enfant de Mme A, Ryad, est décédé le 27 novembre 2002 des suites d'un hématome sous cutané diffus du cuir chevelu à l'origine d'une anémie qui, à défaut d'avoir été compensée par une transfusion sanguine, a entraîné une défaillance multi-viscérale d'origine anoxique ; que M. et Mme A ont recherché, en qualité d'ayants droit de leur fils et en leur nom personnel, la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE du fait du décès de leur fils, Ryad ; que, par jugement du 25 février 2008, le Tribunal administratif de Versailles a reconnu la responsabilité de cet établissement public dans la survenue du décès de l'enfant et l'a condamné à réparer l'intégralité du préjudice en résultant ; que le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE demande à la Cour, à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. et Mme A et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'indemnité à hauteur de la perte de chance de survie qu'aurait subie cet enfant ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme A demandent la réformation du jugement et la condamnation du centre hospitalier à leur verser une indemnité supérieure à celle fixée par le tribunal administratif ; qu'enfin, la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise demande à la Cour de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme supplémentaire de 501, 96 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport des experts désignés par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 18 juin 2004, que l'extraction par forceps de l'enfant, à laquelle le médecin accoucheur s'est livré, n'était pas, en l'absence de souffrance foetale aigue, requise par les conditions de l'accouchement et qu'elle était contre-indiquée compte tenu de la présentation haute du foetus au moment où la pose de forceps a été effectuée ; que si le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE fait valoir que la présence d'une bosse séro-sanguine masquant la position réelle de la tête de l'enfant dans l'excavation pelvienne a rendu plus difficile l'appréciation de la position de l'enfant, il résulte également de l'instruction et, notamment, du rapport des experts, que la survenue d'une bosse séro-sanguine est une complication fréquente et classique dont la possibilité doit être prise en compte par le médecin accoucheur ; que, dans ces conditions, la mauvaise évaluation de la situation obstétricale, qui a conduit à une extraction instrumentale inadaptée de l'enfant, à l'origine de l'hématome sous cutané diffus du cuir chevelu dont celui-ci a été atteint, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport des experts, qu'aucune erreur, faute médicale ou dans l'organisation du service n'a été commise à l'occasion de la prise en charge post-natale du nouveau-né ; que les experts mentionnent, notamment, que l'examen général effectué par le pédiatre à la quatrième heure de vie n'a rien révélé d'anormal, et qu'en l'absence d'anomalie, vraisemblable à ce stade, le pédiatre n'a pas pu percevoir la gravité potentielle de l'état de l'enfant ; que l'enfant a fait ensuite, durant les dix heures qui ont suivi, l'objet d'une surveillance par le personnel non médecin de l'hôpital, conforme à celle qu'est tenue d'effectuer une maternité de niveau I ; que les experts relèvent enfin que si le diagnostic d'hémorragie sévère était un diagnostic d'évolution possible, il était difficile pour un professionnel non médecin non sensibilisé à ce risque ; qu'en outre, les experts commis n'indiquent pas que le risque hémorragique était prévisible à la naissance de l'enfant ; que, dans ces conditions, le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que sa responsabilité était engagée pour défaut de surveillance du nouveau-né ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport des experts, que l'extraction de l'enfant par utilisation des forceps, alors qu'une césarienne aurait pu être pratiquée, a provoqué chez cet enfant des distorsions et des ruptures veineuses qui ont entraîné l'hématome sous cutané diffus du cuir chevelu à l'origine de l'anémie qui, faute d'avoir été décelée à temps et compensée par une transfusion sanguine, a causé une défaillance multi-viscérale d'origine anoxique dont l'enfant est décédé ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit, l'absence de mise en place d'une surveillance particulière adaptée aux risques d'hémorragie encourus par l'enfant, seule de nature à permettre de poser le diagnostic d'hématome sous cutané diffus du cuir chevelu, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, constitutive d'une faute ; que, dans ces conditions, la faute commise par le médecin accoucheur est seulement à l'origine d'une perte de chance de survie de l'enfant ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette perte de chance doit être fixée à 50 % ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne le préjudice patrimonial :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, que les frais d'hospitalisation de l'enfant à l'Institut de Puériculture de Paris le 26 novembre 2002 exposés par la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise pour le compte de M. et Mme A s'élèvent à la somme de 1 505,85 euros ;
Considérant, en second lieu, que les frais d'obsèques et de sépulture supportés par M. et Mme A s'élèvent à la somme de 4 759,11 euros ;
En ce qui concerne le préjudice personnel :
Considérant, en premier lieu, que les souffrances physiques de Ryad A, liées à l'extraction par forceps, ont été évaluées par les experts à 5 sur une échelle de 7 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif ait fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 8 000 euros ;
Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral résultant pour M. et Mme A du décès de leur enfant en l'évaluant, pour chacun, à la somme de 15 000 euros ;
Sur les indemnités dues par le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la fraction de 50 % retenue ci-dessus, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise la somme de 752,92 euros ;
Considérant, en second lieu, que compte tenu de la fraction de 50 % retenue par le présent arrêt, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE à verser à M. et Mme A la somme de 2 379, 55 euros au titre de leur préjudice matériel, la somme de 4 000 euros au titre des souffrances endurées par leur enfant, et, à chacun, la somme de 7 500 euros au titre de leur préjudice moral ; qu'ainsi, l'indemnité totale due par le centre hospitalier à M. et Mme A, tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur fils Ryad, s'élève à la somme de 21 379, 55 euros ;
Sur les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise tendant à l'octroi de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant qu'aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ; qu'aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 11 décembre 2008 susvisé : Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 955 euros et à 95 euros à compter du 1er janvier 2009 ;
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE est condamné à rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise la somme de 752, 92 euros ; que, dès lors, cette caisse est fondée à demander que soit mise à la charge du centre hospitalier l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dont le montant s'élève, en l'espèce, à la seule somme de 250, 97 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné à réparer l'intégralité du préjudice résultant du décès de l'enfant de M. et Mme A et que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander, par la voie de l'appel incident, la réévaluation des indemnités fixées le tribunal administratif ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, la somme que demande la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La somme que le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE a été condamné à verser à M. et Mme A par l'article 1er du jugement du 25 février 2008 du Tribunal administratif de Versailles est ramenée à 21 379, 55 euros.
Article 2 : La somme que le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE a été condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise par l'article 2 du jugement du 25 février 2008 du Tribunal administratif de Versailles est ramenée à 752,92 euros.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE versera à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise la somme de 250,97 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 4 : Le jugement n° 0607539 du 25 février 2008 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus de la requête du CENTRE HOSPITALIER DE NANTERRE, le surplus des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et les conclusions de M. et Mme A sont rejetés.
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N° 08VE01300