Vu le recours, enregistré le 6 octobre 2008 par télécopie et régularisé le 8 octobre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0209878/2-3 du 5 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auquel la société Banca di Roma Spa a été assujettie au titre des exercices 1997 et 1998 et des pénalités y afférentes ;
2°) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société Banca di Roma Spa ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2010 :
- le rapport de Mme Versol, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;
Considérant que la société Banca di Roma Spa, société bancaire de droit italien, aux droits de laquelle vient la société Unicredit, dispose en France d'une succursale ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de cette succursale, l'administration a estimé qu'eu égard à la nature et à l'importance de son activité, elle n'avait pas été dotée par le siège italien d'un capital suffisant pour lui permettre d'exercer son activité dans des conditions concurrentielles normales et que cette insuffisance de dotation avait nécessité le recours de la succursale à l'emprunt ; que l'administration a regardé les intérêts versés par la succursale sur les sommes empruntées au siège italien comme un transfert de bénéfices au profit du siège, au sens de l'article 57 du code général des impôts ; que, par suite, l'administration n'a pas admis en déduction le montant desdits intérêts pour la détermination des résultats imposables en France au titre des années 1997 et 1998 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel du jugement du 5 juin 2008, par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé d'accueillir la demande de substitution de base légale présentée par l'administration et a déchargé la société des impositions contestées ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 : 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un Etat exerce son activité dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé dans chaque Etat, à cet établissement stable, les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable. 3. Pour déterminer les bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés, soit dans l'Etat où est situé cet établissement stable, soit ailleurs (...) ;
Considérant qu'il est constant que la société Banca di Roma Spa exploite en France une succursale, dont les bénéfices sont passibles de l'impôt sur les sociétés en application du I de l'article 209 du code général des impôts ; que les stipulations de l'article 7 de la convention franco-italienne autorisent la France et l'Italie à déterminer le montant des bénéfices réalisés par cet établissement stable comme si ce dernier avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec le siège ; que, toutefois, ces stipulations, pas plus que les dispositions précitées du I de l'article 209 du code général des impôts, ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de permettre à l'administration de remettre en cause le caractère normal du choix arrêté par le siège de la société de financer par l'octroi d'un prêt, de préférence à un apport de fonds propres, l'activité de sa succursale et d'en tirer, le cas échéant, de quelconques conséquences fiscales ; que, par suite, le ministre ne peut utilement se prévaloir des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts combinées aux stipulations précitées de la convention franco-italienne pour soutenir que ne sont pas déductibles du bénéfice imposable en France les intérêts servis par la succursale au siège de la société Banca di Roma Spa au seul motif que ces charges financières résultent du choix imputable à la société italienne de privilégier le financement de sa succursale par le recours à l'emprunt plutôt que par une dotation en fonds propres ; qu'il suit de là que le moyen tiré par le ministre de ce qu'une nouvelle base légale pourrait être substituée à celle initialement retenue par les services fiscaux ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquels la société Banca di Roma Spa a été assujettie au titre des exercices 1997 et 1998 et des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions de la société Unicredit tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'intérêts moratoires :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...) à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...). Les intérêts courent du jour du paiement (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le paiement par l'Etat d'intérêts moratoires est de droit ; que la société Unicredit ne saurait alléguer l'existence sur ce point d'aucun litige né et actuel ; que, par suite, sont irrecevables les conclusions de la société Unicredit tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires sur les compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles dont le remboursement est demandé ;
Sur les conclusions de la société Unicredit tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que la société Unicredit demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Unicredit une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Unicredit est rejeté.
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N° 08PA05096