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03/11/2011 | FRANCE | N°08NT00638

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 novembre 2011, 08NT00638


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008, présentée pour M. Christophe X, demeurant ..., par Me Mordant, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 05-1223, 05-1861 du 18 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale annulant, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section d'Ille-et-Vilaine du 24 mai 2004 et autorisant son licenciement ;
>2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008, présentée pour M. Christophe X, demeurant ..., par Me Mordant, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 05-1223, 05-1861 du 18 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale annulant, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section d'Ille-et-Vilaine du 24 mai 2004 et autorisant son licenciement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu l'accord-cadre du 3 juin 2002 sur le périmètre et le champ d'application de L'UES Générale des Eaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2011 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Filior, avocat de M. X ;

- et les observations de Me Salmon, avocat de la SCA Veolia-Eau-Compagnie générale des eaux ;

Considérant que la SCA Compagnie générale des eaux devenue SCA Veolia-Eau-Compagnie générale des eaux, a demandé, le 13 avril 2004, à l'inspecteur du travail d'Ille-et-Vilaine l'autorisation de licencier M. X, salarié protégé, en raison des absences injustifiées de ce dernier à son poste de travail ; que cette autorisation a été refusée le 24 mai 2004 ; que, par une décision du 25 octobre 2004, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, saisi sur recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. X ; que, par un jugement en date du 18 décembre 2007, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de cette décision ; que M. X relève appel de ce jugement ;

Considérant, qu'il résulte des dispositions des articles L. 412-18 et L. 436-1 du code du travail, alors applicable, désormais repris respectivement aux articles L. 2411-3 et L. 2421-3 du même code, que tout licenciement envisagé par l'employeur de salariés légalement investis de fonctions syndicales ou de représentation du personnel ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que le cinquième alinéa de l'article L. 412-18 du code du travail, repris à l'article L. 2411-2, dispose que cette procédure est également applicable aux délégués syndicaux créés par des conventions ou accords collectifs ; qu'en vertu de ces dispositions, ces salariés bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'aux termes de l'article L. 122-14 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, désormais repris à l'article L. 1232-2 du même code : L'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. En l'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié a la faculté de se faire assister par un conseiller de son choix et l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en main propre (...) ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées

que l'obligation faite à l'employeur de respecter un délai d'au moins cinq jours ouvrables entre la notification de la lettre convoquant le salarié à l'entretien préalable au licenciement et cet entretien ne s'applique qu'en cas d'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. X a été convoqué par son employeur, par lettre recommandée avec avis de réception du 24 février 2004, présentée le 25 février, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire devant se tenir le 1er mars 2004, soit dans un délai suffisant ; que, dès lors, M. X doit être regardé comme ayant été régulièrement convoqué à un entretien préalable auquel il est constant qu'il a refusé de se rendre ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces versées au dossier que la SCA Compagnie générale des eaux qui a engagé, en février 2004, la procédure de licenciement pour faute de l'intéressé, pour des absences injustifiées d'avril 2003 à février 2004, aurait méconnu l'article L. 122-44 du code du travail selon lequel aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aucun texte n'impose que la décision prise par le ministre sur recours hiérarchique ne fasse référence à l'enquête préliminaire conduite contradictoirement, laquelle a d'ailleurs été visée par l'inspecteur du travail dans sa décision du 24 mai 2004 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a été convoqué par son employeur par lettre recommandée avec avis de réception du 4 mars 2004 devant le conseil de discipline régulièrement mis en place ; que cette convocation, à laquelle le requérant n'a pas déféré, lui a été régulièrement présentée le 5 mars 2004 ; que, dès lors, le salarié doit être regardé comme ayant été régulièrement convoqué devant le conseil de discipline ; que le moyen tiré de ce que le licenciement aurait été pour ce motif prononcé au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que par la lettre du 4 mars 2004 susvisée M. X a été informé qu'en vue de la réunion du conseil de discipline, en application des articles 42 et suivants de la réunion de la règlementation générale du personnel (...) l'élection de deux agents titulaires appartenant à sa catégorie de personnels (...) aura lieu le 22 mars 2004 ; que, par lettre du 5 mars 2004, M. X a demandé à la direction de l'entreprise, en visant l'article 44 de la règlementation, la convocation des organisations syndicales afin de définir en accord avec celles-ci les règles d'organisation de ce conseil de discipline ; que ledit article 44 prévoit que pour la mise en oeuvre du conseil de discipline des services de province une note de service définit en accord avec les organisations syndicales, les différentes catégories et le mode d'élection (...) ; que si M. X fait valoir que le scrutin qui s'est tenu le 22 mars 2004 suivant les modalités définies par deux notes de la direction de la société générale des eaux des 4 et 11 mars 2004 recèle différentes anomalies, il ne l'établit pas ; que d'ailleurs, l'assignation de l'Union générale des syndicats FO-Générale des Eaux du 17 mars 2003 soulevant les mêmes griefs au regard de la régularité de la mise en place du conseil de discipline a été rejetée par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes du 31 mars 2004 devenue définitive ; qu'il suit de là, que le moyen tiré de ce que le conseil de discipline n'aurait pas été régulièrement mis en place doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a été régulièrement convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mars 2004, présentée le 2 avril 2004, à la séance du comité d'établissement qui s'est tenue le 7 avril 2004 ; que par suite, M. X ne saurait soutenir qu'il n'aurait pas été informé de cette convocation de manière utile ;

Considérant, enfin, que si la demande d'autorisation de licenciement de M. X présentée par la SCA Compagnie générale des eaux à l'inspecteur du travail ne se référait qu'à sa qualité de membre élu du comité d'établissement Bretagne de l'unité économique et sociale (UES) générale des eaux, il est constant que cette demande, eu égard aux griefs adressés tenant aux absences injustifiées reprochés à l'intéressé, concernait l'ensemble des mandats de délégué syndical détenus par l'intéressé, qui étaient connus de cette autorité administrative, laquelle en a d'ailleurs fait mention expressément dans sa décision ; que, par ailleurs, le ministre saisi du recours hiérarchique formé par la société contre la décision du 24 mai 2004 de l'inspecteur du travail refusant le licenciement de M. X était également informé de l'ensemble des fonctions représentatives du salarié, qui sont d'ailleurs visées dans sa décision du 25 octobre 2004 ; que par suite, le moyen tiré de ce que la demande d'autorisation de licenciement formée par la société Compagnie générale des eaux et la décision contestée du ministre seraient illégales dès lors qu'elles ne feraient pas mention de certains mandats susceptibles de conférer à M. X une protection doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la Compagnie générale des eaux n'a mentionné dans sa demande d'autorisation de licenciement, ainsi qu'au cours de la procédure de consultation interne à l'entreprise, préalable à la saisine de l'inspecteur du travail, que le seul mandat d'élu titulaire au comité d'établissement de M. X ; que l'entreprise a, en effet, considéré que le mandat de délégué syndical dont était titulaire l'intéressé était frappé de caducité du fait de la mise en place de l'UES Générale des eaux résultant des accords conclus les 3 juin 2002, lesquels n'avaient pas été signés par l'organisation syndicale CGT-FO à laquelle M. X est adhérent ; qu'il est constant, cependant, que le mandat de délégué syndical de l'intéressé n'a pas été révoqué et n'a fait l'objet d'aucune contestation devant le tribunal d'instance, seul compétent pour se prononcer sur sa validité ; qu'il s'ensuit que le mandat de délégué syndical de M. X subsistait et pouvait s'exercer dans le cadre du quota d'heures légales de délégation ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la note de la direction des ressources humaines de la Compagnie générale des eaux en date du 3 juillet 2003 que, par application de l'accord sur les institutions représentatives du personnel au sein de l'UES Générale des eaux du 3 juin 2002, le syndicat Force ouvrière bénéficiait de trois postes de permanents syndicaux nationaux et de 1 393 heures au titre de l'article 7.2.1 dudit accord ; que, par courrier en date du 16 juillet 2003, l'Union générale des syndicats FO Vivendi et filiales a, tout en rappelant la contestation qu'elle avait portée devant le juge compétent s'agissant de la création de l'UES, pris acte des stipulations de cet accord et désigné M. X en qualité de délégué syndical national à mi temps, lui conférant ainsi un crédit de 760 heures de délégation à ce titre ; qu'il résulte des stipulations de l'accord du 3 juin 2002 et, notamment, de ses articles 1er et 6, que les délégués syndicaux nationaux désignés en sus des délégués syndicaux d'établissement et des délégués syndicaux centraux et mis à la disposition d'une organisation syndicale pour leur permettre de se consacrer à plein temps à l'action syndicale dans l'entreprise, doivent être regardés, nonobstant les modalités particulières d'exercice de leur mandat, comme relevant d'une catégorie de même nature que les délégués syndicaux prévus par la loi ; qu'il est constant que la Compagnie générale des eaux n'a pas davantage contesté la désignation de M. X, en qualité de délégué syndical national à mi-temps, dans le délai prescrit par les dispositions de l'article L. 412-15 du code du travail alors applicable, devant le tribunal d'instance, seul compétent pour connaître de la désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels ; que, dans ces conditions, la Compagnie générale des eaux ne peut utilement faire valoir que cette désignation était irrégulière pour en déduire que M. X ne bénéficiait d'aucun crédit d'heures attaché à ce mandat syndical ; que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ne pouvait davantage estimer, dans sa décision contestée du 25 octobre 2004, que l'intéressé ne justifiait pas remplir les conditions posées par l'accord précité du 13 juin 2002 sur le droit syndical dans l'UES Générale des eaux pour bénéficier des décharges syndicales s'y rapportant ;

Considérant, toutefois, que la société, qui a sollicité l'autorisation de licencier M. X pour des absences injustifiées d'avril 2003 à février 2004, produit devant la cour un tableau des absences déclarées par l'intéressé au titre de ses différents mandats sur la période considérée qui fait apparaitre, à partir des propres pièces transmises par M. X à son employeur et versées au dossier, que, même en tenant compte de l'ensemble des mandats revendiqués par le salarié et contestés pour certains d'entre eux par son employeur, et notamment de son poste de délégué national permanent à mi-temps, un total d'heures d'absences injustifiées de 286,50 heures au moins pour la période litigieuse ; qu'ainsi, et alors même que M. X aurait été régulièrement désigné par lettre du 16 juillet 2003 en qualité de délégué syndical national sur un poste à mi temps, les absences injustifiées qui lui sont reprochées doivent être regardées comme établies ; qu'eu égard à leur importance, elles doivent également être regardées comme constitutives d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé ; qu'il s'ensuit que le ministre chargé du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les heures de délégation dont bénéficiait M. X, au titre de ses mandats de membre élu au comité d'établissement et de ses désignations comme délégué syndical Force Ouvrière, ne lui permettaient pas de justifier auprès de son employeur de l'ensemble de ses absences à son poste de travail depuis le mois de mars 2003 et a, pour ce motif, autorisé son licenciement ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement en litige aurait été prononcé à raison de l'appartenance syndicale de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCA Veolia-Eau-Compagnie générale des eaux le versement à M. X de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui ; qu'il n'y a pas lieu d'accorder à la SCA Veolia-Eau-Compagnie générale des eaux une somme au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SCA Veolia-Eau-Compagnie générale des eaux tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christophe X, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la SCA Veolia-Eau-Compagnie générale des eaux.

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N° 08NT00638 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 08NT00638
Date de la décision : 03/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MORDANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-11-03;08nt00638 ?
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