Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2008, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 17 novembre 2009 et 4 mars 2010, présentés pour la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM, dont le siège est 37 rue de Saint Louis à Huningue (68330), représentée par son gérant en exercice, et pour la SCI HAESELAECKER, dont le siège est 60 rue Jacques Mugnier à Mulhouse (68200), par Me Soler-Couteaux ;
La SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et la SCI HAESELAECKER demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0402996 du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 novembre 2003 par lequel le préfet du Haut-Rhin a qualifié de projet d'intérêt général le programme de développement de l'aéroport de Bâle-Mulhouse et le projet de servitudes associé, ensemble la décision du 10 mai 2004 rejetant leur recours gracieux ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle sur l'interprétation de la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, modifiée par celle du Conseil n°97/11/CEE du 3 mars 1997 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de chaque société, la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que :
- le Tribunal s'est abstenu de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la procédure de PIG, mise en oeuvre pour la quatrième fois en treize ans, porte atteinte au droit au respect des biens ;
- le renouvellement sur une longue durée d'un acte ayant pour objet et pour effet de neutraliser le droit de construire porte atteinte au droit au respect des biens ;
- le renouvellement sur une longue durée d'un acte ayant pour objet et pour effet de neutraliser le droit de construire aboutit à retarder de manière abusive le droit de délaissement ;
- cet acte occasionne une rupture du juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs du droit au respect des biens ;
- faute d'avoir été précédé d'une évaluation des incidences, l'arrêté méconnaît la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, modifiée par celle du Conseil n° 97/11/CEE du 3 mars 1997 ;
- l'arrêté méconnaît l'article R. 121-3 du code de l'urbanisme ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu, enregistrés les 28 novembre 2008 et 5 mars 2010, les observations présentées pour l'aéroport de Bâle-Mulhouse, par Me Odent ;
Il conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé ;
Vu les mises en demeure, en date du 30 juin 2009, adressées par le président de la 1ère chambre de la Cour au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer de produire leurs observations dans un délai de 15 jours sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;
Vu, les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales qui se déclare incompétent pour défendre ;
Vu, enregistrés les 20 novembre 2009 et 5 mars 2010, les mémoires en défense présentés pour l'Etat par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ;
Il conclut au rejet de la requête en soutenant qu'aucun des moyens n'est fondé ;
Vu le dépôt de mandat de la SCP Zimmermann et associés au bénéfice de la Selarl Soler-Couteaux/Llorens ;
Vu, enregistrée le 16 mars 2010, la note en délibéré présentée pour la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et la SCI HAESELAECKER, par la Selarl Soler-Couteaux/Llorens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, modifiée par celle du Conseil n° 97/11/CEE du 3 mars 1997 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2010 :
- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,
- et les observations de Me N'Guyen, avocat de la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et de laSCI HAESELAECKER, ainsi que celles de Me Odent, avocet de l'aéroport de Bâle-Mulhouse ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour contester, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêté litigieux instaurant un projet d'intérêt général, les sociétés requérantes ont soutenu devant les premiers juges que la mise en place d'une telle procédure portait atteinte de manière générale à leur droit de propriété et plus particulièrement du fait des circonstances dans lesquelles cet acte a été pris ;
Considérant qu'il ressort des termes du jugement contesté que le Tribunal a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales était inopérant au regard des effets de l'arrêté contesté ; qu'en constatant le caractère inopérant du moyen, le Tribunal a implicitement mais nécessairement répondu au moyen précité dans ses deux branches ; que les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que le Tribunal aurait omis à statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales résultant des circonstances dans lesquelles l'acte litigieux a été pris;
Sur les conclusions d'annulation :
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 121-3 du code de l'urbanisme :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 121-3 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur: Le projet mentionné à l'article R. 121-3 est qualifié de projet d'intérêt général par arrêté préfectoral en vue de sa prise en compte dans un document d'urbanisme. Cet arrêté est notifié à la personne publique qui élabore le document d'urbanisme. Pour l'application de l'article L. 123-14, le préfet précise les incidences du projet sur le document.(...) ; qu'aux termes de l'article L.123-14 du même code : Lorsqu'un plan local d'urbanisme doit être révisé ou modifié pour être rendu compatible, dans les conditions prévues par l'article L. 111-1-1, avec les directives territoriales d'aménagement ou avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral, ou pour permettre la réalisation d'un nouveau projet d'intérêt général, le préfet en informe la commune.(...) ; que l'article L. 121-2 dispose que : Dans les conditions précisées par le présent titre, l'Etat veille au respect des principes définis à l'article L. 121-1 et à la prise en compte des projets d'intérêt général ainsi que des opérations d'intérêt national. Le préfet porte à la connaissance des communes ou de leurs groupements compétents les informations nécessaires à l'exercice de leurs compétences en matière d'urbanisme. Tout retard ou omission dans la transmission desdites informations est sans effet sur les procédures engagées par les communes ou leurs groupements (...) ;
Considérant que contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'arrêté qualifiant un projet d'intérêt général n'a pas nécessairement à contenir toutes les incidences du projet sur les documents d'urbanisme concernés, celles-ci étant communiquées aux collectivités intéressées au moyen du porté à connaissance prévu par l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme précité ; que l'article 2 de l'arrêté litigieux indique d'ailleurs que le projet d'intérêt général sera porté à la connaissance des maires des communes de Saint-Louis, Blotzheim, Hésingue et Bartenheim ainsi que du président du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale des cantons de Huningue et de Sierentz et du président de la communauté de communes des trois frontières en vue de la préservation de la faisabilité du projet au niveau des dispositions des document d'urbanisme dont ils ont la charge ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 121-3 doit en conséquence être rejeté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. - Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) ; que si les stipulations ci-dessus reproduites ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ; que l'acte de qualification d'un projet d'intérêt général qui a pour effet de mettre en demeure les communes concernées de procéder à la mise en compatibilité de leurs plans d'urbanisme avec le projet d'intérêt général, mais qui n'institue par lui-même aucune servitude, ni n'implique aucune dépossession, n'est pas contraire aux stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette stipulation doit être écarté;
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'étude d'incidence en méconnaissance de la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 modifiée par celle du Conseil n° 97/11/CEE du 3 mars 1997 :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive n° 85/337/CEE susvisée modifiée : 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis (...) à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4. ; qu'aux termes de l'article premier de cette directive : (...) 2. Au sens de la présente directive, on entend par : (...) autorisation : la décision de l'autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit au maître d'ouvrage de réaliser le projet.(...) ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes, qu'une autorisation est une décision de la ou des autorités compétentes donnant au maître d'ouvrage le droit de réaliser des travaux de construction ou d'autres installations ou ouvrages ou d'intervenir dans le milieu naturel ou le paysage ;
Considérant que l'arrêté qualifiant un projet d'intérêt général en vue, conformément aux dispositions des articles R. 121-3 et R. 121-4 du code de l'urbanisme, de sa prise en compte dans un document d'urbanisme ne constitue pas une autorisation au sens de ladite directive dès lors qu'elle n'ouvre pas à son bénéficiaire le droit de réaliser des travaux ; que les incidences de ce projet n'ont à être précisées que postérieurement à son approbation ; que les requérantes ne peuvent en conséquence utilement soutenir que l'arrêté en date du 28 novembre 2003 par lequel le préfet du Haut-Rhin a qualifié de projet d'intérêt général le programme de développement de l'aéroport de Bâle-Mulhouse et le projet de servitudes associé aurait été pris à l'issue d'une procédure qui, faute de prévoir la réalisation d'une évaluation de ses incidences sur l'environnement, serait contraire aux dispositions de la directive n° 85/337/CEE modifiée ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'utilisation abusive de la procédure de projet d'intérêt général :
Considérant que la circonstance que le projet d'extension de l'aéroport de Bâle-Mulhouse a déjà fait l'objet, depuis 1989, de plusieurs actes relatifs à la mise en place de la procédure d'institution d'un projet d'intérêt général qui n'ont, pour des motifs différents, pu produire tous leurs effets, est sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté, qui ne constitue pas une reconduction des arrêtés antérieurs ; qu'elle n'est pas de nature à démontrer, compte tenu notamment de l'importance du projet litigieux, un recours abusif à la procédure du projet d'intérêt général ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et la SCI HAESELAECKER ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 novembre 2003 par lequel le préfet du Haut-Rhin a qualifié de projet d'intérêt général le programme de développement de l'aéroport de Bâle-Mulhouse et le projet de servitudes associé, ensemble la décision du 10 mai 2004 rejetant leur recours gracieux ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse aux requérantes, la somme qu'elles réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il a lieu en revanche de mettre à la charge de la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et de la SCI HAESELAECKER, au bénéfice de l'aéroport Bâle-Mulhouse, la somme de 750 €, chacune, en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et de la SCI HAESELAECKER est rejetée.
Article 2 : La SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et la SCI HAESELAECKER verseront, chacune, à l'aéroport Bâle-Mulhouse la somme de 750 € (sept cent cinquante euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL DU PARC D'ACTIVITE DE BLOTZHEIM et à la SCI HAESELAECKER, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et à l'aéroport Bâle-Mulhouse.
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N°08NC01420