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20/10/2009 | FRANCE | N°08MA00907

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 20 octobre 2009, 08MA00907


Vu la requête, enregistrée le 22 février 2008, présentée pour Mme Gilberte élisant domicile ... par la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704057 en date du 27 décembre 2007, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2007 par laquelle le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire national dans le délai d'un mois ;

2°) d'annule

r, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'ordonner la délivrance d'un titre...

Vu la requête, enregistrée le 22 février 2008, présentée pour Mme Gilberte élisant domicile ... par la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704057 en date du 27 décembre 2007, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2007 par laquelle le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire national dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour comportant la mention vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'annuler la décision dont s'agit compte tenu du non respect de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et d'ordonner le réexamen de la demande de titre de séjour comportant la mention vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, la somme de 1 196 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de non admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, dans le cas contraire, la même somme à la SCP d'avocats Dessalces Ruffel en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1971 ;

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Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et portant création de l'Office national d'immigration ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2009 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Brossier, rapporteur public ;

Considérant que Mme Gilberte , de nationalité béninoise, relève appel du jugement du 27 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2007 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

Sur la légalité externe de la décision :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé : Le préfet de département peut donner délégation de signature : (...) 3° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au sous-préfet ; (...) ; que, d'une part, conformément à ces dispositions, que le Gouvernement a pu légalement énoncer dès lors qu'elles ne sont pas au nombre de celles dont la constitution réserve l'édiction au législateur, le préfet du département de l'Héraut a donné, par arrêté n° 2007-I-1316 en date du 9 juillet 2007, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, délégation à M. Bernard Huchet, sous-préfet de l'arrondissement de Béziers, aux fins de signer en matière de police générale et notamment en matière d'étrangers, les refus d'admissions au séjour et obligations de quitter le territoire français ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la délégation de signature aurait dû être autorisée par une norme législative ; que, d'autre part, dans les termes où elle est rédigée, la délégation de signature dont justifiait M. Huchet pour prendre la décision litigieuse était définie avec une précision suffisante ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, que le préfet de l'Hérault a donné délégation de signature à M. Huchet le 9 juillet 2007 et non le 31 août 2006 comme allégué ; que, par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le sous-préfet de Béziers était compétent pour décider de l'obligation de quitter le territoire litigieuse ;

Sur la légalité interne de la décision :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale et qu'aux termes de l'article 9-1 de la même convention : Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser ou de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-12 et L. 431-3 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant, d'une part, que Mme , âgée de 36 ans, célibataire et mère d'une enfant d'un an et trois mois née à Béziers à la date de la décision attaquée, doit être regardée au vu des pièces du dossier et notamment des pièces médicales qu'elle produit comme séjournant de manière continue en France depuis la fin de l'année 2001 ; que, si elle se prévaut de ce que sa demi-soeur réside dans la région parisienne et qu'elle entretient avec elle une relation soutenue alors même qu'elle vit à Béziers, elle n'apporte cependant à l'appui de ses dires aucun début de commencement de preuve ; que les allégations selon lesquelles sa mère est décédée au Congo et qu'elle n'a plus de contact avec ses frères et soeurs qui vivent au Togo ne permettent toutefois pas d'établir que l'ensemble de ses liens familiaux et affectifs se trouve sur le territoire français nonobstant la perte de ses filles jumelles à cinq mois de grossesse inhumées à Paris dès lors qu'elle ne soutient pas vivre avec le père de son enfant et qu'elle n'établit ni que d'autres membres de sa famille résideraient sur le territoire français ni qu'elle n'aurait pas d'autres parents au Bénin ; que, dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 311-13-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les décisions attaquées auraient porté à son droit à la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises et auraient ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne ; que Mme ne satisfaisant pas aux conditions posées par les dispositions qu'elle invoque de l'article L. 311-11-7°, ainsi que jugé ci-dessus, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de procéder à la consultation de la commission du titre de séjour ;

Considérant, d'autre part, que Mme fait valoir qu'elle souffre de troubles psychologiques nécessitant un suivi médical qui ne pourrait lui être dispensé au Bénin dont elle ne parle pas le dialecte ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport établi le 28 février 2007 par le médecin du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent relevant du centre hospitalier de Béziers qui assure le suivi de l'appelante depuis février 2006 que si l'état de santé de l'intéressée ainsi que celui de sa fille nécessitent une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge, ou sa moindre qualité, ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Considérant, par ailleurs, que la circonstance alléguée que son enfant éprouverait des difficultés d'ordre psychologique si elle devait quitter le territoire français ne suffit pas à établir que l'intérêt de l'enfant n'a pas été pris en compte dans la décision lui refusant le titre de séjour sollicité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 doit être écarté ; que, par ailleurs, Mme ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 9-1° de la dite convention internationale au soutien de sa demande d'annulation du refus du titre de séjour en litige dès lors qu'elles ne créent d'obligations qu'entre les Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ;

Considérant, enfin, que l'article 3 de l'arrêté en litige du 28 août 2007 prévoit que l'intéressée A l'expiration de ce délai (...) pourra être reconduite d'office à la frontière à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible (...) ; que cet article, dans les termes où il est rédigé, doit être regardé comme comportant une décision distincte de renvoi de Mme vers le Bénin dont elle a la nationalité ; que la requérante soutient, sans être contredite, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté litigieux qu'elle a fui le Bénin jeune et qu'elle ne parle pas le dialecte béninois ; que, par suite, Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2007 du préfet de l'Hérault en tant qu'elle désigne le Bénin comme pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;

Considérant que la présente décision, qui n'annule l'arrêté attaqué qu'en tant qu'il fixe le pays de renvoi, n'implique pas nécessairement que la Cour enjoigne sous astreinte au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme un titre de séjour vie privée et familiale ou de réexaminer sa demande de titre de séjour ; que, par suite, les conclusions de la requérante

sus-analysées ne peuvent être accueillies ;

Sur les frais d'instance :

Considérant que Mme a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille en date du 6 juin 2008 ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 196 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2007 en tant qu'elle désigne le Bénin comme pays de destination de la reconduite ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0704057 du 27 décembre 2007 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2007 du préfet de l'Hérault désignant le Bénin comme pays de destination de la reconduite.

Article 2 : L'article 3 de la décision du préfet de l'Hérault en date du 28 août 2007 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, la somme de 1 196 euros (mille cent quatre vingt seize euros) au titre des frais d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Gilberte , à la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

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N° 08MA00907 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00907
Date de la décision : 20/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. BROSSIER
Avocat(s) : SCP DESSALCES RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-10-20;08ma00907 ?
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