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06/04/2010 | FRANCE | N°08LY00210

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 avril 2010, 08LY00210


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2008, présentée pour M. Pascal A, domicilié à ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 061645 du 18 décembre 2007 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er j

anvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pén...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2008, présentée pour M. Pascal A, domicilié à ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 061645 du 18 décembre 2007 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'aucun avis de vérification ne lui a été remis le 15 novembre 2003 lors du contrôle inopiné effectué par le groupe d'intervention régional d'Auvergne, qui est intervenu sur les différents marchés où étaient installés ses stands, et que cette méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales entache d'irrégularité la procédure d'imposition ; qu'il faut admettre, sur les fromages, des pertes de 4,12 % pour la freinte, 14,66 % pour la coupe et 8 % pour les offerts et la consommation du personnel et de l'exploitant et, sur la charcuterie, des pertes de 11,37 % pour la freinte, sauf pour les jambons sur lesquels ce taux est plus élevé, 34,22 % pour le découennage du jambon, 8 % pour les offerts et la consommation du personnel et de l'exploitant, ainsi que des pertes sur les produits périssables ; qu'il faut également retenir 11 280 euros au titre des salaires versés en 2002 et 2003 et 811,03 euros de frais de dallage d'un emplacement au marché de Sucy-en-Brie qui ne pouvaient donner à lieu à amortissement eu égard au caractère précaire de l'autorisation d'occupation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 septembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les opérations du 15 novembre 2003 n'ont pas été réalisées par un fonctionnaire de la direction générale des impôts, mais par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou du GIR 63 qui, même s'il est composé d'agents des impôts, est placé sous l'autorité du procureur de la République, et que ces opérations ne constituaient pas un contrôle inopiné au sens de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; que le taux de perte de 5 % retenu par l'administration n'est pas sous-estimé, certains fromages étant vendus à l'unité et l'entame comme le talon du jambon étant susceptibles d'être vendus, les taux indiqués par un huissier de justice ne retraçant qu'une expérience unique réalisée sur une partie seulement des produits vendus par le requérant ; qu'en l'absence de justification quant à leur montant et à la désignation de leurs bénéficiaires, les salaires prétendument non déclarés au titre des années 2002 et 2003 ne peuvent être admis en charges déductibles ; que les travaux de dallage étaient amortissables même si le requérant ne disposait que d'une autorisation d'occupation précaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2009, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions ;

Il soutient que l'argument selon lequel les agents ayant procédé aux opérations de contrôle le 15 novembre 2003 agissaient sous l'autorité du procureur de la République est inopérant, seule la nature de leurs actes ayant une incidence sur la qualification fiscale des opérations en cause et que le juge de l'impôt doit pouvoir contrôler les investigations de nature fiscale effectuées lors de l'intervention du GIR afin que les exigences découlant de la convention européenne des droits de l'homme soient respectées ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie, le régime de preuve objective doit s'appliquer dès lors que la comptabilité existait et que la procédure contradictoire a été suivie ; que l'administration, dont la position a évolué sans que le taux de perte limité à 5 % ne soit modifié, n'a pas répondu à l'argumentation selon laquelle le prix du jambon faisait obstacle à la vente de l'entame et du talon ; que la distinction opérée par l'administration entre la prise en compte des salaires pour la détermination d'un bénéfice imposable et la déduction des salaires d'un montant de recettes reconstituées est dépourvue de toute justification et qu'il n'y a pas lieu de distinguer l'absence de comptabilité d'une comptabilité non probante ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 2 avril 2009 et régularisé par courrier le 6 avril 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui maintient ses conclusions ;

Il soutient que le requérant n'est pas fondé à prétendre que les perquisitions ont été engagées à des fins exclusivement fiscales et à transposer la jurisprudence relative à la procédure de visite et saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'eu égard au caractère hebdomadaire des livraisons, aucun risque de péremption des produits n'était couru ; que l'achat de films alimentaires a pu avoir une incidence sur la conservation des produits entamés ; que le requérant ne justifie pas du versement de salaires ;

Vu l'ordonnance en date du 20 avril 2009 fixant la clôture d'instruction au 15 mai 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2010 :

- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

- les observations de Me Nataf, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Nataf ;

Considérant que M. A, qui exerçait, au cours des années 2002 et 2003, une activité de vente ambulante de fromages et charcuteries d'Auvergne sur les marchés en région parisienne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, après l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire concernant les pièces d'une procédure pénale ; qu'à la suite de cette vérification, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2002 et 2003 et déclaré redevable d'un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ; qu'il a contesté ces impositions devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui lui a accordé, par le jugement n° 061645 du 18 décembre 2007, la décharge des pénalités de mauvaise foi dont elles avaient été assorties ; que M. A doit être regardé comme contestant ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge des impositions auxquelles il reste assujetti ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le groupe d'intervention régional d'Auvergne a réalisé le 15 novembre 2003, dans le cadre d'une enquête judiciaire, des relevés portant sur les personnels, les produits, les encaissements et les stocks liés à l'activité du requérant, ces constatations n'ont pas excédé celles pour lesquelles ce groupe avait été requis par le procureur de la République et ne sauraient être regardées comme un contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; que l'exercice ultérieur par l'administration fiscale de son droit de communication pour obtenir les relevés utilisés pour l'établissement des impositions en litige ne saurait suffire à établir l'existence d'un détournement de procédure ; que, dès lors, les moyens tirés de l'existence d'un détournement de procédure et d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, du fait de l'absence de remise d'un avis de vérification le 15 novembre 2003, ne peuvent être accueillis ;

Considérant, par ailleurs, que si M. A soutient que la visite de son entrepôt en région parisienne le 15 novembre 2003 a constitué une violation de son domicile professionnel en se prévalant de la jurisprudence relative à l'application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale n'a pas fait utilisation de cet article et il ne résulte pas de l'instruction que les droits et pénalités restant en litige procèdent de constatations effectuées lors de la visite dudit entrepôt ; que ce moyen est par suite inopérant ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les reconstitutions de recettes et de chiffre d'affaires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ; que l'administration a suivi la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté les rectifications proposées ; que, dès lors, faute de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve incombe à l'administration, nonobstant les graves irrégularités entachant la comptabilité de l'intéressé ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la comptabilité de M. A ne comportait pas de justifications de ses recettes, globalisées en fin de journée, et ne mentionnait pas les rémunérations de certains de ses employés ; que, par suite, l'administration fiscale était fondée à écarter la comptabilité présentée et à reconstituer les recettes du contribuable ; que ces recettes ont été reconstituées à partir des achats effectués et des prix relevés lors de l'intervention du 15 novembre 2003 en retenant un taux de perte de 5 % à raison de la freinte et des autres pertes ; qu'une telle méthode n'est pas radicalement viciée ; que si le requérant soutient que le pourcentage de 5 % retenu par l'administration au titre de l'ensemble des pertes est insuffisant, le constat d'huissier, réalisé en Auvergne le 9 septembre 2005, ne saurait être regardé comme représentatif des conditions réelles de l'exploitation au cours des années 2002 et 2003 ; que la méthode de reconstitution proposée par le contribuable, qui aboutit à des recettes inférieures aux recettes qu'il avait déclarées, ne peut ainsi être retenue ; que, dès lors, en faisant valoir que le contribuable était livré chaque semaine, ce qui limitait la freinte et les risques de péremption des produits, que les jambons n'étaient pas nécessairement découennés et que leurs talons étaient commercialisables, que certains fromages étaient vendus à l'unité et ne subissaient qu'une freinte de 1,16 %, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve dont elle a la charge que le taux de 5 % qu'elle a retenu au titre des pertes ne conduisait pas à une exagération des recettes du contribuable ;

En ce qui concerne les charges :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, (...) ; qu'il appartient en toute hypothèse au contribuable de justifier de la nature et du montant des charges dont il entend obtenir la déduction ;

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient qu'il a supporté des charges plus élevées, liées en particulier à la rémunération de ses employés clandestins, il ne justifie pas du montant desdites charges ; que l'accord de principe donné par l'administration pour une telle déduction dans les redressements initialement notifiés au titre des années 2000 et 2001, fondés sur une méthode de reconstitution distincte, ne saurait constituer une prise de position formelle invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que l'administration a remis en cause la déduction au titre des charges de l'exercice 2002 d'une somme de 811,03 euros relative à des travaux de dallage d'un emplacement sur le marché de Sucy-en-Brie en estimant qu'elle constituait une immobilisation pour l'application des dispositions du 2° de l'article 38 du code général des impôts ; que la circonstance que le requérant n'avait qu'un droit d'occupation précaire et révocable sur cet emplacement ne saurait faire obstacle à ce qu'il pratique l'amortissement des aménagements qu'il y a réalisés en fonction de leur durée prévisible d'utilisation en l'absence de modification de sa situation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pascal A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 avril 2010.

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N° 08LY00210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00210
Date de la décision : 06/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-06;08ly00210 ?
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