LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Quaglia et Jacob, exerçant sous l'enseigne Speedy, en qualité de technicien de montage ; qu'après s'être plaint, par courriers des 6 novembre et 7 décembre 2006, de ce qu'il n'était pas payé des heures effectuées, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, en conséquence, fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour faire droit aux demandes de M. X... relatives à ses heures supplémentaires, le moyen tiré du « paiement détourné, incomplet et illicite d'heures supplémentaires » en « primes sur chiffre d'affaires et autres appellations », sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2 / que seules donnent lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur, ou avec son accord au moins implicite ; qu'en toute hypothèse, en se bornant, pour reprocher à la société Quaglia et Jacob de n'avoir pas réglé certaines heures de travail à M. X..., à relever l'existence d'heures supplémentaires payées sous des formes irrégulières, sans rechercher si celles-ci avaient été accomplies avec l'accord, au moins implicite, de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-5, devenu L. 3121-22, et L. 212-1-1, devenu L. 3171-4, du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur n'ayant pas soutenu que les heures supplémentaires avaient été exécutées contre sa volonté, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen qui, en sa première branche, critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et pour défaut de respect de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation d'un chef de dispositif entraîne celle du chef de dispositif qui se trouve dans sa dépendance nécessaire ; que la cassation du chef de l'arrêt attaqué relatif aux heures supplémentaires et aux congés payés y afférents entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du chef, relatif aux condamnations pécuniaires consécutives à la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur, qui se trouve dans sa dépendance nécessaire ;
2° / que la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'à la condition que soient caractérisés à sa charge des manquements suffisamment graves pour la justifier ; qu'en se bornant, pour prononcer la résiliation judiciaire demandée par M. X... aux torts de la société Quaglia et Jacob, à retenir les seuls manquements répétés de l'employeur quant au respect de ses obligations de paiement de la part du salaire représentant les heures supplémentaires, manquements qualifiés comme étant « d'une certaine gravité », la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations nées du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil et des articles L. 121-1, devenu L. 1221-1, L. 122-4, devenu L. 1231-1, et L. 122-14-3, devenu L. 1232-1, du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen entraîne le rejet de la première branche qui invoquait une cassation par voie de conséquence ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a retenu le défaut de paiement d'heures supplémentaires pour un montant de 6 037 euros, a caractérisé l'existence d'un manquement imputable à l'employeur dont elle a souverainement apprécié la gravité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1184 du code civil, L. 1232-1 et L. 1235-2 du code du travail ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt, après avoir prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, retient que cette résiliation ouvre droit à l'indemnité de non-respect de la procédure de licenciement ;
Attendu, cependant, que si la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que le salarié doit être indemnisé par le versement des indemnités de rupture et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse calculée en application soit de l'article L. 1235-3, soit de l'article 1235-5 du code du travail, l'indemnité prévue en cas de non-respect de la procédure de licenciement n'est pas due ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée en application de l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Quaglia et Jacob au paiement de la somme de 2 130 euros à titre d'indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 28 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Déboute M. X... de sa demande au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par de la SCP Laugier et Caston, avocat aux conseils pour la société Quaglia et Jacob
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société QUAGLIA ET JACOB à payer à Monsieur X... les sommes de 6.037 € à titre d'heures supplémentaires et de 603,70 € au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires, il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail, L. 3171-4 du Code du travail applicable au 1er mai 2008, s'agissant des modalités de la preuve des heures supplémentaires, que le salarié doit fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande, et que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en conséquence, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; que, pour étayer sa demande, Monsieur X... produit deux lettres de la Société QUAGLIA ET JACOB des 28 novembre et 18 décembre 2006 par lesquelles elle reconnaît avoir compensé les heures supplémentaires en congés exceptionnels et que les heures supplémentaires effectuées en remplacement d'un autre salarié ont été converties en congés en réponse à trois lettres de sa part demandant le paiement des heures supplémentaires pour 48 heures de travail hebdomadaire, outre des attestations dont il ressort qu'il travaillait de 9 h 00 à 19 h 00 quatre jours par semaine et le samedi 8 heures sans interruption, prenant un sandwich sur place sans pause réelle ; que la Société QUAGLIA ET JACOB produit, pour sa part, un tableau de planning hebdomadaire indiquant les heures de travail de chaque salarié révélant que Monsieur X... n'effectuait pas d'heures supplémentaires, mais ce tableau est postérieur à la saisine du Conseil de prud'hommes et la preuve de son affichage n'est pas faite ; que si l'employeur apporte des attestations de salariés, dont celle du salarié que Monsieur X... a remplacé temporairement, il convient de retenir que leur contenu n'exclut pas que Monsieur X... prenait son déjeuner sur place et non à l'extérieur, de sorte qu'il ne bénéficiait pas d'un réel temps de pause, restant à la disposition des clients durant les deux heures que l'employeur prétend être réservées à la pause méridienne ; que la Cour retient des éléments produits devant elle qu'à compter de janvier 2005 jusqu'en juillet 2005 inclus, l'employeur mentionne sur les bulletins de paie des heures supplémentaires à 25 % de majoration pour environ 32 heures portant la durée hebdomadaire habituelle à 42,50 heures, soit le temps de travail revendiqué par Monsieur X... ; qu'il n'y a donc pas d'heures supplémentaires impayées à compter de cette date ; que la Cour relève également qu'à compter de cette date, il n'est plus versé de prime sur chiffre d'affaires ; que, pour la période de janvier à décembre 2004, les bulletins de paie font apparaître un salaire fixe pour 151,67 heures, des heures supplémentaires à 25 % de majoration pour un nombre habituel de 30 heures, plus une prime sur chiffre d'affaire de 72 à 68 € durant le premier semestre, tandis que les heures supplémentaires passent à six par mois et la prime à 350 € durant le second semestre ; qu'enfin, aucune heure supplémentaire n'apparaît sur les bulletins de paie de 2003 ni sur ceux de 2006, seule une prime sur chiffre d'affaires est inscrite ; que, cependant, la réalité d'heures supplémentaires payées sous des formes irrégulières ressort des lettres de l'employeur ; qu'alors que le contrat de travail évoque la possibilité de travailler jusqu'à 39 heures hebdomadaires, les bulletins de 2003 à 2007 ne font état que de 35 heures hebdomadaires et l'employeur n'explique pas comment l'activité de Monsieur X... passe de 151 heures mensuelles à près de 183 heures en 2005, et à nouveau à 151 heures à compter de 2006 avec un seul planning horaire pour justifier de 33 heures hebdomadaires ; que la Cour en déduit que les primes sur chiffre d'affaires et autres appellations sont un paiement détourné, incomplet et illicite d'heures supplémentaires ; que compte tenu des heures supplémentaires payées en 2004 et 2005, la Cour retient que, sur la base d'un temps de travail effectif sur cinq jours hebdomadaire de 39,50 heures, tenant compte que le salarié prenait malgré tout un temps de repose pour déjeuner sur place, les heures supplémentaires impayées depuis novembre 2003 à la fin 2006 s'élèvent à un total de 6.037 €, ainsi qu'à 603,70 € d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires (arrêt, p. 4 et 5) ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, en conséquence, fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour faire droit aux demandes de Monsieur X... relatives à ses heures supplémentaires, le moyen tiré du « paiement détourné, incomplet et illicite d'heures supplémentaires » en « primes sur chiffre d'affaires et autres appellations », sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE (SUBSIDIAIREMENT) seules donnent lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur, ou avec son accord au moins implicite ; qu'en toute hypothèse, en se bornant, pour reprocher à la Société QUAGLIA ET JACOB de n'avoir pas réglé certaines heures de travail à Monsieur X..., à relever l'existence d'heures supplémentaires payées sous des formes irrégulières, sans rechercher si celles-ci avaient été accomplies avec l'accord, au moins implicite, de l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-5, devenu L. 3121-22, et L. 212-1-1, devenu L. 3171-4, du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société QUAGLIA ET JACOB à payer à Monsieur X... les sommes de 1.704 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 4.260 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 426 € au titre des congés y afférents, 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et 2.130 € pour non-respect de la procédure de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, lorsqu'un salarié saisit la juridiction d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail puis est licencié avant la décision du juge, celui-ci doit examiner cette demande de résiliation et, si elle est fondée, en fixer les effets à la date du licenciement intervenu avant sa décision ; que, dans le cas où il ne prononce pas la résiliation judiciaire, il contrôle le licenciement ; que, saisie depuis le 27 février 2007 d'une demande de résiliation judiciaire, le licenciement n'étant intervenu que le 5 juin 2008 après le prononcé du jugement dont appel, la Cour retient que les manquements répétés de l'employeur quant au respect de ses obligations en matière de paiement de la part du salaire représentée par les heures supplémentaires caractérisent un manquement d'une certaine gravité qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail valant licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que ce licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement, à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de congés payés sur préavis et à une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, indemnités exactement évaluées par Monsieur X... et non critiquées dans leur montant par la Société QUAGLIA ET JACOB (arrêt, p. 5 et 6) ;
1°) ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif entraîne celle du chef de dispositif qui se trouve dans sa dépendance nécessaire ; que la cassation du chef de l'arrêt attaqué relatif aux heures supplémentaires et aux congés payés y afférents entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, celle du chef, relatif aux condamnations pécuniaires consécutives à la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur, qui se trouve dans sa dépendance nécessaire ;
2°) ALORS QUE (SUBSIDIAIREMENT) la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'à la condition que soient caractérisés à sa charge des manquements suffisamment graves pour la justifier ; qu'en se bornant, pour prononcer la résiliation judiciaire demandée par Monsieur X... aux torts de la Société QUAGLIA ET JACOB, à retenir les seuls manquements répétés de l'employeur quant au respect de ses obligations de paiement de la part du salaire représentant les heures supplémentaires, manquements qualifiés comme étant « d'une certaine gravité », la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations nées du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil et des articles L. 121-1, devenu L. 1221-1, L. 122-4, devenu L. 1231-1, et L. 122-14-3, devenu L. 1232-1, du Code du travail ;
3°) ALORS QUE (SUBSIDIAIREMENT) ce n'est que si la demande de résiliation judiciaire, sollicitée par le salarié aux torts de son employeur, n'est pas fondée que le juge doit se prononcer sur la régularité du licenciement ; qu'en outre, en prononçant la résiliation judiciaire aux torts de la Société QUAGLIA ET JACOB, puis en condamnant celui-ci à verser à Monsieur X... une indemnité de non-respect de la procédure de licenciement, la Cour d'appel, qui s'est prononcée à tort sur la régularité du licenciement, point devenu sans objet eu égard au prononcé de la résiliation judiciaire, a violé l'article 1184 du Code civil et les articles L. 121-1, devenu L. 1221-1, L. 122-4, devenu L. 1231-1, L. 122-14-3, devenu L. 1232-1, et L. 122-14-4, devenu L. 1235-2, du Code du travail ;
4°) ALORS QUE (SUBSIDIAIREMENT) ce n'est que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise n'ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, que le juge est en droit d'imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et d'accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité ; qu'au demeurant, en condamnant l'employeur à verser au salarié une indemnité de non-respect de la procédure de licenciement, sans même rechercher si la procédure requise avait été observée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4, devenu L. 1235-2, du Code du travail.