LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1232-6 du code du travail, 1984 et 1998 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société par actions simplifiée (SAS) Edimark le 11 mai 1998 en qualité d'assistante de production, par contrat à durée déterminée, prolongé par contrat à durée indéterminée en février 1999 ; qu'elle a été promue en 2001 responsable, puis en mars 2004, directrice de la production commerciale ; qu'elle a été licenciée le 21 février 2005 par une lettre signée par Mme Y... en sa qualité de directeur général de la SAS ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour condamner la société Edimark à payer à Mme X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la lettre licenciant la salariée le 21 février 2005 avait été signée par Mme Y..., qui venait le jour même de perdre ses fonctions de représentant légal de la société par actions simplifiée pour en devenir directeur général, que les pouvoirs de celle-ci en matière de licenciement étaient désormais subordonnés à l'accord du nouveau président, et qu'elle ne bénéficiait d'aucune délégation pour procéder à un licenciement, que celui de Mme X... avait été prononcé par une personne n'ayant ni qualité, ni pouvoir ;
Attendu, cependant, que si la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, si ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ses représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui d'engager ou de licencier les salariés de l'entreprise ; qu'aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement avait été signée par la personne exerçant les fonctions de directeur général et considérée de ce fait comme étant délégataire du pouvoir de licencier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Edimark à payer à Mme X... la somme de 50 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonné à cette société le remboursement aux ASSEDIC des indemnités de chômage perçues par Mme X... dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 24 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux conseils pour la société Edimark
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné la société EDIMARK à une indemnité de 50. 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « le défaut de qualité pour signer la lettre de licenciement emporte défaut de validité de cette formalité substantielle de la procédure et absence de toute lettre de licenciement, dont le motif n'est alors pas énoncé ; l'apparence d'habilitation de la personne signataire ne pallie pas ce défaut au motif que l'entreprise serait valablement engagée ; le manquement à cette règle est insusceptible de régularisation postérieure et il rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société Edimark est une société par actions simplifiée (SAS) ; le seul organe prévu par la loi pour représenter la société est le président, mais rien ne lui interdit de confier des pouvoirs qui lui sont propres à un directeur général conformément à l'article L. 227-6 du code de commerce ; qu'en l'espèce, le licenciement a été prononcé le 21 février 2005n, la lettre étant signée par madame Y..., qui venait le jour même de perdre ses fonctions de représentant légal de la société, au profit de fonctions de directeur générale, limitées en matière de licenciement, dès lors que ses décisions devenaient, en la matière, subordonnées à l'accord du nouveau président ; elle ne bénéficiait pas d'une délégation telle que sus-visée ; que la société Edimark soutient cependant que l'accord avait été donné et que la signature de la lettre avait donc pouvoir ; elle en veut pour prendre la mention manuscrite portée sur un double de la lettre ; mais aucune mention identique ne figure sur l'original adressé à la salariée ; en outre, la date de la mention figurant sur le double n'est aucunement établie ; la preuve de l'antériorité du pouvoir prétendument donné à madame Y... avant tout envoi de la lettre n'est donc pas rapportée ; le licenciement a été ainsi prononcé par une personne n'ayant ni la qualité, ni pouvoir ; qu'il résulte de ces seules constatations que le licenciement, dont les motifs n'ont dès lors pas à être analysés, est bien dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ».
ALORS QUE, premièrement, il suffit que le signataire de la lettre de licenciement apparaisse dans la lettre de licenciement comme ayant agi au nom de l'employeur ; qu'en décidant le contraire, pour considérer que l'apparence d'habilitation du nom du signataire était sans effet, les juges du fond ont violé les articles L. 122-14 et L. 122-14-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que le signataire de la lettre de licenciement apparaît comme ayant agi au nom de l'employeur, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être allouée que si le juge, après avoir examiné les motifs invoqués dans la lettre de licenciement, constatent qu'ils ne sont pas réels et sérieux ; qu'en se dispensant de se prononcer sur cette question, sans relever préalablement que Mme Y... n'agissait pas au nom de la société EDIMARK, les juges du fond ont en tout état de cause violé les articles L. 122-14 et L. 122-14-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné la société à une indemnité de 50. 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « le défaut de qualité pour signer la lettre de licenciement emporte défaut de validité de cette formalité substantielle de la procédure et absence de toute lettre de licenciement, dont le motif n'est alors pas énoncé ; l'apparence d'habilitation de la personne signataire ne pallie pas ce défaut au motif que l'entreprise serait valablement engagée ; le manquement à cette règle est insusceptible de régularisation postérieure et il rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société Edimark est une société par actions simplifiée (SAS) ; le seul organe prévu par la loi pour représenter la société est le président, mais rien ne lui interdit de confier des pouvoirs qui lui sont propres à un directeur général conformément à l'article L. 227-6 du code de commerce ; qu'en l'espèce, le licenciement a été prononcé le 21 février 2005n, la lettre étant signée par madame Y..., qui venait le jour même de perdre ses fonctions de représentant légal de la société, au profit de fonctions de directeur générale, limitées en matière de licenciement, dès lors que ses décisions devenaient, en la matière, subordonnées à l'accord du nouveau président ; elle ne bénéficiait pas d'une délégation telle que sus-visée ; que la société Edimark soutient cependant que l'accord avait été donné et que la signature de la lettre avait donc pouvoir ; elle en veut pour prendre la mention manuscrite portée sur un double de la lettre ; mais aucune mention identique ne figure sur l'original adressé à la salariée ; en outre, la date de la mention figurant sur le double n'est aucunement établie ; la preuve de l'antériorité du pouvoir prétendument donné à madame Y... avant tout envoi de la lettre n'est donc pas rapportée ; le licenciement a été ainsi prononcé par une personne n'ayant ni la qualité, ni pouvoir ; qu'il résulte de ces seules constatations que le licenciement, dont les motifs n'ont dès lors pas à être analysés, est bien dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ».
ALORS QUE, premièrement, lorsqu'une partie se prévaut de la régularité d'un acte, à raison du défaut de pouvoir de son auteur, elle a la charge de prouver que l'acte en cause a été accompli sans pouvoir ; qu'en énonçant que la preuve de l'antériorité au licenciement du pouvoir donné à Mme Y... n'était pas rapportée, et en faisant ainsi peser la charge de la preuve sur la société EDIMARK quand il incombait en tout état de cause à Mme X... d'établir que la lettre de licenciement émanait d'une personne dépourvue de pouvoir, les juges du second degré ont violé l'article 1315 du Code civil et les règles de la charge de la preuve ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, lorsqu'une décision de licenciement est subordonnée en vertu d'une règle d'organisation propre à l'entreprise à l'accord d'une autre personne, seule la société, dans l'intérêt de laquelle la règle en cause a été édictée, peut le cas échéant se prévaloir du défaut d'accord ; qu'en décidant le contraire, pour admettre que Mme X... pouvait invoquer le défaut d'accord, les juges du fond ont violé les articles L. 122-14 et L. 122-14-1 du Code du travail.