LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1226-8 et L. 4624-1 du code du travail ;
Attendu que l'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose aux parties et qu'il n'appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail ; qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail, le salarié ou l'employeur peuvent exercer le recours prévu par l'article L. 4624 1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 30 septembre 1977 par la société Aigle, puis à compter du 1er octobre 1987 par la société Hutchinson, en qualité d'agent de production ; qu'à la suite de deux avis de reprise du médecin du travail, le salarié, licencié le 9 septembre 2004 pour inaptitude physique d'origine professionnelle, a demandé la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié, l'arrêt, qui relève que le médecin du travail a déclaré celui-ci "apte avec restrictions, pas de manutention difficile, pas de travaux bras en l'air, ni épaules décollées, pas de ponçage, il faut s'orienter vers des travaux légers et divers de lustrage, de retouche, de dégraissage sur table, de chargement-déchargement de chaîne pour des pièces légères faciles à manipuler, aide à l'atelier protos", retient que le salarié, engagé en qualité d'agent de production, avait été affecté à un poste d'agent de finition comportant une multiplicité de tâches distinctes dont il ne pouvait plus, selon ce médecin, exécuter que quelques-unes (dégraissage et retouche) et sous des conditions très restrictives (travaux légers de retouche, dégraissage sur table) et que ces restrictions étaient telles que tout poste pouvant lui être proposé emportait au moins pour partie modification de son contrat de travail, puis déduit de ces éléments que sous couvert d'aptitude avec restrictions, ce salarié avait été déclaré par celui-ci inapte à son emploi ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Hutchinson aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hutchinson à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette la demande de cette société ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Monsieur X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 122-32-5 du code du travail, si le salarié est déclaré inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'inaptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Il ressort des deux examens médicaux de reprise par le médecin du travail que M. X... a été déclaré "apte avec restrictions, pas de manutention difficile, pas de travaux bras en l'air, ni épaules décollées, pas de ponçage, il faut s'orienter vers des travaux légers et divers de lustrage, de retouche, de dégraissage sur table, de chargement-déchargement de chaîne pour des pièces légères faciles à manipuler, aide à l'atelier protos". Il résulte des pièces du dossier que M. X... avait été engagé en qualité d'agent de production et qu'il était affecté à un poste d'agent de finition comportant une multiplicité de tâches distinctes dont il ne pouvait plus, compte tenu de l'avis du médecin du travail, exécuter que quelques-unes (dégraissage et retouche) et sous des conditions très restrictives (travaux légers de retouche, dégraissage sur table). Il se déduit de ces éléments, que sous couvert d'aptitude avec restrictions Monsieur X... était en réalité déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail puisqu'aussi bien les restrictions étaient telles que tout poste pouvant lui être proposé emportait au moins pour partie modification de son contrat de travail de sorte qu'on était bien dans le cadre de l'application de l'article L. 122-32-5 et non dans le cadre de l'application de l'article L. 122-32-4, comme l'a justement estimé l'employeur ;
ALORS QUE l'employeur ne peut procéder au licenciement du salarié pour inaptitude que lorsqu'il a été déclaré inapte par le médecin du travail, seul qualifié pour déterminer si le salarié doit être, compte tenu des conditions d'exécution de son travail et des possibilités ou impossibilités d'aménagement de son poste, considéré comme définitivement inapte à son emploi, que le juge judiciaire ne peut pas substituer son appréciation à celle du médecin du travail ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le médecin du travail avait déclaré Monsieur X... apte à reprendre son emploi avec des restrictions ; qu'en affirmant que « sous couvert d'aptitude avec restrictions Monsieur X... était en réalité déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail », la Cour d'appel a violé les articles L 1226-8 et L 4624-1 du code du travail (anciennement L 122-32-4 et L 241-10-1) ;
Et AUX MOTIFS QUE cela étant, il est établi par les pièces du dossier : que la société Hutchinson a informé M. X... après le second examen médical de reprise qu'elle allait chercher activement les possibilités de le reclasser au sein du groupe Hutchinson sur un poste compatible avec les préconisations du médecin du travail ; qu'en réponse M. X... indiqué à la société qu'il ne se voyait pas déménager, que la société a proposé à M. X... un poste d'agent de finition à mi-temps prenant en compte les restrictions du médecin du travail pour un tel poste ; qu'après que M. X... a demandé des précisions sur les caractéristiques de ce poste et que la société les lui a données, le salarié a refusé le poste proposé, que la société ne disposait pas d'autre poste disponible et compatible avec les capacités réduites de M. X..., ainsi qu'en atteste le registre du personnel produit aux débats, que, nonobstant le refus du salarié de quitter la région, la société a interrogé l'ensemble des sociétés du même groupe pour savoir si elles disposaient d'un poste disponible compatible avec l'état de santé de M. X... et qu'au vu de leurs réponses antérieures au licenciement elles n'en disposaient pas que les délégués du personnel ont été consultés à deux reprises après le second examen médical de reprise, qu'ils ont suggéré l'aide de l'AGEFlPH à laquelle la société a recouru ainsi qu'à une association Cap emploi à l'effet de rechercher une solution de reclassement du salarié en interne, sans qu'il en résulte malgré plusieurs réunions en concertation avec le médecin du travail une possibilité de reclassement pour M X.... C'est ici le lieu de préciser que si la société Hutchinson n'a pas consulté les délégués du personnel immédiatement après la déclaration d'inaptitude parce que, par erreur, elle a consulté (à deux reprises) le comité d'entreprise au demeurant composé des délégués du personnel, il n'en résulte pas qu'elle a manqué pour autant aux obligations de l'article L. 122-32-5, alinéa 1er du code du travail. En effet, la société a ultérieurement (quelques semaines plus tard), consulté effectivement les délégués du personnel, pris en compte leurs suggestions et les a ainsi associés étroitement à une recherche de reclassement pour M. X..., les consultant même une seconde fois avant l'engagement de la procédure de licenciement pour leur faire part de sa difficulté à trouver une possibilité de reclassement en dépit des recherches effectuées conformément à leurs suggestions. Il suit de ces éléments que la société Hutchinson justifie au sens de l'article L. 122-32-5, alinéa 4, du code du travail tout à la fois du refus par M. X... du poste qui lui a été proposé et de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de lui proposer un autre poste ;
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés des premiers juges QUE M. X... invoque l'absence préalable de consultation des délégués du personnel pour soutenir que la procédure de licenciement est nulle ; toutefois, l'employeur a repris intégralement cette procédure à compter du mois d'août 2004 après avoir renoncé à la première procédure ; dans le cadre de cette seconde procédure, il a consulté préalablement les délégués du personnel conformément aux dispositions de l'article L. 122-32-5 du code du travail. Or, une telle régularisation n'est nullement interdite ; la procédure de licenciement de M. X... n'est donc entachée d'aucune nullité de ce chef ;
ALORS subsidiairement QUE conformément aux dispositions de l'article L. 1226-10 (anciennement L 122-32-5) l'employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités ; que le salarié avait soutenu que l'employeur n'avait pas respecté cette obligation ; que la Cour d'appel, qui a affirmé que l'employeur avait respecté ses obligations sans mentionner ni la date de la proposition d'emploi faite au salarié ni la date de la consultation des délégués du personnel, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article L 1226-10 (anciennement L 122-32-5) ;
Et ALORS enfin QUE la preuve de l'impossibilité de reclassement incombe à l'employeur lequel doit justifier qu'il a vainement recherché un emploi en mettant en oeuvre toutes mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail et le refus par le salarié d'un poste proposé n'implique pas, à lui seul, le respect par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement ; que le salarié avait fait valoir que l'employeur ne justifiait pas avoir mis en oeuvre des mesures telles que des transformations de poste ; qu'en ne recherchant pas, comme il y était invité, si l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement en mettant en oeuvre des mesures telles que des transformations de poste, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles l'article L 1226-10 et L 1226-12 du Code du Travail (anciennement L 122-32-5).
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Monsieur X... tendant à obtenir le paiement d'un mois de préavis supplémentaire outre les congés payés afférents et de l'avoir condamné aux dépens ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 323-7 du Code du Travail, en cas de licenciement, la durée du délai-congé déterminée en application de l'article L 122-6 est doublée pour les bénéficiaires de la présente section sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au delà de trois mois la durée du délai-congé ; cependant, il est de règle que l'article L 323-7 n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L 122-32-6 (Cass Soc 11 juillet 2001 n°99 419463) ; il convient donc par ces motifs substitués à ceux des premiers juges de confirmer le jugement attaqué de ce chef ;
ALORS QUE le salarié licencié pour inaptitude bien qu'il ait été déclaré apte par le médecin du travail ou le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude ne peut être privé des avantages que lui donne l'article L 5213-9 (anciennement L 323-7) en matière de délai congé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L 5213-9 (anciennement L 323-7) ;
Et ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur X... tendant à obtenir le paiement d'un mois de préavis supplémentaire outre les congés payés afférents et ce, en application de l'article 624 du Code de Procédure Civile.