LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 67 de la loi du 9 juillet 1991 et L. 1233-61 du code du travail, ensemble l'article L. 1233-4 de ce code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Flodor industrie, devenue la société Péronne industrie, qui appartenait au groupe Unichips international, a cédé en novembre 2002 un portefeuille de marques à la société San Carlo Gruppo Alimentare (San Carlo), faisant partie du même groupe ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Péronne industrie, prononcée le 22 février 2005, le liquidateur judiciaire a établi un plan de sauvegarde de l'emploi dont une ordonnance de référé du 28 avril 2005, confirmée le 27 septembre 2005 par la cour d'appel d'Amiens, a constaté l'insuffisance, en ordonnant la présentation d'un nouveau plan ; que le liquidateur judiciaire a alors engagé devant le tribunal de grande instance une action contre des sociétés du groupe Unichips, dont la société San Carlo, pour qu'elles lui fournissent les moyens d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi satisfaisant aux exigences légales ; que des salariés licenciés ont pour leur part obtenu du juge de l'exécution la saisie conservatoire de la marque Flodor, à l'encontre de la société San Carlo ; que celle-ci a demandé au juge de l'exécution d'annuler cette saisie et d'en ordonner la mainlevée ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge de l'exécution rejetant cette demande, la cour d'appel a retenu que les salariés justifient d'une créance indemnitaire paraissant fondée en son principe à l'encontre de la société San Carlo, dès lors que le liquidateur, tenu d'établir et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi en fonction des moyens du groupe, ne peut mobiliser les moyens du groupe, sur lequel il ne dispose d'aucun pouvoir ; que chacune des sociétés du groupe apparaît tenue de mobiliser ses propres possibilités de reclassement, que la société San Carlo était la plus à même de répondre aux sollicitations du liquidateur et que, faute de l'avoir fait, elle avait à l'évidence causé aux salariés licenciés un préjudice qui ne pouvait être évalué pour chacun d'eux à une somme inférieure à 34 000 euros ;
Attendu cependant que l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi répondant aux moyens du groupe n'incombe qu'à l'employeur ; qu'il en résulte qu'une société relevant du même groupe que l'employeur n'est pas, en cette seule qualité, débitrice envers les salariés qui sont au service de ce dernier d'une obligation de reclassement et qu'elle ne répond pas, à leur égard, des conséquences d'une insuffisance des mesures de reclassement prévues dans un plan de sauvegarde de l'emploi ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les salariés ne justifiaient d'aucun principe de créance à l'égard de la société San Carlo, qui n'était pas tenue envers eux d'une obligation de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement du 24 mai 2007, par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de la société San Carlo Gruppo Alimentare tendant à obtenir la mainlevée de la saisie ordonnée le 7 juillet 2006 ;
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire des marques françaises et communautaires Flodor ;
Condamne M. X... et les 177 autres défendeurs aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société San Carlo Gruppo Alimentare SPA.
LE MOYEN REPROCHE à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé de prononcer la nullité de l'ordonnance du juge de l'exécution en date du 7 juillet 2006, qui a autorisé 178 anciens salariés de la société Péronne Industrie à procéder à la saisie conservatoire des marques française et communautaire Flodor ;
AUX MOTIFS, PROPRES ET ADOPTES, QU'aucun texte n'interdit à plusieurs créanciers de procéder par un seul et même acte à une saisie conservatoire pour garantir le montant de leur créance et qu'il ressort à l'évidence de la lecture de la requête que la créance globale pour laquelle la saisie est autorisée est la somme des créances de chaque ancien salarié de la société Péronne Industrie ; que les conditions d'application de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 sont réunies ; que chacune des sociétés du groupe Unichips, même établie à l'étranger, est tenue de mobiliser ses moyens et ses possibilités de reclassement dans le cadre de la définition du plan de sauvegarde de l'emploi ; que la société San Carlo Gruppo Alimentare est la plus à même de répondre aux sollicitations du liquidateur ; que la non-fourniture des moyens adéquats a causé aux anciens salariés un préjudice ; que ces derniers justifient donc d'un préjudice apparemment fondé en son principe à hauteur de la somme de 6 000 000 euros ; qu'eu égard à la fragilisation du groupe Unichips matérialisée par une nette dégradation des bénéfices, le recouvrement de cette créance apparaît menacé ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que la Cour d'appel a énoncé qu'« aucun texte n'interdit à plusieurs créanciers de procéder par un seul et même acte à une saisie conservatoire pour garantir le montant de leur créance et qu'il ressort à l'évidence de la lecture de la requête que la créance globale pour laquelle la saisie est autorisée est la somme des créances de chaque ancien salarié de la société Péronne Industrie » (arrêt p. 32, troisième paragraphe) ; qu'elle a ainsi considéré régulière la saisie conservatoire des marques Flodor ordonnée à la demande des 178 anciens salariés de la société Péronne Industrie, bien que ces salariés ne se soient pas prévalus d'une créance unique à l'encontre de l'exposante mais de 178 créances individuelles ; que la Cour d'appel a dès lors violé l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE toute personne peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, dans la mesure où sa créance paraît fondée en son principe ; que la Cour d'appel a retenu que les défendeurs disposent d'une créance paraissant fondée en son principe à l'encontre de l'exposante, car celle-ci serait tenue de fournir les moyens nécessaires à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi qui doit être établi suite à la liquidation judiciaire de la société Péronne Industrie ; qu'elle a ainsi retenu l'existence d'une obligation à la charge de l'exposante ; qu'une telle obligation ne résulte pourtant pas de la loi et n'a jamais été consacrée par la jurisprudence ; que la Cour d'appel a dès lors violé l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 et l'article L 321-4-1 du Code du travail (ancien) ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, dans la mesure où elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que la Cour d'appel a retenu l'existence de telles circonstances, qui pourraient se déduire de la dégradation des bénéfices du groupe Unichips et du montant de la créance alléguée par les défendeurs ; qu'elle s'est ainsi référée à la situation prétendue du groupe Unichips globalement considéré, sans prendre en considération la situation de l'exposante en particulier, qui est pourtant la seule société du groupe Unichips partie au litige ; que la Cour d'appel s'est ainsi prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, dans la mesure où elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que la Cour d'appel a retenu l'existence de telles circonstances, qui pourraient se déduire de la dégradation des bénéfices du groupe Unichips et du montant de la créance alléguée par les défendeurs ; qu'elle s'est ainsi référée à la seule évolution des bénéfices du groupe Unichips, sans prendre en compte la valeur des actifs de l'exposante, qui est pourtant le seul élément déterminant pour apprécier la possibilité d'un recouvrement de la créance alléguée ; que la Cour d'appel s'est ainsi prononcée par un motif inopérant et a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;