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04/03/2009 | FRANCE | N°08-11281

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 mars 2009, 08-11281


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 novembre 2007), que le 5 mai 2004, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de l'Ile-de-France, informée par Mme X... de son intention de vendre à Mme Y... la parcelle n° 190, lui a notifié sa décision d'exercer son droit de préemption ; que Mme X... a assigné la SAFER en annulation de la décision de préemption ;

Attendu que la SAFER fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande alors, s

elon le moyen :

1° / que les immeubles non bâtis compris dans un espace naturel ne...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 novembre 2007), que le 5 mai 2004, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de l'Ile-de-France, informée par Mme X... de son intention de vendre à Mme Y... la parcelle n° 190, lui a notifié sa décision d'exercer son droit de préemption ; que Mme X... a assigné la SAFER en annulation de la décision de préemption ;

Attendu que la SAFER fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande alors, selon le moyen :

1° / que les immeubles non bâtis compris dans un espace naturel ne sont susceptibles de perdre leur vocation agricole que s'ils sont le support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière ; qu'une SAFER peut exercer son droit de préemption afin de réaliser des projets de mise en valeur des paysages et de protection de l'environnement approuvés par l'Etat ou les collectivités locales et leurs établissements publics ; qu'en décidant que le droit de préemption de la SAFER de l'Ile-de-France ne pouvait pas s'appliquer sur la parcelle en cause tout en constatant qu'elle était située dans une zone ND-c'est-à-dire couvrant des sites et des paysages entrant dans un projet de protection existant-et classée en nature de terre, la cour d'appel a violé les articles L. 141-1, L. 143-1 et L. 143-2 anciens du code rural, ainsi que l'article R. 143-2 du même code ;

2° / que les limitations au droit de préemption des SAFER sont d'interprétation stricte ; que lorsque qu'aucune autorisation de défrichement n'est nécessaire, la seule présence d'arbres sur une parcelle n'exclut ni sa vocation agricole ou forestière ni la possibilité pour une SAFER d'exercer son droit de préemption ; qu'en décidant que la SAFER de l'Ile-de-France n'était pas fondée à exercer son droit de préemption en raison de la présence d'arbres sur la parcelle litigieuse, après avoir constaté que celle-ci ne pouvait pas pour autant recevoir la qualification de parcelle boisée au sens de l'article L. 143-4 6° du code rural et qu'en toute hypothèse une SAFER peut toujours exercer son droit de préemption sur des parcelles boisées si aucune autorisation de défrichement n'est nécessaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 143-1 et L. 143-4 6° du code rural ;

3° / qu'une construction érigée en violation des règles d'urbanisme ne peut faire échec au droit de préemption de la SAFER ; qu'en relevant pour dénier toute vocation agricole ou forestière à la parcelle en cause et exclure tout droit de préemption de la SAFER de l'Ile-de-France, qu'un bungalow construit à l'aide de parpaings de béton, couvert de tôles ondulées, d'une surface de 15 m ², avait été édifié sur la parcelle utilisée par ailleurs en terrain d'agrément, quand cette construction était contraire aux règles d'urbanisme régissant la zone ND dans laquelle la parcelle concernée était classée, la cour d'appel a violé les articles L. 141-1, L. 143-1, L. 143-2 et R. 143-2 du code rural pris dans leur rédaction applicable en la cause ;

4° / que l'utilisation d'une parcelle en terrain d'agrément n'est pas nécessairement sans rapport avec une destination agricole ou forestière et n'exclut en toute hypothèse pas la nécessité de protéger une zone naturelle sensible ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1 et L. 143-2 anciens et R. 143-2 du code rural ;

5° / que le droit de préemption de la SAFER doit s'apprécier selon les termes de la notification faite à celle-ci ; qu'en retenant que la SAFER n'était pas fondée à exercer son droit de préemption, bien que la déclaration d'intention d'aliéner portait expressément sur une parcelle de terre située dans une zone de protection des sites, la cour d'appel a violé l'article L. 412-8 du code rural ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la parcelle était plantée d'arbres divers tels que peupliers en bordure de ru, sapins, noisetiers, acacias, autres conifères, pommiers, bouleaux et diverses autres essences d'arbres, que la présence de ces arbres excluait une exploitation agricole, que sur cette parcelle était édifié un bungalow construit en dalle et parpaings de béton couvert en tôle ondulée, que la SAFER avait elle-même indiqué dans sa décision d'exercer son droit de préemption que cette parcelle, à la date de la déclaration d'intention d'aliéner était en nature réelle de terrain d'agrément, qu'elle avait été acquise par Mme X... en 2002, d'une association de pêche, qui n'avait pas vocation à en faire un usage agricole ou forestier, la cour d'appel qui a souverainement retenu qu'avant son aliénation, et à tout le moins depuis plus de deux ans, cette parcelle était le support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière, a exactement déduit de ces motifs que la parcelle en cause n'était pas soumise au droit de préemption de la SAFER ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SAFER de l'Ile-de-France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SAFER de l'Ile-de-France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la SAFER d'Ile-de-France

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nulle la décision de la SAFER de l'Ile-de-France d'exercer son droit de préemption sur la parcelle située à Amenucourt lieudit « Le Pont aux Vaches » cadastrée section n° 190, appartenant à Mlle Cécile X... ;

AUX MOTIFS QUE pour s'opposer à l'exercice par la SAFER de l'Île-de-France d'un droit de préemption sur la parcelle, Mlle Cécile X... fait en premier lieu valoir que celle-ci n'est pas soumise au droit de préemption tel que défini par les articles L. 143-1 et R 143-2 du code rural au motif qu'elle n'a pas un usage agricole ou forestier, et est exclue du droit de préemption par l'article L. 143-4 6° du même code, s'agissant d'une surface boisée (…) ; que l'article L143-1 du code rural institue au profit des SAFER un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux des biens immobiliers à utilisation agricole ou de terrains à vocation agricole, quelles que soient leurs dimensions, sous réserve des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 143-7 ; que l'article R 143-2 prévoit que pour l'application de l'article L. 143-1 sont considérés comme fonds agricoles ou terrains à vocation agricole, notamment les immeubles non bâtis susceptibles de faire l'objet d'une opération d'aménagement foncier prévue par l'article L 121-1 ou compris dans un espace naturel et rural, à l'exception de ceux qui avant la date prévue pour leur aliénation, sont le support d'un équipement permanent en usage ou d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière... des surfaces boisées qui ne peuvent pas faire l'objet d'un droit de préemption en application du 6° de l'article L 143-4 ; que l'article L. 143-4 6° du même code dispose que ne peuvent faire l'objet d'un droit de préemption les acquisitions de surfaces boisées sauf si elles ont fait l'objet d'une autorisation de défrichement ou si elles sont dispensées une déclaration de défrichement en application de l'article L. 311 3° du code forestier ; que la parcelle située à AMENUCOURT lieu-dit Le Pont aux Vaches, cadastrée section D n° 190 pour une superficie de 65a 70 ca située en zone ND est classée en nature de terres ainsi qu'il est mentionné sur la matrice cadastrale ; que si cette parcelle ne peut recevoir la qualification de parcelle boisée au sens des textes ci-dessus rappelés, elle est néanmoins implantée d'arbres divers tels que peupliers en bordure de rue sapin noisetiers acacias, autres conifères, pommiers bouleaux et diverses autres essences d'arbres ; que la présence de tels arbres qui exclut une exploitation agricole de la parcelle ne peut être imputée au seul fait qu'elle aurait été laissée à l'état de friche ; que sur cette parcelle est édifié un bungalow construit en dalle de béton et parpaings de béton ouvert en tôle ondulée ; que la SAFER de l'Île-de-France a elle-même indiqué dans sa décision d'exercer son droit de préemption que cette parcelle, à la date de la déclaration d'intention d'aliéner était en nature réelle de terrain d'agrément ; qu'elle avait été acquise par Mlle Cécile X... en 2002, d'une association de pêche, qui n'avait pas vocation à en faire un usage agricole ou forestier ; que l'ensemble de ces éléments suffit à démontrer qu'avant son aliénation et à tout le monde depuis plus de deux ans cette parcelle était le support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière ; que comme telle elle n'est pas soumise au droit de préemption de la SAFER ; que dans ces conditions le jugement entrepris doit être infirmé et la décision de la SAFER de l'Île-de-France d'exercer son droit de préemption sur la parcelle lieu-dit Le Pont aux Vaches, cadastrée section D n° 190 sera déclarée nulle ;

1°) ALORS QUE les immeubles non bâtis compris dans un espace naturel ne sont susceptibles de perdre leur vocation agricole que s'ils sont le support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière ; qu'une SAFER peut exercer son droit de préemption afin de réaliser des projets de mise en valeur des paysages et de protection de l'environnement approuvés par l'Etat ou les collectivités locales et leurs établissements publics ; qu'en décidant que le droit de préemption de la SAFER de l'Ile-de-France ne pouvait pas s'appliquer sur la parcelle en cause tout en constatant qu'elle était située dans une zone ND-c'est-à-dire couvrant des sites et des paysages entrant dans un projet de protection existant – et classée en nature de terre, la cour d'appel a violé les articles L 141-1, L 143-1 et L 143-2 anciens du code rural, ainsi que l'article R 143-2 du même code ;

2°) ALORS QUE les limitations au droit de préemption des SAFER sont d'interprétation stricte ; que lorsque qu'aucune autorisation de défrichement n'est nécessaire, la seule présence d'arbres sur une parcelle n'exclut ni sa vocation agricole ou forestière ni la possibilité pour une SAFER d'exercer son droit de préemption ; qu'en décidant que la SAFER de l'Ile-de-France n'était pas fondée à exercer son droit de préemption en raison de la présence d'arbres sur la parcelle litigieuse, après avoir constaté que celle-ci ne pouvait pas pour autant recevoir la qualification de parcelle boisée au sens de l'article L 143-4 6° du code rural et qu'en toute hypothèse une SAFER peut toujours exercer son droit de préemption sur des parcelles boisées si aucune autorisation de défrichement n'est nécessaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L 143-1 et L 143-4 6° du code rural ;

3°) ALORS QU'une construction érigée en violation des règles d'urbanisme ne peut faire échec au droit de préemption de la SAFER ; qu'en relevant pour dénier toute vocation agricole ou forestière à la parcelle en cause et exclure tout droit de préemption de la SAFER de l'Ile-de-France, qu'un bungalow construit à l'aide de parpaings de béton, couvert de tôles ondulées, d'une surface de 15 m2, avait été édifié sur la parcelle utilisée par ailleurs en terrain d'agrément, quand cette construction était contraire aux règles d'urbanisme régissant la zone ND dans laquelle la parcelle concernée était classée, la cour d'appel a violé les articles L 141-1, L 143-1, L 143-2 et R 143-2 du code rural pris dans leur rédaction applicable en la cause ;

4°) ALORS QUE l'utilisation d'une parcelle en terrain d'agrément n'est pas nécessairement sans rapport avec une destination agricole ou forestière et n'exclut en toute hypothèse pas la nécessité de protéger une zone naturelle sensible ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 143-1 et L 143-2 anciens et R 143-2 du code rural ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le droit de préemption de la SAFER doit s'apprécier selon les termes de la notification faite à celle-ci ; qu'en retenant que la SAFER n'était pas fondée à exercer son droit de préemption, bien que la déclaration d'intention d'aliéner portait expressément sur une parcelle de terre située dans une zone de protection des sites, la cour d'appel a violé l'article L 412-8 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-11281
Date de la décision : 04/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL - Préemption - Domaine d'application - Aliénation d'un immeuble non bâti - Exclusion - Parcelle, support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière - Qualification - Office du juge - Etendue - Détermination

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Société d'aménagement foncier et d'établissement rural - Droit de préemption - Exercice - Objet - Exclusion - Parcelle non bâtie, support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière - Qualification

Une cour d'appel, qui retient souverainement qu'avant son aliénation une parcelle est le support d'une activité sans rapport avec une destination agricole ou forestière, en déduit exactement, en application des articles L. 143-1 et R. 143-2 du code rural, que cette parcelle n'est pas soumise au droit de préemption de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural


Références :

articles L. 141-1, L. 143-1, L. 143-2, L. 143-4 et R. 143-2 du code rural

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 23 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 mar. 2009, pourvoi n°08-11281, Bull. civ. 2009, III, n° 59
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, III, n° 59

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Cuinat
Rapporteur ?: M. Philippot
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.11281
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