LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 décembre 2007), que la société Flywest commercialisait des billets d'avion jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire le 19 juillet 2005, la société MB associés mandataires judiciaires, représentée par M. X..., étant désignée liquidateur judiciaire (le liquidateur) ; qu'elle avait souscrit le 20 avril 2004, auprès du Crédit industriel de l'Ouest aux droits duquel est venu le CIC banque CIO-BRO (la banque), un contrat d'adhésion au système de paiement par carte bancaire dit contrat accepteur, ainsi qu'une convention de compte ; que le liquidateur a reproché à la banque d'avoir, postérieurement à sa demande de clôture, enregistré des opérations de contre-passation au débit du compte de la société Flywest résultant de la prise en compte, par le banquier des porteurs, d'oppositions au paiement formées par des clients qui avaient payé leur voyage par carte bancaire, au motif que la prestation n'avait pas été fournie ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au liquidateur la somme de 24 019, 61 euros en principal outre intérêts, alors selon le moyen :
1° / que le banquier du bénéficiaire d'un paiement à distance réalisé par carte bancaire n'a pas le pouvoir de faire obstacle à l'opposition formée par le titulaire de cette carte bancaire auprès de sa propre banque, aux fins de révoquer l'ordre de paiement donné à celle-ci ; qu'en l'espèce, comme elle le soutenait dans ses conclusions d'appel, la banque, en sa qualité de banque du bénéficiaire des paiements à distance effectués par cartes bancaires, n'avait pas le pouvoir de faire obstacle aux effets des oppositions formées, dans le délai légal, par les émetteurs de ces paiements et était seulement tenue de constater, comme elle l'avait fait en les transcrivant par contre-passation au débit du compte de sa cliente, les impayés résultant du rejet par les banques des titulaires de ces cartes bancaires des paiements sur lesquels ceux-ci avaient fait opposition, que dès lors, en retenant qu'en application de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, la banque ne pouvait régulièrement prendre en compte les oppositions formées par les clients de la société Flywest pour un motif non autorisé par la loi, aux paiements à distance faits à son profit, quand la banque n'avait pas le pouvoir de refuser de prendre en compte ses oppositions, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, ensemble l'article L. 312-1 du même code ;
2° / que le banquier du bénéficiaire d'un paiement à distance réalisé par carte bancaire n'a pas à contrôler la validité de l'opposition faite par le titulaire de cette carte bancaire auprès de sa propre banque émettrice de ladite carte et son mandataire, qu'en l'espèce comme le soutenait la banque, il ne lui appartenait pas, en sa qualité de banquier du bénéficiaire, d'apprécier le motif de contestation émis par la banque du titulaire de la carte bancaire pour donner effet à l'opposition faite par son client et rejeter le paiement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 132-2 du code monétaire et financier ;
3° / que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, aux termes de l'article 3. 8 des conditions générales du contrat d'adhésion au système de paiement à distance par cartes bancaires conclu entre la société Flywest et la banque le 20 avril 2004, la société Flywest avait autorisé la banque à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement dont la réalité même ou le montant serait contesté par écrit par le titulaire de la carte, qu'en outre l'article 9. 2 de ces conditions générales prévoyait qu'en cas de résiliation de plein droit causée par la cessation d'activité de la société Flywest, le contrat subsisterait jusqu'au dénouement des opérations en cours, qu'il résultait de ces stipulations claires et précises que même en cas de résiliation du contrat du fait de la liquidation judiciaire de sa cliente, la banque était autorisée à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement effectuée par carte bancaire à son profit avant l'ouverture de la procédure collective, dès lors que le titulaire de la carte bancaire contestait, dans sa réalité ou dans son montant l'ordre de paiement correspondant, que, ainsi, en refusant d'appliquer lesdites stipulations aux oppositions à paiement formées par les clients de la société Flywest, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, selon l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, l'ordre ou l'engagement de payer donné au moyen d'une carte bancaire est irrévocable et que l'opposition au paiement ne peut être formée que pour des cas limitativement énumérés ; qu'il en résulte que la banque du porteur ne peut admettre une opposition dont le motif n'est pas prévu par la loi et que la banque du bénéficiaire, lorsqu'elle est informée d'un tel motif, est tenue de procéder au rejet de l'impayé résultant de la prise en compte, par la banque du porteur, de l'opposition ;
Et attendu qu'après avoir constaté qu'aucune des oppositions n'avait été formée pour l'un des motifs limitativement prévus par la loi, puis retenu, d'un côté, que l'article 3. 8 des stipulations des conditions générales du contrat " accepteur ", n'était pas applicable, dès lors que les clients de la société Flywest avaient formé opposition non pas parce qu'ils contestaient la réalité ou le montant de la transaction financière, mais parce qu'ils avaient réglé une prestation que cette société ne pouvait assurer et, d'un autre, que l'article 9. 2 des mêmes conditions n'était pas davantage applicable, dès lors que, s'agissant d'oppositions non autorisées par la loi, les opérations enregistrées initialement au crédit du compte de la société Flywest constituaient des paiements irrévocables et non des opérations en cours, la cour d'appel en a exactement déduit que la banque, qui a reconnu avoir connaissance du motif invoqué, ne pouvait pas tenir compte de ces oppositions pour débiter le compte de la société Flywest par contre-passation des écritures ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CIC banque CIO-BRO aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CIC banque CIO-BRO et la condamne à payer à la société MB associés mandataires judiciaires, ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société CIC banque CIO-BRO.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la Société CIC BANQUE CIO-BRO, anciennement CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST, à payer à la SELARL MB ASSOCIES, représentée par Maître Bernard CORRE, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la Société FLYWEST, la somme de 24. 019, 61 en principal, outre les intérêts légaux à compter du 29 juillet 2005 ;
AUX MOTIFS QUE la Société FLYWEST a conclu en 2004 une convention d'adhésion au système de paiement par carte bancaire avec le CIO ; que divers paiements effectués par des clients de la Société FLYWEST ont donné lieu à inscription au crédit du compte courant de cette société, avant d'être remboursés en raison de l'opposition formée par ces clients au moyen d'une contre-passation d'écritures au dépit du compte courant, effectuée postérieurement à la demande de clôture par le liquidateur de la société ; qu'aux termes de l'article L. 132-2 du Code monétaire et financier, l'ordre ou l'engagement de payer au moyen d'une carte de paiement est irrévocable, l'opposition à paiement ne pouvant être faite qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse de la carte ou des données liées à son utilisation, de redressement ou de liquidation judiciaire du bénéficiaire ; que ce dernier cas d'opposition vise la procédure collective ouverte à l'encontre du bénéficiaire de l'ordre de paiement et est destiné à éviter que le titulaire de la carte ne procède à un paiement au profit d'un commerçant dont il ignore l'état de faillite, alors qu'il doit régler le mandataire judiciaire ; qu'aucune des oppositions à paiement n'a été faite pour un des motifs limitativement prévus par l'article L. 132-2 du Code monétaire et financier mais qu'elles ont toutes été formées pour « service non rendu ou marchandise non reçue » ; que même si l'on avait considéré, ce qui n'est pas soutenu, que les oppositions en cause avaient été motivées par l'impossibilité de la Société Flysch à exécuter ses prestations à raison de l'ouverture de sa liquidation judiciaire, il resterait qu'une telle opposition n'aurait pas eu pour effet de permettre aux porteurs de se voir restituer les fonds et partant de permettre à la banque de l'accepteur de procéder à une contre-passation d'écritures en débitant le compte de sa cliente, lesdits fonds devant revenir au liquidateur ; que la Société CIC BANQUE CIO-BRO invoque les dispositions des articles 3. 8 et suivants du contrat accepteur selon lesquelles la Société FLYWEST autorisait expressément sa banque à débiter d'office son compte du montant de toutes opérations de paiement dont la réalité ou le montant serait contesté par écrit par le titulaire de la carte ; que les débits opérés par la banque sur le compte de la Société FLYWEST correspondent à la transcription, par contre-passation, d'oppositions à paiement effectuées par des clients de cette société qui lui avaient acheté des billets d'avions antérieurement à la clôture du compte ; qu'il est constant que les clients de la Société FLYWEST ont formé opposition, non parce qu'ils contestaient la réalité ou le montant des transactions, mais parce qu'ils avaient réglé une prestation de voyage que la Société FLYWEST ne pouvait pas assurer en raison de son placement en liquidation judiciaire ; que ces dispositions contractuelles, qui ne peuvent d'ailleurs ajouter à l'article L. 132-2 du Code monétaire et financier, ne sauraient donc trouver à s'appliquer ; que la Société CIC BANQUE CIO-BRO invoque encore les dispositions de l'article 9-2 des conditions générales du contrat d'adhésion au système de paiement à distance par cartes bancaires qui dispose que : « Toute cessation d'activités de l'accepteur, cession ou mutation du fonds de commerce, entraîne la radiation immédiate de plein droit du présent contrat sous réserve du dénouement des opérations en cours. Dans le cas où, après radiation du contrat, il se révélerait des impayés, ceux-ci seront à la charge de l'accepteur ou pourront faire l'objet d'une déclaration de créance » ; mais que les impayés en cause s'entendent de toutes opérations de paiement dont la réalité ou le montant serait contesté par le titulaire de la carte et ne sauraient concerner des impayés pour « service non rendu » ; que s'agissant d'un cas d'opposition non autorisé par la loi-ni par les dispositions contractuelles-les opérations enregistrées initialement au crédit du compte de la Société FLYWEST correspondaient à des paiements irrévocables et non pas à des opérations en cours ; qu'il apparaît ainsi que la Société CIC BANQUE CIO-BRO ne pouvait régulièrement prendre en compte ces oppositions pour débiter le compte de la Société FLYWEST par contre-passation d'écritures ; que la banque doit donc remettre à la SELARL MB ASSOCIES, ès qualités, le solde disponible du compte de la Société FLYWEST tel qu'il existait à la date à laquelle le liquidateur de la liquidation judiciaire de ladite société a demandé à la Société CIC BANQUE CIO-BRO de procéder à la clôture du compte, soit le 20 juillet 2005 ; que le solde du compte de la Société FLYWEST était créditeur à hauteur de la somme de 8. 640, 11 le 31 juillet 2005 ; qu'après annulation des écritures contre-passées à tort au débit de ce compte, il apparaît que c'est d'une somme de 24. 019, 61 qu'il était créditeur au 20 juillet 2005 ; qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société CIC BANQUE CIO-BRO à payer à la SELARL MB ASSOCIES, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la Société FLYWEST, la somme de 24. 019, 61 avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2005 ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE le banquier du bénéficiaire d'un paiement à distance réalisé par carte bancaire n'a pas le pouvoir de faire obstacle à l'opposition formée par le titulaire de cette carte bancaire auprès de sa propre banque, aux fins de révoquer l'ordre de paiement donné à celle-ci ; qu'en l'espèce, comme elle le soutenait dans ses conclusions d'appel, la Société CIC BANQUE CIO-BRO, en sa qualité de banque du bénéficiaire des paiements à distance effectués par cartes bancaires, n'avait pas le pouvoir de faire obstacle aux effets des oppositions formées, dans le délai légal, par les émetteurs de ces paiements et était seulement tenue de constater, comme elle l'avait fait en les transcrivant par contre-passation au débit du compte de sa cliente, les impayés résultant du rejet par les banques des titulaires de ces cartes bancaires des paiements sur lesquels ceux-ci avaient fait opposition ; que dès lors, en retenant qu'en application de l'article L. 132-2 du Code monétaire et financier, la Société CIC BANQUE CIO-BRO ne pouvait régulièrement prendre en compte les oppositions formées par les clients de la Société FLYWEST pour un motif non autorisé par la loi, aux paiements à distances faits à son profit, quand l'exposante n'avait pas le pouvoir de refuser de prendre en compte ces oppositions, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 132-2 du Code monétaire et financier, ensemble l'article L. 312-1 du même Code ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le banquier du bénéficiaire d'un paiement à distance réalisé par carte bancaire n'a pas à contrôler la validité de l'opposition faite par le titulaire de cette carte bancaire auprès de sa propre banque, émettrice de ladite carte et son mandataire ; qu'en l'espèce, comme le soutenait la Société CIC BANQUE CIO-BRO, il ne lui appartenait pas, en sa qualité de banquier du bénéficiaire, d'apprécier le motif de constatation émis par la banque du titulaire de la carte bancaire pour donner effet à l'opposition faite par son client et rejeter le paiement ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 132-2 du Code monétaire et financier ;
3) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, aux termes de l'article 3. 8 des conditions générales du contrat d'adhésion au système de paiement à distance par cartes bancaires conclu entre la Société FLYWEST et le CIO le 20 avril 2004, la Société FLYWEST avait autorisé la banque à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement dont la réalité même ou le montant serait contesté par écrit par le titulaire de la carte ; qu'en outre, l'article 9. 2 de ces conditions générales prévoyait qu'en cas de résiliation de plein droit causée par la cessation d'activité de la Société FLYWEST, le contrat subsisterait jusqu'au dénouement des opérations en cours ; qu'il résultait de ces stipulations claires et précises que même en cas de résiliation du contrat du fait de la liquidation judiciaire de sa cliente, le CIO était autorisé à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement effectuée par carte bancaire à son profit avant l'ouverture de la procédure collective, dès lors que le titulaire de la carte bancaire contestait, dans sa réalité ou dans son montant, l'ordre de paiement correspondant ; que ainsi, en refusant d'appliquer lesdites stipulations aux oppositions à paiement formées par les clients de la Société FLYWEST, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.