Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 7 août 2007, sous le n° 07MA03249 présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN, dont le siège est 12 rue de la République à Nîmes Cédex 01 (30032), par Me Richer, avocat ;
La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0506825 du 21 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Grau-du-Roi à lui verser, d'une part, la somme de 8 967 890,95 euros, en réparation du préjudice résultant pour elle de la résiliation, à compter du 1er janvier 2002, de la concession d'établissement et d'exploitation du port de plaisance de Port Camargue ;
2°) de condamner la commune intimée à lui verser les sommes de 4 446 692 euros au titre dudit préjudice, de 55 387,57 euros au titre des frais d'expertise et de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2009 :
- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;
- les observations de Me Richer, avocat pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN et de Me Barbeau Bournoville, avocat, pour la commune du Grau du Roi ;
Considérant que, par un arrêté du 4 juin 1969, l'Etat a concédé à la Chambre de commerce et d'industrie de Nîmes-Uzès-Bagnols-Le Vigan l'établissement et l'exploitation du port de plaisance de Port Camargue pour une durée de cinquante ans ; qu'en application des dispositions de la loi du 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, cette dépendance du domaine public a été transférée à la commune du Grau du Roi ; qu'en vue de la reprise de ces installations et de leur exploitation en régie, cette collectivité a prononcé, par délibération du 20 novembre 2001, la résiliation de la concession à compter du 1er janvier 2002 ; que, sans contester le bien fondé de cette décision, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN a alors sollicité le versement d'une indemnité destinée à réparer le préjudice causé par cette rupture prématurée du contrat ; qu'à la suite du refus opposé par la commune, cet établissement public a demande la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 8 967 890,95 euros ; que la CCI fait appel du jugement en date du 21 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande et ramené sa demande indemnitaire à la somme de 4 446 692 euros ;
Sur le droit à indemnité du concessionnaire du fait de la résiliation :
Considérant que l'article 46 du cahier des charges de la concession passée par l'Etat avec la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN stipule : A toute époque l'Etat aura le droit de retirer la concession, à charge pour lui de pourvoir au paiement des annuités restant à courir pour l'intérêt et l'amortissement des emprunts affectés à l'établissement de l'outillage et de supporter toutes les dépenses régulièrement engagées qui se rattacheraient à l'administration du service. Ce retrait aura les mêmes effets que la reprise visée à l'article précédent. L'Etat sera tenu de se substituer au concessionnaire pour l'exécution de tous les engagements normalement pris par lui pour l'exécution du service et de continuer à assurer ce service jusqu'à ce que la suppression des installations ait été prononcée ;
Considérant que dans le cas où, comme en l'espèce, il n'est pas contesté que la résiliation est intervenue pour un motif d'intérêt général justifiant que l'exploitation soit établie sur des bases nouvelles, les modalités comme l'étendue des droits à indemnisation reconnus au concessionnaire évincé peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles sans méconnaître un principe général du droit et sans porter atteinte au principe de sécurité juridique, sous la réserve qu'elles ne puissent être interprétées comme ayant pour effet soit d'exclure toute indemnisation soit de prévoir une indemnisation manifestement disproportionnée au préjudice subi ;
Considérant que les stipulations précitées déterminent les obligations financières de la commune, substituée à l'Etat, lorsqu'elle opère la reprise de la concession avant son terme ; qu'eu égard à sa rédaction, elle a clairement entendu limiter l'indemnisation du concessionnaire à la reprise des seules charges d'emprunt afférentes à l'outillage ainsi que des dépenses de fonctionnement régulièrement engagées et exclure toute indemnité complémentaire ; que les investissements réalisés par la chambre de commerce et d'industrie d'un montant total de 14 000 000 euros ont été amortis à hauteur de 8 237 340 euros, la commune ayant en outre repris à sa charge une somme de 2 122 723 euros correspondant aux emprunts afférents à l'acquisition de ces immobilisations ; qu'il ne résulte pas de ces données chiffrées, que faute pour la CCI de percevoir une indemnisation correspondant aux investissements non amortis, acquis sur fonds propres, qui s'élèverait au total à 3 871 911,55 euros, l'indemnisation prévue contractuellement serait manifestement disproportionnée au préjudice subi ; qu'en l'absence d'une telle disproportion, la demande tendant à ce que la Cour constate corrélativement la nullité de l'article 46 ne peut être qu'écartée ; qu'en outre et ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, l'allégation quant aux dépenses d'investissement financées sur les fonds propres de la chambre de commerce, qui ne constituent pas des dépenses engagées pour l'administration du service, est dépourvue de la moindre précision permettant d'en apprécier, non seulement la réalité, mais en outre le montant ; qu'ainsi, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN ne saurait prétendre à une indemnisation à hauteur de la valeur nette comptable des biens acquis sur fonds propres ; qu'elle ne saurait davantage prétendre, sur le fondement de ces mêmes stipulations contractuelles, à la réparation du préjudice allégué quant au manque à gagner, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges ;
Considérant que s'agissant des dépenses liées à la réorganisation du service comptable et informatique de la CCI, consécutives à la résiliation anticipée du contrat de concession, la CCI ne justifie pas de ces dépenses, dans lesquelles elle aurait d'ailleurs inclus ce qu'elle appelle une juste rémunération non prévue au contrat ; que, dès lors, ces dépenses ne peuvent donner lieu à indemnisation de la part de la commune ;
Considérant que s'agissant de l'indemnité de licenciement du directeur du port de plaisance, le tribunal a jugé que nonobstant le fait que cette dépense a été engagée postérieurement à la prise d'effet de la résiliation, il résultait de l'instruction et notamment du jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 15 décembre 2004 que le licenciement trouvait son origine dans la seule décision de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN de se séparer de cet agent et non dans le refus de la commune du Grau du Roi de conserver l'intéressé dans ses fonctions selon les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales et a estimé que, par suite, les sommes en cause n'avaient pas à être supportées par la commune du Grau du Roi sur le fondement de l'article 46 du cahier des charges précité ; qu'il y a lieu par adoption des motifs retenus par le tribunal, de rejeter ce chef d'indemnisation ;
Considérant que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN fait alors valoir à nouveau en appel que le contrat de concession et plus particulièrement son article 46, en tant qu'il limiterait sensiblement le droit du concessionnaire à l'indemnisation de son préjudice et ne couvrirait pas la totalité de celui-ci porterait atteinte à son droit de propriété méconnaissant de la sorte l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entachant de nullité ledit article 46 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ; que le signataire d'un contrat dont les clauses ne sont pas entachées de nullité, ne peut utilement faire valoir que l'engagement qu'il a souscrit librement serait contraire à son droit de créance reconnu par l'article 1er du protocole additionnel précité ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été dit, les stipulations de l'article 46 ne sont entachées d'aucune nullité ; qu'il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CCI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nîmes a par jugement du 21 juin 2007 rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Grau du Roi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune du Grau du Roi et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN est rejetée.
Article 2 : La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN est condamnée à verser à la commune du Grau du Roi une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NIMES-UZES-BAGNOLS-LE VIGAN, à la commune du Grau du Roi et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
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N° 07MA03249 2
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