LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Mevlit, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 9e chambre, en date du 19 septembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre Jérôme Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction résultant de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2004, et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que des articles 515, alinéa 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné un prévenu (Jérôme Y...) et son assureur (la société Groupama Rhône-Alpes) à payer à la partie civile (Mevlit X..., le demandeur) une somme de 16 058, 28 euros en réparation de son préjudice corporel ;
" aux motifs qu'en application des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerçait poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices qu'ils avaient pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf si le tiers payeur établissait avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel ; qu'à défaut de disposition transitoire particulière, le nouveau texte s'appliquait immédiatement aux instances en cours ; que, par ailleurs, sous prétexte d'opérer une déduction poste par poste, une partie civile appelante ne pouvait chiffrer son préjudice corporel global à un montant supérieur à celui demandé en première instance ; qu'il résultait des fiches de paie produites aux débats que Mevlit X... percevait un salaire brut de 1 100 euros en tant que menuisier et qu'il percevait comme caissier un salaire brut de 1 500 euros ; qu'il ne pouvait prétendre à un préjudice professionnel que pour la période où il s'était trouvé sans emploi indemnisé (deux ans et demi) ; que, par jugement du 17 octobre 2006, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lyon avait fixé à 10 % le taux d'incapacité de Mevlit X... ; qu'il percevait une rente annuelle de 827, 71 euros (206, 92 euros par trimestre) et avait reçu la somme de 3 492, 52 euros correspondant aux échéances échues du 20 novembre 2002 au 15 avril 2007 ; que, sur les préjudices patrimoniaux : 1. dépenses de santé et assimilées prises en charge par la CPAM : 14 255, 42 euros, Mevlit X... déclarait ne pas avoir exposé de débours de ce chef ; 2. perte de gains professionnels actuels : 22 378, 85 euros, Mevlit X... déclarait ne pas avoir subi de préjudice de ce chef ; 3. perte de gains futurs : incapacité permanente partielle : 9 000 euros, incidence professionnelle : 13 000 euros ; que la CPAM avait versé au titre des arrérages échus au 15 avril 2007 la somme de 3 492, 52 euros et versait les arrérages à échoir correspondant à un capital de 13 875, 73 euros ; que Mevlit X... subissait un préjudice de ce chef de 4 631, 75 euros ; que, sur les préjudices extra-patrimoniaux : 1. souffrances endurées : 8 000 euros ; 2. préjudice esthétique : 2 000 euros ; 3. préjudice d'agrément : 6 000 euros ; que Mevlit X... subissait un préjudice extra-patrimonial de 16 000 euros ; que son préjudice corporel global complémentaire s'élevait à 20 431, 75 euros sur laquelle somme il avait perçu 4 573, 47 euros ; qu'il lui restait dû la somme de 16 058, 28 euros (arrêt attaqué, p. 3, les trois attendus ; p. 4, attendus 1 à 6 ; p. 5, alinéas 1 à 3) ;
" alors que, d'une part, l'irrecevabilité des demandes nouvelles ne peut être relevée d'office par le juge d'appel ; que la juridiction du second degré ne pouvait donc refuser à la partie civile le droit de chiffrer son préjudice corporel global à un montant supérieur à celui réclamé en première instance, dès lors que ni le prévenu ni son assureur n'avaient opposé la fin de non-recevoir tirée de l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
" alors que, d'autre part, la prohibition de demandes nouvelles en cause d'appel n'interdit pas à la partie civile d'élever le montant de sa demande pour un chef de dommage déjà soumis aux débats de première instance ; que la cour d'appel ne pouvait refuser de se prononcer sur les postes de préjudice relatifs à des troubles fonctionnels temporaires et permanents au prétexte que la partie civile en avait proposé une évaluation supérieure à celle présentée devant le premier juge, augmentant d'autant son préjudice corporel global ;
" alors qu'en toute hypothèse, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que la rente d'invalidité accident du travail indemnise, notamment, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité ; que la cour d'appel ne pouvait procéder à une imputation globale de la rente d'invalidité sur le poste " incidence professionnelle " évalué forfaitairement à 13 000 euros ainsi que sur le poste « IPP » évalué, également forfaitairement, à la somme de 9 000 euros, sans vérifier que ladite rente avait pour objet de réparer effectivement ce second poste de dommage, dès lors qu'il ne résulte pas de sa décision que cette réparation serait le résultat d'un calcul arithmétique de la perte de gains futurs, à l'exclusion de toute appréciation forfaitaire d'un préjudice fonctionnel permanent à caractère personnel ;
" alors qu'enfin, le tiers payeur ne peut exercer son recours sur un poste de préjudice personnel que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable ledit préjudice ; que la cour d'appel ne pouvait donc déduire globalement du poste " incidence professionnelle " et du poste « IPP » l'intégralité de la rente d'invalidité, y compris les arrérages à échoir, sans vérifier la part de la rente ayant éventuellement pour objet de réparer un préjudice fonctionnel à caractère personnel " ;
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
Attendu que le préjudice causé par une infraction doit être déterminé au jour de la décision ; que les dispositions du second de ces textes, prohibant en cause d'appel les demandes nouvelles, ne sauraient interdire à une partie civile d'élever le montant de sa demande pour un chef de dommage déjà soumis au débat en première instance ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Jérôme Y..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré tenu à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de la partie civile demandant, notamment, que lui soient alloués 24 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et 15 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, en application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ;
Attendu que, pour écarter ces demandes, l'arrêt énonce qu'une partie civile appelante ne peut évaluer son préjudice corporel global à un montant supérieur à celui demandé en première instance, sous le prétexte d'opérer une déduction poste par poste du recours des tiers ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, devant les premiers juges, la partie civile avait demandé que soit réparé, au titre de son préjudice d'agrément, l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence causés par le déficit fonctionnel, pendant et après la période d'incapacité temporaire totale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 19 septembre 2007, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Mevlit X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;