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08/01/2008 | FRANCE | N°07-83423

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 janvier 2008, 07-83423


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-X... Abdou,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4e chambre, en date du 21 mars 2007, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-5,222-11,222-12 du code pénal, préliminaire,591 à 593 du code de procédure pénale,6 de la Convention européenne des droits de l'homm

e, défaut de motifs, insuffisance de motifs, manque de base légale, contradiction de motif...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-X... Abdou,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4e chambre, en date du 21 mars 2007, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-5,222-11,222-12 du code pénal, préliminaire,591 à 593 du code de procédure pénale,6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, insuffisance de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de légitime défense invoquée par Abdou X... et l'a déclaré coupable de violences volontaires avec usage ou menace d'une arme suivies d'une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;

" aux motifs adoptés que force est de constater que l'enquête est pour le moins succincte ; que personne n'est placé en garde à vue, il n'y a aucune confrontation et peu de témoins sont entendus ; qu'à ce titre chaque témoin présente une version différente qui n'est pas forcément compatible avec celle des prévenus et des parties civiles ; qu'il convient donc de se forger une conviction au vu des éléments médicaux incontestables ; qu'il est relevé dans les pièces médicales d'Hervé Y... que les divers médecins dénotent la compatibilité de ses dires avec les constatations médicales ; qu'outre la blessure à l'oeil, il présente une section des tendons de la main droite qu'il explique par un geste de protection devant son visage ; qu'Abdou X..., qui estime avoir été agressé, n'est pas en mesure de justifier de blessures particulières et les services de police ne font état d'aucune particularité physique alors qu'ils avaient bien noté l'aspect ensanglanté d'Hervé Y... ; que quand bien même Hervé Y... aurait été l'agresseur d'Abdou X..., il existe une disproportion totale entre un coup porté par un individu alcoolisé perché sur des talons et une riposte à l'aide d'un verre qui, par sa violence, a non seulement entraîné une blessure à la face mais aussi à la main ; que cet aspect médical renforce la version d'Hervé Y... dans le sens où la blessure à sa main est bien le signe d'une protection et non d'un coup porté sauf à admettre qu'il se soit jeté figure et main en avant contre le verre que tenait Abdou X... à hauteur de la tête d'Hervé Y... ; que les violences sont donc établies à l'encontre du prévenu ;

" aux motifs propres que même si l'on adopte la thèse plus que probable d'une attitude provocatrice de la part de la victime, dont le dossier définit mal l'ampleur, il est nécessaire de souligner que la riposte du prévenu ne peut en aucun cas consister dans le geste réflexe qu'il plaide ; que cette absence de proportion réside dans le fait qu'Abdou X... tenait un verre, le seul fait de le projeter au visage de son « adversaire » est disproportionné puisque d'évidence un objet aussi contondant ne peut être que particulièrement offensif et notamment sur le visage ; qu'Abdou X... a dit à l'audience qu'il avait ôté ses lunettes ; qu'il pouvait de la même manière et dans la même conscience poser son verre ; que s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il était désireux de s'en servir, dans un geste sûrement rapide certes mais conscient et d'une rare violence vu les conséquences ; qu'il est impossible dès lors dans cette disproportion de considérer qu'il y a légitime défense ; qu'en ce sens va le témoignage qui précise qu'il a fallu retenir Abdou X... de recommencer ; qu'il était « armé » contre un homme à mains nues ;

" alors que, d'une part, la proportion de la riposte doit être appréciée en fonction de l'attaque initiale ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui admettent qu'Hervé Y... aurait été l'agresseur d'Abdou X..., écarte la légitime défense en se fondant exclusivement sur la gravité des blessures subies par Hervé Y... en l'absence de preuve de blessures d'Abdou X... ; qu'ils ont ainsi violé l'article 122-5 du code pénal ;

" alors que, d'autre part, que la proportionnalité de la riposte doit nécessairement être appréciée en fonction de l'attaque initiale, ce qui nécessite de déterminer la gravité de cette dernière ; qu'en rejetant la légitime défense invoquée par Abdou X... pour disproportion avec l'agression, après avoir relevé que « le dossier définit mal l'ampleur » de l'attitude provocatrice d'Hervé Y..., et donc de l'attaque portée par ce dernier à Abdou X..., compte tenu de l'enquête succincte, de l'absence de confrontation, de l'audition de peu de témoins et des témoignages présentant des versions différentes, sans rechercher le déroulement exact des faits, la cour d'appel, qui n'a pas justifié sa décision, ne met pas la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de l'arrêt attaqué ;

" alors que, en outre, lorsqu'une personne subit une agression réelle, actuelle et injustifiée menaçant son intégrité physique, la riposte est en principe justifiée, sauf disproportion dont la charge de la preuve appartient à la partie poursuivante ; que l'arrêt attaqué n'a pas dénié l'attaque réelle et injustifiée subie par le prévenu ; qu'en présumant que « la riposte du prévenu ne peut en aucun cas consister dans le geste réflexe qu'il plaide », et que si Abdou X..., accoudé seul au bar lorsqu'il a été agressé, n'a pas posé le verre qu'il tenait en main avant l'agression, « c'est qu'il était désireux de s'en servir », ce dont elle déduit qu'il a nécessairement projeté son verre au visage d'Hervé Y... et qu'il était « armé contre un homme à mains nues », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve qui incombait à la partie poursuivante, et violé le principe de la présomption d'innocence tel que garanti par les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

" alors que, enfin, il appartenait à la cour d'appel d'ordonner les mesures complémentaires d'instruction dont elle reconnaissait implicitement qu'elles eussent été utiles à la manifestation de la vérité ; que faute d'avoir ordonné lesdites mesures, elle n'a pu, légalement, faire état de l'incertitude qui lui paraissait exister sur l'ampleur de l'attitude, qualifiée de provocatrice, de la partie civile, pour estimer que la riposte était disproportionnée à l'attaque ; qu'il s'ensuit que la décision de condamnation est insuffisamment motivée et que l'arrêt attaqué encourt la censure " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 9 juin 2001, dans une discothèque, Hervé Y... a été grièvement blessé au visage par une chope de bière, qu'Abdou X... tenait à la main ; que tous deux ont été poursuivis, le premier pour violences n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail et le second pour violences avec arme ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ; qu'Hervé Y... a été relaxé par jugement devenu définitif ;

Attendu que, pour écarter la légitime défense et confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Abdou X... coupable des faits visés à la prévention, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations procédant de son appréciation souveraine et dont il résulte qu'il y a eu disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte subie, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil,706-3,591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, insuffisance de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Abdou X... à verser la somme de 81 920 euros à titre de dommages-intérêts à Hervé Y... ainsi qu'une somme de 15 694,98 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens ;

" aux motifs que même si l'on adopte la thèse plus que probable d'une attitude provocatrice de la victime... l'absence de proportion entre la riposte et l'éventuelle attaque fait obstacle au partage de responsabilité plaidé par la défense ;

" alors que, même en l'absence de légitime défense caractérisée au sens de l'article 122-5 du code pénal, les juges du fond doivent rechercher, ainsi qu'ils y étaient invités, si les agissements fautifs de la victime n'ont pas concouru à la réalisation du dommage et ne justifient pas un partage de responsabilité dans une proportion qu'il leur appartient d'apprécier ; qu'en affirmant, par principe, que l'absence de légitime défense excluait, ipso facto, tout partage de responsabilité nonobstant l'attitude provocatrice et donc fautive de la victime, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil " ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu entièrement responsable des dommage subis par la victime, l'arrêt énonce que l'absence de proportion entre la riposte et l'éventuelle attaque fait obstacle au partage de responsabilité plaidé par la défense ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si, malgré le rejet de l'excuse de légitime défense et la relaxe de la partie civile du chef de violences, celle-ci n'avait pas commis une faute qui avait concouru à son propre dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 21 mars 2007, en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-83423
Date de la décision : 08/01/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Excuse de légitime défense - Rejet - Effet - Exclusion de la faute de la victime (non)

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Partage de responsabilité - Faute de la victime - Recherche nécessaire ATTEINTE A L'INTEGRITE PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DE LA PERSONNE - Atteinte volontaire à l'intégrité de la personne - Violences - Victime - Partage de responsabilité - Recherche nécessaire

Si la disproportion entre la riposte et l'attaque exclut l'excuse de légitime défense, elle n'exclut pas l'existence d'une faute de la victime, qui, si elle est établie, justifie un partage de responsabilité


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 mars 2007

Sur la nécessité pour le juge répressif de rechercher d'éventuels agissements fautifs de la victime justifiant un partage de responsabilité, à rapprocher, sous l'empire de l'ancien code pénal :Crim., 4 mai 1976, pourvoi n° 75-91996, Bull. crim. 1976, n° 139 (cassation) ;Crim., 15 décembre 1980, pourvoi n° 80-90713, Bull. crim. 1980, n° 346 (cassation) ;Crim., 4 novembre 1988, pourvoi n° 87-81367, Bull. crim. 1988, n° 372 (rejet), et les arrêts cités.Sur la nécessité pour le juge répressif de rechercher d'éventuels agissements fautifs de la victime justifiant un partage de responsabilité lorsque est exclue la légitime défense, à rapprocher : Crim., 7 décembre 1999, pourvoi n° 98-86337, Bull. crim. 1999, n° 292 (2) (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jan. 2008, pourvoi n°07-83423, Bull. crim. criminel 2008 N° 1 p. 1
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2008 N° 1 p. 1

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas
Rapporteur ?: M. Palisse
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.83423
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