LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 septembre 2007) que M. X... a été engagé par la société SAE travail temporaire, en tant que peintre, par contrat de mission du 13 février 2002, pour être mis à la disposition de la société Victor Bonnevie, entreprise utilisatrice ; que ce contrat de mission a été renouvelé jusqu'au 17 mai 2002 ; que le salarié a saisi dans un premier temps la juridiction prud'homale d'une demande de requalification des contrats de mission l'ayant lié à l'entreprise de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel de Chambéry, par arrêt du 19 octobre 2004, après avoir constaté que les contrats de mission ne comportaient pas la mention de la qualification du salarié, a fait droit à sa demande ; que la société SAE travail temporaire ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 novembre 2004, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de la société Etoile commerciale, caution de l'entreprise de travail temporaire, ainsi que celle de M. Z..., ès qualités de mandataire-liquidateur, et de la société Victor Bonnevie, au règlement des causes de l'arrêt du 19 octobre 2004 :
Attendu que la société Victor Bonnevie fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié à son égard en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail de M. X..., d'avoir décidé que la rupture de la relation contractuelle devait être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'avoir déclaré avec la SAE travail temporaire responsables in solidum des conséquences de la rupture abusive du contrat de travail de M. X... et de l'avoir condamnée à payer à ce dernier une indemnité de requalification, une indemnité de préavis, des congés payés sur préavis, un rappel de salaires, les congés payés correspondants, des dommages-intérêts pour rupture abusive, alors, selon le moyen, que le salarié qui a obtenu la requalification de son contrat de mission en un contrat de travail à durée indéterminée, dans ses rapports avec l'entreprise de travail temporaire, ne peut plus agir aux mêmes fins à l'encontre de l'entreprise utilisatrice ; qu'en reconnaissant à M. Michel X... le droit d'agir à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, afin de faire valoir les droits afférents à un contrat de travail à durée indéterminée, bien que la cour d'appel de Chambéry ait déjà condamné l'entreprise de travail temporaire à lui payer une indemnité de requalification et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence de la requalification de son contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a violé l'article 124-7, alinéa 2, du code du travail ;
Mais attendu que les deux actions en requalification exercées, l'une contre l'entreprise de travail temporaire sur le fondement de l'article L. 124-2, alinéas 1 et 2, à L. 124-4, alinéas 1 à 9, devenus L. 1251-5, L. 1251-6, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code de travail, l'autre contre l'entreprise utilisatrice sur le fondement de l'article L. 124-7, alinéa 2, devenu L. 1251-40 du même code, ont des fondements différents ; qu'elles peuvent être exercées concurremment ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Victor Bonnevie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Victor Bonnevie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP BOULLEZ, avocat aux Conseils pour la société Victor Bonnevie
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail de M. X... à l'égard de la société Victor BONNEVIE, D'AVOIR dit que la rupture de la relation contractuelle doit être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, D'AVOIR déclaré que la SAE TRAVAIL TEMPORAIRE et l'EURL BONNEVIE Victor étaient responsables in solidum des conséquences de la rupture abusive du contrat de travail de M. X..., et D'AVOIR condamné I'EURL BONNEVIE Victor à payer à M. X... une indemnité de requalification, une indemnité de préavis, des congés payés sur préavis, un rappel de salaires, les congés payés correspondants, des dommages et intérêts pour rupture abusive ;
AUX MOTIFS QUE l'entreprise utilisatrice oppose vainement une fin de nonrecevoir tirée de la règle de l'unicité de l'instance, dès lors que la présente procédure n'oppose pas les mêmes parties que celles soumises au litige clos par l'arrêt de la Cour d'appel de ce siège en date du 19 octobre 2004 ; que M. X... fait valoir que sa qualification n'a pas été précisée dans le contrat de mission et qu'il est donc vraisemblable qu'elle n'a pas davantage été mentionnée dans le contrat de mise à disposition, en violation des dispositions de l'article L. 124-3, 4° du même code ; que ce moyen ne peut être accueilli ; qu'en effet, le salarié intérimaire ne peut agir contre l'utilisateur au titre du non-respect des règles de forme applicables au contrat de mise à disposition, dès lors que l'action prévue par l'article L. 124-7 du code du travail ne prévoit pas cette situation et que le salarié n'est pas partie à ce contrat, conclu entre l'entreprise de travail temporaire et l'utilisateur ; qu'en revanche, le fait pour un salarié intérimaire d'avoir obtenu contre l'entreprise de travail temporaire la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée au motif que les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées, en violation des dispositions de l'article L. 124-4 du code du travail, n'exclut pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise utilisatrice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 124-7 du même code, qui sanctionnent l'inobservation par celle-ci des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 ; que dès lors, la fin de non-recevoir invoquée par la société BONNEVIE au titre de l'autorité de la chose jugée, au demeurant non fondée par référence aux dispositions de l'article 1351 du code civil, à défaut d'identité des parties et de cause, ne saurait être admise ; que M. X... soutient que ses contrats de mission visent, au titre du motif de son engagement, un accroissement temporaire de l'activité de la société BONNEVIE, mais que cet élément n'est pas démontré, notamment au regard du renouvellement de sa mission du 23 février au 17 mai 2002 ; que lorsque le contrat de travail temporaire est motivé par un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant de cet accroissement, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que l'accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches ; que l'EURL BONNEVIE n'a versé aux débats aucun élément de nature à mettre la Cour en mesure de contrôler que les contrats de mission conclus par M. X... correspondaient effectivement à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise et ne fournit aucune argumentation sur ce point, de sorte que l'action en requalification de la relation contractuelle dirigée à son encontre par le salarié est fondée ; qu'il résulte de l'article L. 124-7-1 du code du travail qu'en cas de requalification d'une mission d'intérim en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l'utilisateur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; que c'est donc à juste titre que M. X... réclame le paiement par l'EURL BONNEVIE d'une indemnité de requalification d'un montant égal à son salaire mensuel, soit 1.707,94 ; qu'en l'absence de démonstration d'une volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, la rupture de la relation contractuelle doit être analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, justifiant l'allocation à l'intéressé d'une indemnité de préavis, laquelle, par référence à la durée d'emploi et à la convention collective des entreprises de travail temporaire, salariés permanents, doit être fixée à un mois (soit le montant réclamé de 1.552,68 ), outre congés payés afférents (155,26 ), ainsi que de dommages et intérêts fixes à 2.500 au regard du préjudice subi (durée de l'emploi perdu, jusqu'en juillet 2002) ; que M. X... justifie qu'il était employé, avant la signature des contrats litigieux, en qualité de "peintre N3 P2" par l'entreprise Adecco, dont l'agent d'Albertville atteste que depuis plus de cinq ans, il travaillait "comme ouvrier niveau III, position 2, en toute autonomie" (pièce du salarié ri° 6) ; que l'intéressé a produit d'autres pièces justifiant cette qualification (bulletins de paie précédant et suivant l'emploi concerné, contrat de mission Vedior bis de 1999 et de 2003, attestation ASSEDIC pour la période 2000-2001, contrat Adecco du 18 novembre 2002 pour l'entreprise Tonnella...) ; que, s'agissant de la nature du travail à effectuer en l'espèce, la seule attestation de l'utilisateur ne peut constituer une justification valable, à défaut de toute objectivité, dès lors que celui-ci avait intérêt à minorer le prix de la prestation à payer et que son refus, dans la présente instance, de produire les contrats le liant à l'entreprise de travail temporaire, impose de considérer que la production de ces documents serait défavorable à ses intérêts ; que M. X... justifie le rappel de salaire qu'il réclame par la production de la convention collective et d'un calcul exact, à concurrence de 548,26 , outre 54,82 de congés payés y afférents ; qu'en l'état des éléments soumis au débat contradictoire, il doit être considéré que l'inexactitude de la qualification du salarié n'a pu être rendue possible que par l'entente illicite de l'entreprise de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice, qu'elles ont en outre commis des fautes respectivement fondées sur les dispositions des articles L. 124-4 et L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail, et qu'en conséquence, elles doivent assumer in solidum les conséquences de la rupture irrégulière de la relation contractuelle litigieuse ; qu'il convient de déclarer l'arrêt opposable au CGEA, dans les limites légales de sa garantie, celle-ci restant en tout cas subsidiaire en l'espèce, en l'état de la soudante retenue entre les deux sociétés débitrices des sommes dues et de la situation "in bonis" de l'EURL BONNEVIE ;
ALORS QUE le salarié qui a obtenu la requalification de son contrat de mission en un contrat de travail à durée indéterminée, dans ses rapports avec l'entreprise de travail temporaire, ne peut plus agir aux mêmes fins à l'encontre de l'entreprise utilisatrice ; qu'en reconnaissant à M. Michel X..., le droit d'agir à l'encontre de la société BONNEVIE VICTOR, entreprise utilisatrice, afin de faire valoir les droits afférents à un contrat de travail à durée indéterminée, bien que la Cour d'appel de Chambéry ait déjà condamné l'entreprise de travail temporaire à lui payer une indemnité de requalification et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence de la requalification de son contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, la Cour d'appel a violé l'article 124-7, alinéa 2, du Code du travail.