LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-28-3 et L. 122-28-7, alinéa 1 et 2, devenus respectivement les articles L. 1225-55 et L. 1225-59, alinéa 1 du code du travail ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, à l'issue d'un congé parental d'éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente ; que, selon le second de ces textes, le salarié reprenant son activité bénéficie d'un droit à une action de formation professionnelle, notamment en cas de changement de technique ou de méthodes de travail ; que cette formation doit être adaptée à l'emploi dans lequel le salarié est réintégré ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., épouse Y..., a été engagée le 3 décembre 1984 en qualité d'employée par la caisse d'épargne Provence Alpes Corse ; qu'à compter de fin 1992, et alors qu'elle occupait le poste de conseiller financier chargé d'agence, la salariée s'est absentée pour cause de congés maladie, maternité, allaitement et parental ; qu'au terme de ce dernier congé, l'employeur l'a informée, par courrier du 3 mai 2004, de sa réintégration au poste d'agent commercial, puis par courrier du 12 mai 2004, de sa réintégration en qualité de conseiller financier, mais dans le cadre d'un parcours de remise à niveau ; que par lettre du 17 juin 2004, l'employeur a précisé qu'en raison de sa longue absence, une remise à niveau progressive dans le cadre d'un parcours comprenant à la fois des formations et un accompagnement au sein de l'agence s'avérait nécessaire et que cette remise à niveau passait par l'appropriation des divers fondamentaux du métier et notamment les activités de guichet et d'accueil ; qu'elle a été affectée à un poste de guichetière ; que Mme Y..., qui a refusé d'effectuer cette formation, a été licenciée pour faute grave par lettre du 30 septembre 2004 ; que contestant la mesure de licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel a énoncé qu'après onze ans d'absence la remise à niveau de la salariée était justifiée ; que cette remise à niveau concernait tous les aspects de la fonction de conseiller financier ; que la salariée n'apportait aucun élément de nature à corroborer son affirmation selon laquelle la caisse d'épargne l'avait affectée à un autre poste que celui de conseiller financier et avait voulu lui imposer une rétrogradation et qu'en refusant de prendre son poste malgré plusieurs demandes de l'employeur, Mme Y... avait commis une faute d'une gravité telle que son maintien dans l'entreprise était impossible ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée n'avait pas été réintégrée dans son précédent emploi de conseiller financier chargé d'agence ou dans un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente, et, d'autre part, que la formation imposée à Mme Y... sous la forme d'un parcours de remise à niveau, dont la durée n'était pas précisée, comportant l'exercice de diverses tâches d'une agence, ne répondait pas aux demandes de la salariée et, ne portant pas sur l'acquisition de nouvelles techniques ou méthodes de travail en rapport avec l'exercice de la fonction de conseiller financier chargé d'agence, n'était pas adaptée à l'emploi qu'elle devait reprendre à l'issue de son congé parental, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Y... reposait sur une faute grave, et par conséquent d'avoir débouté celle-ci de ses demandes en paiement de salaires, de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Madame Y... occupait un poste de conseiller financier lors de son départ en congé ; sa date de reprise était prévue le 25 mai 2004 ; le 12 mai 2004, la caisse d'épargne lui adressé un courrier indiquant : « …nous vous confirmons que nous sommes en mesure de vous réintégrer dans notre établissement sur un poste de conseiller financier (classification TM4) sur le groupe d'Orange. En raison de la durée de votre absence et suite à notre entretien du 30 avril je vous précise que votre réintégration se fera dans le cadre d'un parcours de remise à niveau. Ce parcours s'illustrera dès votre retour le 25 mai par un accompagnement en agence, puis sera suivi par l'inscription à la formation Accueil Intégration des 1,2 et 3 juin » ; Madame Y... n'apporte aucun élément justifiant que les conditions pratiques de la remise à niveau lui ont été expliquées ; un autre courrier en date du 17 juin 2004, a indiqué à Madame Y... que la remise à niveau passait bien évidemment par l'appropriation des divers fondamentaux du métier et notamment les activités de guichet, accueil, etc… ; il résulte de ces courriers que l'employeur a exigé, ce qui était justifié après 11 années d'absence, une remise à niveau de la salariée ; celle-ci comprenait tous les aspects de la fonction de conseiller financier que Madame Y... n'avait rempli que 4 mois à titre confirmé avant son congé ; que la caisse d'épargne indique que ses accords internes prévoient que les collaborateurs doivent être en mesure de remplir des missions temporaires sur d'autres postes que le leur, afin d'assurer la continuité du service, et souligne que Madame Y..., avant son congé, travaillait pour partie dans une agence où elle était seule salariée et assurait donc notamment l'accueil du public ; que la lettre que Madame Y... a adressée à l'employeur ne peut établir à elle seule, même si ce dernier ne l'a pas démenti, que le parcours de remise à niveau consistait à gravir tous les échelons en partant d'un poste de guichetière ; que Madame Y... n'apporte donc aucun élément de nature à corroborer son affirmation selon laquelle la caisse d'épargne l'a affectée à un poste autre que celui de conseiller financier et a voulu lui imposer une rétrogradation ; que le refus de reprendre son poste a constitué une faute grave justifiant la mesure de licenciement sans préavis ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la Caisse d'Epargne insiste sur l'explication de cette période de formation ; il s'agit d'une adaptation après 11 ans d'absence au poste de conseiller financier, ce qui ne constitue pas une modification du contrat de travail, mais une remise à niveau temporaire qui entre dans le pouvoir de direction de l'employeur ; que cette formation est de droit et prévue par les dispositions de l'alinéa 1 de l'article L. 122-28-7 du Code du travail ; que la remise à niveau se justifiait d'autant que l'absence de la salariée avait duré 11 ans et qu'elle n'avait exercé les fonctions de conseiller financier que pendant 2 ans ; qu'en application de l'article 4 de l'accord de mobilité du 11 juin 2002, il est nécessaire que les collaborateurs puissent effectuer des missions temporaires sur d'autres points de vente ou de postes afin d'assurer la nécessaire continuité du service de la clientèle ;
ALORS D'UNE PART QUE l'article L. 122-28-3 du Code du travail assure au salarié, à l'issue du congé parental d'éducation, la garantie de retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire ; qu'en décidant que l'employeur avait satisfait à cette obligation sans rechercher, ainsi qu'elle y était formellement invitée par les conclusions de la salariée (pages 6 in fine et suivantes), si celle-ci avait effectivement retrouvé lors de son retour de congé parental, les fonctions de conseiller financier qu'elle exerçait lors de son départ en congé, ou des fonctions similaires, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard du texte précité et des articles L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'article L. 122-28-3 du Code du travail assure également au salarié de retour de congé parental, la garantie de retrouver une rémunération au moins équivalente à celle qu'il percevait lors de sa mise en congé ; que la salariée a fait valoir dans ses conclusions d'appel (page 9), que le fait d'être affectée à l'accueil ou au guichet lui faisait perdre le bénéfice de l'intéressement à ses résultats, et des primes liées aux placements financiers, éléments de rémunération attachés aux fonctions de conseiller financier ; qu'en décidant que l'employeur avait satisfait à ses obligations, sans constater que Madame Y... avait retrouvé une rémunération au moins équivalente à celle qui était la sienne lors de son départ en congé parental, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du texte précité et des articles L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;
ALORS DE TROISIEME PART QU'un employeur ne peut, sous le prétexte d'une remise à niveau du salarié de retour de congé parental, affecter celui-ci à ses fonctions initiales dans l'entreprise, en lui imposant de gravir une nouvelle fois les divers échelons de l'entreprise jusqu'à retrouver les fonctions qui étaient les siennes lors de la suspension de son contrat de travail ; qu'en estimant que la remise à niveau de la salariée mise en oeuvre par la Caisse d'Epargne, qui prévoyait une affectation aux « activités de guichet, accueil etc… » était justifiée, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-28-3 et L. 122-28 – 7 du Code du travail ;
ALORS DE QUATRIEME PART QU' en vertu de l'article L. 122-28-7 du Code du travail, un salarié qui reprend son activité à l'issue d'un congé parental d'éducation bénéficie, notamment en cas de changement de techniques ou de méthodes de travail, d'un droit à une action de formation professionnelle ; qu'en l'espèce la salariée a fait valoir qu'elle avait vainement sollicité, en vue de la reprise de ses fonctions de conseiller financier, une formation sur les nouveaux produits financiers de la Caisse d'Epargne, tout en contestant l'utilité de la formation « Accueil, Intégration » proposée par l'employeur, qui selon les dispositions de la convention collective, était destinée aux salariés débutants nouvellement embauchés par les Caisses d'Epargne (conclusions pages 9 in fine et suivantes) ; qu'en se bornant à affirmer que le principe d'une remise à niveau était justifié, et que la formation était de droit, sans vérifier si les procédés mis en oeuvre à ce titre par l'employeur, étaient adaptés aux fonctions de conseiller financier que la salariée devait retrouver, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du texte précité, et des articles L. 122-28-3, L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;
ALORS EN OUTRE QUE seul un accord d'entreprise plus favorable au salarié peut déroger aux dispositions d'ordre public du Code du travail ; qu'un accord de mobilité conclu au sein de l'entreprise, prévoyant certains cas de mobilité fonctionnelle des salariés, ne saurait donc faire échec à la garantie de retrouver son précédent emploi offerte par l'article L. 122-28-3 du Code du travail au salarié de retour de congé parental; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 132-4 du Code du travail ;
ALORS ENFIN QUE l'accord sur la mobilité signé au sein de la Caisse d'Epargne le 11 juin 2002, dispose au titre de ses principes directeurs, que la mobilité fonctionnelle est un moyen d'acquérir des compétences nouvelles et/ou d'exercer des responsabilités accrues, et qu'elle permet au salarié d'avoir une progression de carrière plus rapide ; qu'il prévoit limitativement les trois cas dans lesquels la mobilité du salarié peut être mise en oeuvre, parmi lesquels la situation du salarié de retour de congé parental ne figure pas ; que cet accord ne peut donc fonder le déclassement d'un salarié de retour de congé parental, par une affectation sur des fonctions « inférieures » à celles qui étaient les siennes lors de son départ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 135-2 du Code du travail, et les articles 1 et 4 de l'accord d'entreprise précité.