LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que feu Patrick X... a été engagé par la société Agora (la société) en qualité de technicien d'exploitation en informatique par contrat à durée indéterminée du 4 septembre 2003, comportant une période d'essai de trois mois renouvelable ; qu'il a adhéré au contrat d'assurance groupe souscrit par son employeur auprès de la société CGRCR prévoyance aux droits de laquelle vient Groupe Humanis prévoyance, et stipulant le versement d'un capital en cas de décès avant 65 ans ; que par lettre du 28 janvier 2004, l'employeur a mis fin à la période d'essai avec un préavis s'achevant le 4 mars 2004 ; que les parties ont conclu un contrat de prestation de service pour la période allant du 4 mars au 31 décembre 2004 ; que l'intéressé étant décédé accidentellement le 22 mars 2004, ses ayants droit ont sollicité le versement du capital-décès garanti ; que la compagnie d'assurance ayant refusé le versement de ces sommes au motif que leur auteur n'était plus salarié de la société au moment de son décès, ils ont saisi le conseil de prud'hommes aux fins de requalification du contrat de prestation de service en contrat de travail ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir déclarés irrecevables en leur demande, alors, selon le moyen, qu'en toute hypothèse, la partie bénéficiant d'une mise hors de cause non critiquée demeure hors de la cause en appel et n'est plus recevable à invoquer des fins de non-recevoir; qu'en accueillant une fin de non-recevoir soulevée par une partie pourtant mise hors de cause par un chef du jugement non critiqué, la cour d'appel a violé les articles 562, alinéa 1er, 5 et 546, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Mais attendu que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n'y a pas renoncé ;
Que bien qu'ayant été mise hors de cause par les premiers juges, la société Humanis prévoyance qui était intimée et contre laquelle l'employeur présentait une demande en garantie, avait intérêt à agir et pouvait en conséquence faire appel incident ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 724, alinéa 1° du code civil ;
Attendu que pour déclarer les consorts X... irrecevables en leur demande, la cour d'appel, après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les défendeurs, énonce que leur action tend à faire requalifier en contrat de travail la relation ayant existé entre leur père et la société, afin de pouvoir percevoir un capital-décès en vertu du contrat d'assurance groupe auquel avait adhéré le défunt, que, d'une part, celui-ci n'avait pas engagé une telle action de son vivant, et que, d'autre part, les demandeurs qui n'avaient jamais été liés par un contrat de travail à la société, exerçaient un droit propre en vue de percevoir un capital-décès dont ils étaient personnellement créanciers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de demander la disqualification d'un contrat de prestation de services en contrat de travail était entré dans le patrimoine du défunt, et que ses héritiers en étaient saisis de plein droit, peu important qu'il n'ait pas intenté cette action de son vivant et que celle des ayants droit ait pour finalité de leur permettre de bénéficier des effets du contrat d'assurance groupe souscrit par l'employeur et qui constitue un avantage accessoire au contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le premier moyen du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence, l'arrêt rendu le 22 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société SC Agora aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SC Agora à payer aux consorts X... la somme globale de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur l'effet dévolutif limité)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré les consorts X... irrecevables en leur demande;
AUX MOTIFS QU' « en cas de décès du salarié, ses ayants droit, qui n'ont jamais été liés par un contrat de travail avec l'employeur, ne peuvent devant la juridiction prud'homale ni exercer un droit propre, ni intenter une action à caractère personnel pour le défunt, sauf à établir dans ce dernier cas que celui-ci s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir de son vivant.
Dès lors, il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence, mais de réformer le jugement entrepris en déclarant irrecevable l'action engagée par les consorts X... contre la Société 80 AGORA. »;
1/ ALORS QUE l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent; qu'en censurant le chef du jugement rejetant une fin de non-recevoir, ce chef n'ayant pourtant pas été critiqué par l'intimé, la cour d'appel a violé les articles 562, alinéa 1er, et 5 du nouveau code de procédure civile ;
2/ ALORS QU'en toute hypothèse, la partie bénéficiant d'une mise hors de cause non critiquée demeure hors de la cause en appel et n'est plus recevable à invoquer des fins de non-recevoir; qu'en accueillant une fin de non-recevoir soulevée par une partie pourtant mise hors de cause par un chef du jugement non critiqué, la cour d'appel a violé les articles 562, alinéa 1er, 5 et 546, alinéa 1er, du nouveau code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(sur l'intérêt à agir)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré les consorts X... irrecevables en leur demande;
AUX MOTIFS QU' « en cas de décès du salarié, ses ayants droit, qui n'ont jamais été liés par un contrat de travail avec l'employeur, ne peuvent devant la juridiction prud'homale ni exercer un droit propre, ni intenter une action à caractère personnel pour le défunt, sauf à établir dans ce dernier cas que celui-ci s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir de son vivant.
Dès lors, il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence, mais de réformer le jugement entrepris en déclarant irrecevable l'action engagée par les consorts X... contre la Société 80 AGORA. »;
ALORS QUE les héritiers sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt; que l'action en requalification d'un contrat souscrit par le défunt entre dans le patrimoine des héritiers dès son décès ; qu'en subordonnant la possibilité pour les héritiers le droit d'introduire une action en requalification d'un contrat en contrat de travail à la condition que le défunt se soit trouvé dans l'impossibilité d'agir de son vivant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 724 du code civil, ensemble l'article 31 du nouveau code de procédure civile.