LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X..., de nationalité française, et M. Najim Y..., de nationalité marocaine, se sont mariés à Tétouan (Maroc) le 11 août 2004 ; qu'après avoir sursis à la transcription du mariage sur les registres du consulat, le consul de France a informé le parquet de Nantes d'un défaut d'intention matrimoniale des époux ; que par acte du 10 mai 2005, le procureur de la République de Nevers a assigné Mme X... en nullité de son mariage en application des articles 146,148 et 184 du code civil ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer le mariage célébré au Maroc, nul et de nul effet en France au regard de la législation française, alors, selon le moyen, que les juridictions françaises n'ont pas compétence pour prononcer la nullité d'un acte public établi par une autorité étrangère ; qu'en prononçant pourtant la nullité du mariage valablement célébré par les autorités marocaines entre Mme X... et M. Y... le 11 août 2004, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 47 du code civil ;
Mais attendu que l'action du ministère public tendait à l'inopposabilité en France des effets du mariage et non à l'annulation de l'acte dressé par l'autorité étrangère, de sorte que les juridictions françaises étaient compétentes ; que le grief n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche du moyen :
Vu les articles 184 et 190 du code civil ensemble l'article 125, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que la recevabilité d'une action en nullité ou en inopposabilité d'un mariage est subordonnée à la mise en cause des deux époux ; qu'en matière d'état des personnes, les fins de non-recevoir ont un caractère d'ordre public ;
Attendu que la cour d'appel a décidé que le mariage de M. Y... et de Mme X... était nul et de nul effet en France ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de l'un des époux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le mariage célébré le 11 août 2004 entre M. Y... et Mme X... à TETOUAN, nul et de nul effet en FRANCE et au regard de la législation française ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des éléments relevés au jugement l'absence de relation sentimentale entre Najim Y... et Claudine X... pour la période s'écoulant de leur rencontre en 2002 et de la formalisation du projet de mariage deux ans plus tard, aucun contact n'ayant eu lieu entre les futurs époux pendant cette période ; que le Tribunal a valablement relevé qu'en dépit de cette absence de relation et après une courte rencontre ancienne, le mariage a été immédiatement envisagé par Najim Y..., à une période où il avait du regagner le MAROC et se trouvait sans emploi, étant simplement accepté par Claudine X... qui avait émis l'hypothèse d'un mariage blanc ; que les relations postérieures au mariage célébré à la hâte entre les époux sont restées très limitées puisque Claudine X... ne s'est rendue au MAROC que trois semaines pendant l'été 2005, après l'assignation en nullité ; que les correspondances adressées par le mari sont également postérieures à l'assignation ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'absence d'intention conjugale est établie et qu'en contractant mariage dans les circonstances décrites ci-avant — circonstances qui ne permettent pas d'exclure une certaine manipulation de Claudine X... (au regard de sa fragilité psychologique, de la différence d'âge non négligeable, des informations qu'il a pu lui donner sur sa vie passée) —, Najim Y... ne visait qu'à obtenir un titre de séjour, effet secondaire de l'institution du mariage ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juridictions françaises n'ont pas compétence pour prononcer la nullité d'un acte public établi par une autorité étrangère ; qu'en prononçant pourtant la nullité du mariage valablement célébré par les autorités marocaines entre Mme X... et M. Y... le 11 août 2004, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 47 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte des dispositions de l'article 190 du Code civil que, pour rendre inopposable en FRANCE par autorité de justice un mariage valablement célébré par les autorités étrangères selon la loi locale, le Procureur de la République doit assigner les deux époux devant la juridiction compétente et les faire condamner à se séparer ; qu'en statuant comme elle l'a fait au motif que M. Y... ne cherchait qu'à obtenir un titre de séjour sans que celui-ci ait été appelé à la procédure initiée par le Procureur de la République, ni entendu en la cause, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 190 du Code civil, ensemble les articles 14 du Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.